Ali – Murat ! Il a fait un accident de voiture !
Je pensais l'avoir oublier, j'y croyais, tellement fort, je pressais les choses, vite que j'en finisse. Et puis, tout refait surface d'un seul coup, comme si c'était inévitable. Je me retrouve seule, sans repères. Je vais vous dire quelque chose, je croyais vraiment être capable de vivre sans ça, sans ces jeux absurdes. Je pensais être capable de vivre sans lui. Mais quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, je l'aimerai toujours. C'est ainsi l'amour, il n'y a aucun miracle à cela.
Mon cœur s'est glacé, je suis restée figée au salon, aucuns sons ne pouvaient sortir de ma bouche, mon cœur glacé se serrait, puis se desserrait, et ça, une bonne minute, mes yeux se remplissaient peu à peu de larmes. Mais non, je ne peux pas, je ne peux pas me permettre de pleurer devant mon frère, ma frère ainsi que mon petit frère pour celui que «j'aime», c'est une honte, je ne peux pas leur montrer une fois de plus l'amour que je porte au meilleur ami de mon frère, au deuxième fils de ma mère... Je n'arrive pas à assumer cet amour, cet amour excessif dépassé par la Haine. Que dois-je faire pour le rayer de ma vie, de mon coeur, j'ai tout essayé, je suis partie jusqu'à le haïr, mais rien y fait, cet amour ne veut pas me lâcher, il reste collé, gravé au plus profond de mon être. Je l'ai enfui, oui, mais dès que j'entends parler de lui, dès que je le vois, il refait surface, il me détruit lorsqu'il remonte...
Dites moi, aidez moi, tout me ramène à lui, sa mère, cette cité, mon bloc, ma cage d'escalier.. Tout, tant que je vis ici, il m'est impossible de l'oublier ! IMPOSSIBLE ! Je pense à toi, je pense aux rares bons moments que j'ai pu passer avec toi. Ces moments où je voyais la vie en rose, où je voyais mon avenir se tracé avec toi. Mais tout ces rêves, se sont enfuis, mais pas mes souvenirs.
En général, ce sont les souvenirs les plus lourds à porter qui nous reviennent le plus facilement en mémoire. Ces souvenirs-là ont le pouvoir de changer une vie de manière fondamentale et de façon définitive. Et peu importe que vous réussissiez ou non à vous en débarrasser : ils auront laissé en vous des traces indélébiles.
Je me demande combien de temps encore ces images vont rester nettes, limpides, avant de se déformer, puis de se brouiller, puis de s'effacer ; avant que je ne les oublie. J'aimerais les serrer contre moi, comme on serre contre soi un corps aimé, de toutes ses forces, pour le retenir. Mais je sais bien que, de la même manière qu'on ne peut retenir un amour, on ne retient rien de son passé, il s'échappe lentement, chaque jour davantage, et on ne choisit pas ce qu'on en garde. Je t'aime comme une folle Murat, j'ai beau le nier c'est avec toi que je veux faire ma vie, mais voudrais-tu de moi ? Je pense que non...
Je t'aime, c'est tout. Avant je pensais que la vie qu'on s'imagine suffisait. Tu sais, cette vie qu'on construit en rêve avant de s'endormir, où tout le monde est parfait, où celui que tu aimes mettrait son existence en jeu pour toi sans hésiter, où tes amis sont toujours là avec toi.. Et puis quand je t'ai vu avec ces filles, j'ai compris que ce n'était pas à cause de toi que je pleurais, que celle à qui j'en voulais, c'était moi. Parce que je ne faisais qu'attendre, attendre et ensuite, me plaindre que rien ne se passait ! J'ai essayé de tomber amoureuse d'un autre garçon, au moins aussi beau et génial que toi, mais je me suis rendue compte que ce n'était pas honnête en vers lui, et qu'en plus j'en étais incapable.
Je retiens tant bien que mal de retenir mes larmes, ma gorge se noue, mais je résiste, j'empêche ces larmes de couler. J'étais coupée du monde, je ne répondais à personne, j'étais dans ma bulle, à me morfondre sur mon sort, je reprenais conscience et me voilà sur mon palier. Non, ce n'est pas possible, je ne veux pas aller le voir ! Non, tout sauf ça ! Je ne veux plus l'affronter, vous comprenez ? Je suis faible, je suis faible quand Murat se trouve dans le même endroit que moi ! JE ne veux pas !
Ali – Dépêche toi ta race !
Moi – hein ?
Ali – Yeeeh zeh ! Tu va m'rendre ouf, putain y'a mon reuf qui est à l'hôpital, et toi t'es àl, à dire « hein » -en imitant la voix d'un pd-
Moi – Ali, je veux pas venir !
Ali – J'en ai rien à foutre oim ! Tu viens !
