༄ Chapitre 2

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Mes larmes s'étaient taries. Comme me l'avait si bien fait remarquer ma voisine de cellule, pleurer n'avait pas fait fondre mes barreaux et ne m'avait pas rendu mes vêtements. Ni quoi que ce soit d'autre. Mon corps était redevenu humain, du moins, en apparence uniquement. La résidente de la cellule à côté de la mienne répondait au nom particulier de Noy. Elle était la seule à m'avoir parlé depuis que j'étais ici et elle avait quelque peu éclairé ma lanterne. Comme moi, et bien d'autres, elle avait été enlevée alors qu'elle était allée se baigner pendant une sortie en mer avec des amis. Ça faisait un mois et demi qu'elle était enfermée ici. Elle avait, bien évidemment, aussi subi la transformation. Et, visiblement, elle avait accepté son sort, contrairement à moi et les autres filles. Il n'y avait que des femmes enfermées dans cette prison et nous allions apparemment être distribuées, un peu comme des provisions. Elle n'en savait malheureusement pas plus, aucune précédente n'était revenue pour nous dire ce qui allait nous arriver.

Nous étions nourries deux fois par jour. Toujours de la viande crue. Autrefois, je n'aurais jamais avalé de la viande crue. Depuis ma mutation en créature marine, la donne avait changé. La viande fraîche avait une odeur et un goût particulièrement savoureux. Je n'étais pas comme certaines qui refusaient de s'alimenter, si je voulais m'échapper un jour et retrouver Amber, je devais être en forme physiquement. Ce qui signifiait éviter les coups à tout prix et la malnutrition. J'avais donc appris à me taire, même si je n'en pensais pas moins pour autant. Néanmoins, je commençais à en avoir assez d'être enfermée là comme un animal, il faisait constamment sombre et humide. Et, malgré la vision particulièrement développée des sirènes, il n'y avait rien à voir, je ne pouvais même pas observer les autres filles, ma cellule était mal placée.

J'allais devenir dingue à ce rythme.

Pourtant, quand j'entendis un troupeau arriver, mon cœur fit un bond énorme dans ma poitrine et mon souffle se coinça dans mes poumons. Nos geôliers entrèrent et se mirent à ouvrir chaque cellule. Tirant les occupantes les unes après les autres de leur prison, inévitablement vint mon tour. J'aurais voulu grogner et leur cracher au visage. Je n'en fis rien. Je me laissai pousser docilement avec les autres prisonnières. Je pus enfin les observer, elles étaient de toutes les tailles, toutes les ethnies. Leurs yeux portaient des couleurs diverses et variées, voire carrément exotiques pour certaines. Comme les hommes qui nous escortaient en fait. Cette constatation me fi t frémir.

Les miens aussi devaient avoir changé.

De quelle teinte avaient-ils pu se parer à présent ?

Il n'avait pas de miroir, je ne pus donc le savoir. Nous fûmes toutes envoyées dans une salle différente. Devant la mienne, l'entrée était masquée par un rideau pourpre, je fis un peu de résistance, mon instinct de survie se remettant en marche. Cela me valut un coup de poing dans la tempe et me fit tanguer méchamment, mon équilibre en ayant pris un sacré coup. Ils me maintinrent droite et me firent entrer dans la pièce. Trois femmes se tenant là. Deux blondes et une rousse.

Des femmes...

C'était une blague ?

Comment pouvaient-elles être si sereines en sachant ce qui se passait ici ?

J'eus envie de vomir. Leurs regards froids me glaçaient jusqu'à la moelle. Sans douceur, je fus jetée sur une table en pierre. On m'attacha les bras au-dessus de la tête, ainsi que les jambes, bien solidement, pour me limiter le plus possible. Les mâles qui m'avaient escortée jusqu'ici quittèrent la pièce sans un mot, me laissant aux mains des trois femmes silencieuses. L'une d'elles s'approcha de moi avec une carafe, m'observant fixement.

— Qu'est-ce que vous faites ? murmurai-je, la voix tremblante.

Pas de réponse.

Évidemment.

