La foule qui se trouve autour des fusées commence à se dissiper. Seuls une bonne dizaine de personne restent et je réalise que ce sont ceux qui vont faire partis du voyage. Je n'ai pas le temps de m'attarder puisque Garance m'attrape par le bras et me tire à l'intérieur de la fusée.
Mais qu'est-ce que tu fais ? rouspétai-je.
‒ Je veux qu'on soit les premières installées !
Elle fouille dans sa poche et en extirpe deux bouts de papiers violets. Elle m'en tend un et ajoute :
‒ J'ai commandé les billets à l'avance, tu ne pensais quand même pas que ce serait comme dans un bus ordinaire ?
J'acquiesce et la remercie. Heureusement qu'elle est là parce que si le voyage ne tenait qu'à moi je pense qu'on aurait pu rentrer directement à la maison. Nous montrons nos tickets pour l'amour au chauffeur et celui-ci nous souhaite la bienvenue et nous fait signe de nous installer. L'intérieur est agencé d'une manière tout à fait banale, si on omet de mentionner la couleur mauve prédominante et les sièges qui ressemblent plus à des fauteuils pour deux personnes, de chaque côtés, séparés par l'allée centrale. Bon ok, c'est vraiment magnifique ! Je reste plantée en plein milieu de l'allée, mon esprit divaguant d'une pensée à l'autre quand Garance me ramène à la réalité en me tirant comme à son habitude.
‒ Si tu ne te dépêches pas on n'aura pas les places du fond ! grogne mon amie.
‒ Et qu'est-ce que ça changerait ? demandai-je par mauvaise foi.
Elle roule des yeux et dans un soupire s'apprête à me faire un reproche.
‒ Très bien, si tu ne veux pas avoir l'air cool c'est ton problème, m'accable-t-elle. Mais je te préviens, il n'y a que les intellos qui s'assoient au premier rang.
Je soupire et la suit en omettant d'admettre qu'elle a raison, malheureusement, c'est une légende qui ne date pas d'aujourd'hui. Et dans chaque légende il y a une part de vérité. Sans compter que je ne suis pas venue ici pour me faire passer pour la gentille du groupe. Ce nouveau départ est l'occasion idéale pour sortir un peu de ma zone de confort. Et je n'ai vraiment pas envie qu'on me colle directement l'étiquette « ennuyeuse », ce serait un échec total, et qu'on se le dise clairement : je n'ai pas besoin de ça.
En m'avançant vers le fond je m'aperçois qu'il y a cinq places, nous prenons donc soin de nous mettre au milieu, délaissant les places côté fenêtres : on n'est pas là pour mater le paysage. Je crois que le message est passé. Je crois que la matière du « fauteuil » pour cinq s'apparente à du velours tellement c'est doux. Ils mettent dans l'ambiance. Heureusement, il n'y a pas de cœurs partout, ni d'autres décorations qui auraient plus fait « mariage raté » que « application révolutionnaire et hyper en à la mode ». Cependant un détail ne m'échappe pas : un giga écran plat surplombe toutes les places, mais le premier rang sera avantagé puisqu'il se trouve juste derrière l'emplacement du chauffeur.
Je fusille Garance du regard qui hausse les épaules. Puis je me demande ce qui va être diffusé, peut-être un film comme Flashdance pour mettre tout le monde dans le bain. Cependant j'imagine que s'ils sont dans cette fusée c'est qu'ils sont déjà déterminés. Et puis je me rends compte que je suis là aussi. Mais c'est plus pour accompagner ma meilleure amie. Cette fois je peux détailler les passagers qui entrent tous un à un et présentent leurs tickets au chauffeur comme nous l'avons fait et cette séquence dure plusieurs minutes. Un homme qui doit avoir dans la vingtaine s'avance presque jusqu'à notre hauteur et s'arrête sur le rang juste devant nous. Il est brun aux yeux verts, il porte un t-shirt blanc et un jean moulant : basique, commentai-je. Pour l'instant, personne ne vient jusqu'au fond, s'arrêtant un peu partout. Une femme aux cheveux blonds et longs prend place à côté de monsieur basique. A-t-elle choisi volontairement ? Et c'est comme ça tout le long. Des gens montrent leurs tickets, choisissent une place parfois au hasard, parfois j'en doute fortement, puis s'assoient sans rien dire.
Ça me fait penser à un film américain, où tout d'un coup les protagonistes vont se lever et commencer à chanter avec une chorégraphie incroyable en se croyant dans une comédie musicale. Sauf qu'il n'en est rien. Cette fois c'est une femme, un peu forte, et magnifique qui fait son entrée. Encore une blonde ! Ses boucles tombent en cascade dans son dos et je lui demanderai quelle marque de shampoing elle utilise à l'occasion.
Cette fois c'est un garçon, pas trop musclé, pas trop maigre, qui entre et qui fait tourner quelques têtes j'ai l'impression. Il a une assurance hors-pair comme s'il avait fait ça toute sa vie : malheureusement je suis immunisée contre son charme puisque ça ne me fait absolument rien mais ce n'est pas le cas de Garance dont le regard ne lâche plus le jean trop serré du jeune homme. Et roulement de tambours... Il s'assoit au premier rang.
‒ Il n'y a que les intellos qui s'assoient au premier rang ? demandai-je à Garance.
Celle-ci ne répond pas et j'avoue que j'éprouve une petite satisfaction. Je vais pouvoir l'embêter avec cette histoire et je remercie monsieur le tombeur pour ce cadeau.
‒ Ne perds pas espoir ma belle, lançai-je. Tu es peut-être une surdouée qui s'ignore !
‒ Et je vais te le prouver ! réplique-t-elle avec des flammes dans les yeux.
Je souris et me demande comment elle va s'y prendre : ça devient intéressant. Peut-être que Candace pourra s'inspirer un peu de Garance dans le futur ? J'entends déjà mon amie réfléchir à sa mission. Je sais que ce n'est pas possible : mais je l'entends quand même réfléchir.
Quant à moi je continue de regarder le défilé, une femme brune un peu décoiffée, le regard ravageur de beauté s'introduit à son tour dans la fusée. Elle porte une robe en cuire, un décolleté brodé de ficelle, et une élégance que j'ai rarement croisée. Je la préfère de loin à monsieur tombeur du premier rang. J'observe le chauffeur qui vérifie son ticket mais ma vision est gênée par une horde de jeunes qui cherchent ou se mettre et qui étaient avant madame élégance. Ils sont trois en réalité et choisissent évidemment la banquette arrière : la nôtre. Deux du côté gauche de Garance et le troisième à ma droite. Bien sûr ils rendent mon spectacle inaudible mais je n'ai jamais tendu l'oreille aussi loin pour entendre : même pas en cours. Si bien que j'entends le chauffeur en costard demander à madame élégance son prénom et que celle-ci répond : Laurène.
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OTHER GIRLS 1
Romance#1 en LGBT Qui sont ces autres filles ? On raconte qu'elles ne sont pas belles. Qu'aucun homme n'en veut. Qu'il serait dommage d'être comme elles. Comme si c'était un échec. Mais qui les connaît vraiment ? Qui prétend les reconnaître au premier rega...