Et il me tire avec lui, me voilà entraînée dans les escaliers de ma tour, tirée par le bras, emmenée de force à l'hôpital voir celui qui me hante depuis presque 3 ans et demi. Et la question est : Vais-je supporter de le voir dans un mauvais état ? Non, je sais que la réponse est non, je ne supporterais pas de le voir dans ce lit d'hôpital, inconscient ! Je ne pourrais pas m'en remettre !
Ma mère était déjà dehors, elle insultait mon frère pour qu'il se dépêche ! Je monte à la banquette arrière, mon frère conduisait comme un fou, il grillait les feux rouges, insultait les passants, klaxonnait pour qu'il puisse accélérer.
J'étais derrière, inondée par mes doutes, pas ma peur. J'allais devenir folle, je pleurais intérieurement, saignais intérieurement..
Nous voilà à destination, le moment que je redoutais le plus... Je ne supporte pas cette odeur, vous savez celle qui est présente dans les hôpitaux cette odeur qui nous forme une boule dans le ventre, je ne sais pas si c'est pareil pour vous, mais moi, cette odeur me rends encore plus stressée à l'idée de voir notre proche présent dans un lit d'hôpital...
On se dirige vers l'accueil, on demande la chambre de Murat, Ali l'agressait, il allait limite la taper, parce qu'elle n'était pas assez «rapide» à son goût, et que c'était « son frère qui était dans ce lit d'hôpital». Elle nous donne le numéro de sa chambre limite en train de trembler. On se dirige, efin pour ma part, je tremblais aussi, j'avais peur à l'idée de voir Murat dans un sale état. Ali et ma mère court, moi je n'ose pas, j'avance à petits pas, j'avais peur, j'essaie de me préparer psychologiquement à ce que je pouvais voir.
On arrive enfin à son étage, les portes de l'ascenseur s'ouvrent pour me permettre de m'échapper de cet ascenseur parfumé de ce parfum que je ne supporte plus. J'avance et je vois une masse de gens, j'entends des pleurs, des filcs, je m'avance le coeur lourd... Plus je m'avançais, plus je pouvais apercevoir nettement la personne en pleurs. Bien évidemment c'était Ayse teyze, la maman de Murat. Elle criait des supplications, elle implorait Allah pour que son fils reste en vie. Mais est-ce si grave ? Je ne sais pas encore ce qu'il a .. Toutes les mamans de la cité essayaient de la consoler de mieux qu'elles pouvaient, mais rien n'y faisait, elle pleurait, et rien ne lui en empêchait.
La voir dans cet état m'a détruite à mon tour, c'est qu'il y a quelque chose de grave non ? J'étais dans mes pensées quand je vois des infirmières courir vers Ayse Teyze, elle s'était évanouie, une baisse de tension sûrement. Ça me faisait du mal de la voir dans cet état... Ils l'ont prise dans une chambre
Je vois Ali posé contre le mur, les yeux brillant, avec tous ses potes de la cité. J’aperçois Yassine et Mustafa se diriger en ma direction. Mustafa avait les yeux tous rouges, il avait sans doute pleurer... Ils mer regardaient avec un regard plein de tristesse..
On se regardait, aucun d'entre nous parlait, ils ne disaient rien...
Moi – Mustafa.. Il.. Il a quoi ?
Mustafa baisse la tête, ne dit rien, et Yassine fait de même.. Mais il se passe quoi ? Je les secoue, et je vois Mustafa pleurer... C'était la première fois depuis que je le connais qu'il pleurait, il se baissait, il essayait de ne pas me montrer ses larmes, mais je les ai aperçues.. Je m'inquiètais de plus en plus, beaucoup de personnes pleuraient, dont ma mère, même mon frère, Ali... Je ne supportais plus cette ambiance qui devenait pesante... J'avance jusqu'à c'que j'aperçoive une personne avec cette longue blouse blanche : le médecin. Je me précipite vers lui, pour avoir au moins des explication concrètes.
Moi – Monsieur, monsieur, qu'est ce qu'il a Murat ?
Medecin – Euh.. écouter.. Bah, il fait un accident grave.. à ce moment il est dans un lourd coma, on essaie du mieux qu'on peut de le réanimer, mais en vain..
Le monde s'est écroulé autour de moi... Comment ça ? Il est dans un lourd comma ? Non, ya Rabbim, aide moi, donne moi la force de rester forte ! Je ne sentais plus mes jambes, je me sentais coupée du monde qui m'entourait, il n'y avait plus qu'une chose à laquelle je pensais, Murat.. Et s'il venait à me quitter ? Je ne peux pas, je regrette Murat, je regrette de tout ce que j'ai pu dire. Je t'aime, je t'aime plus que ma propre vie, parce que oui, tu es ma vie, toi ! Si tu pars, une partie, et même une très grosse partie de moi s'en ira avec toi. Je serais présente sur cette terrre physiquement, mais mon âme, mon amour sera avec toi.. J'implorais Allah pour qu'il s'en sorte... Je pleurais, je criais, les médecins essayaient de me calmer, mais en vain..