Elle versa sans prévenir le contenu de la carafe sur mon corps et ma peau se mit à vibrer de douleur, m'arrachant un cri intense. Cette douleur, c'était quasiment la même que j'avais ressentie lors de ma première transformation. Mes écailles étaient apparues à certains endroits, sur mes cuisses principalement. Alors que la peau de mon ventre brillait de manière satinée.

C'était tellement douloureux.

— Bleue, indiqua, d'un ton neutre, la femme qui m'avait aspergée.

La rousse alla chercher quelque chose derrière moi, je ne pouvais savoir quoi, mes liens me retenant à la table. La seconde blonde dégagea ma tignasse noire et passa un tissu imbibé d'un liquide froid sur le bout de mes seins, faisant durcir mes tétons. Elle en passa aussi au niveau de mon nombril. Qu'est-ce que ces garces allaient bien pouvoir me faire ? Je m'agitais autant que je le pouvais, une gifle me calma aussi sec. Ce geste me laissa réellement un arrière-goût amer. Je lançai un regard furieux et dégoûté à celle qui venait, froidement, de me frapper. Elle me répondit par un sourire vicieux et sadique.

Salope !

La rousse refit son apparition dans mon champ de vision, tenant dans ses mains de longues aiguilles. La peur me prit à la gorge. La rouquine s'empara d'un de mes tétons qu'elle pinça fortement, m'arrachant un grognement de douleur. Ce qui ne fut rien par rapport au hurlement strident qui m'échappa ensuite.

Elle m'avait percé le téton.

Les larmes roulèrent sur mes joues alors qu'elle s'empara de l'autre mamelon. Un nouveau hurlement déchira le silence.

— Comment vous pouvez... ? questionnai-je entre deux sanglots. Vous êtes des femmes, comme moi...

Je fus durement saisie par la mâchoire par l'une des deux blondes. Ses yeux rose pâle transpercèrent mon âme par la fureur et le dégoût qu'ils dégageaient.

— Ne nous compare pas à toi, tu n'es qu'une artificielle, une reproductrice qui n'a de valeur que son utérus.

Si elle m'avait poignardée, cela m'aurait fait le même effet que ce qu'elle venait de m'apprendre. J'allais être une mère porteuse. Pour ces créatures ? La terreur qui s'immisça en moi fut plus grande que toute celle que j'avais ressentie jusqu'ici. Je ne voulais pas passer le restant de mes jours à être engrossée par des monstres et mettre au monde leur horrible progéniture. Les questions du pourquoi et du comment ne me virent pas en tête à ce moment-là, la seule chose à laquelle je songeais, c'était que je devais m'enfuir. Et le plus rapidement possible. La sirène blonde me relâcha après avoir feulé comme un chat en colère, alors que la rouquine reprit ce qu'elle avait commencé.

Mon nombril fut également percé.

On me tatoua aussi, juste au-dessus de mon nouveau piercing.

Marquée comme étant une pondeuse.

Après ça, on revint me chercher pour retourner me jeter dans ma cellule. Je n'avais opposé aucune résistance. Je voulais juste disparaître, ne plus vivre avec la honte. Quand je fus de nouveau seule, je me repliai sur moi-même, alors que des larmes silencieuses envahirent mon visage. J'entendais les autres femmes être ramenées aussi dans leur cachot, comme moi, certaines se mirent à pleurer, mais bruyamment. Mes mains vinrent obstruer mes oreilles, je ne voulais pas entendre ça, je ne voulais pas entendre la peine commune qui nous animait. Nous étions pourtant toutes dans le même bateau.

— Aesma ? appela la voix fatiguée de Noy.

— ... Quoi ?

— ... Non, rien, oublie. Je ne cherchai pas à en savoir plus. Je n'avais pas la tête à ça, tout ce qui m'inquiétait à cet instant, c'était ce qu'il allait advenir de moi dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Je ne voulais pas imaginer ce qui m'attendait. Ce qui attendait mon corps, mon esprit et mon âme.

༄ ⸻ ̼𝐁𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐒𝐞𝐚  ● [ 𝘕𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘝𝘦𝘳𝘴𝘪𝘰𝘯 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant