OTHER GIRLS 1

Laurène-044

PDV Laurène

Son baiser me prend de court, je ne peux pas dire que je n'apprécie pas sa maîtrise de débutante mais elle ne s'est pas demandée une seconde si moi j'avais envie de m'afficher. Pourtant elle a le pouvoir de faire disparaître le monde autour, comme s'il ne restait plus que nous deux dans la chambre. Malheureusement ce n'est pas le cas et nous avons une horde de commentateurs ce qui m'agace.

‒ C'est qui qui fait l'homme à ton avis ? lance Vivian, hilare, à l'intention de sa copine.

Je me raidis, prête à répondre malgré l'emprise chaleureuse de Louise.

‒ C'est sûrement pas toi avec tes clichés à deux balles ! répond Garance.

Mes lèvres s'étirent sur celles de Louise en un sourire.

‒ Qu'est-ce qui te prend, tu as tes règles ? réplique celui-ci.

Aie, il s'enfonce.

‒ Je me suis bien trompée sur toi, dit Garance, je n'ai pas envie de perdre mon temps à t'expliquer les choses que tu devrais savoir. C'est fini entre nous, et j'ai déjà eu mes règles la semaine dernière puisque ça t'intéresse, cependant je ne fais pas le rapprochement.

Il reste interdit.

Elle dépose un baiser sur le front de celui qui vient de changer de statut, sous le regard de tous. L'attention n'est plus sur nous. Garance se relève, et salue la salle avant de sortir sans avoir besoin de se justifier.

La porte claque derrière elle. Louise se lève à son tour pour rattraper sa meilleure amie, je décide de l'accompagner. Ce qui reste une excuse tout à fait valable pour quitter cette soirée désastreuse. Je longe le couloir sur les pas de Louise, celle-ci se dépêche de gagner la chambre de Garance. Elle toque.

Je suis à côté, dans notre chambre si tu as besoin de moi, je chuchote.

Elle dépose un baiser sur mes lèvres avant de s'engouffrer dans la chambre de sa meilleure amie. Je m'étale au milieu du lit, bercée par les effluves de son odeur qui persiste à rester sur les draps. Sauf que je n'avais jamais remarqué à quel point les murs sont fins jusqu'à maintenant puisque j'entends la moitié de leur conversation.

Je fixe le plafond en attendant Louise mais mon cœur rate un battement lorsque je réalise que Garance ne va certainement pas vouloir dormir avec son ex petit copain. Personne n'a le droit de nous voler le peu de nuit qu'il nous reste pour nous aimer. Pour avoir une idée de la suite des événements je tends plus volontairement l'oreille pour écouter.

‒ Je suis désolée, articule Louise.

Du moins c'est ce que j'entends de là où je suis. Je les imagine assises sur le lit deux places, en tailleur, Garance aurait le visage plongé entre ses deux mains. Ce qui ne me facilite pas la tâche pour comprendre ce qu'elle raconte.

‒ Je préfère tout arrêter avant d'enchaîner encore plus les déceptions à cause de son comportement.

‒ Je pense que tu as eu raison, si tu le ressens comme ça, vous n'êtes pas sur la même longueur d'ondes.

Silence.

Est-elle en train de sangloter pendant que Louise la serre fort contre elle ? Je ne pense pas que Garance soit du genre à se morfondre, j'ai l'impression qu'elle est plus en colère qu'autre chose après réflexion. Cela dit, ça ne veut pas dire qu'elle n'a pas le droit d'être triste. Ça me fait mal pour elle, nous avons vécu sa désillusion en même temps et je crois que je n'aurais pas supporté non plus.

Plongée dans mes hypothèses, je sursaute lorsque l'échange entre les deux meilleures amies reprend.

‒ Qu'est-ce que tu comptes faire ? demande Louise.

‒ Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

Ok, on va aller loin avec ça.

‒ Je ne sais pas.

‒ Moi non plus.

Si ça continue, je vais m'endormir.

‒ Je suis contente pour Laurène et toi, murmure Garance.

Silence. Cette fois je n'ai aucun mal à me représenter la réaction de Louise que j'ai le sentiment de connaître depuis toujours : ses joues s'empourprent et elle baisse le menton. Dommage que je ne sois pas là pour le relever délicatement.

‒ Tu ne vas pas aller à la rencontre de ?

Non, répond Louise. Mais je crois que Laurène...

La fin de sa phrase est inaudible. Je me mordille la lèvre. Je ne peux pas nier que j'ai tout quitté pour changer d'air, avoir plus d'espace, rencontrer d'autres filles, et surtout @vingt-cinq-ans. Je me voyais déjà dans une nouvelle vie loin des petites amies trop hétéros. Et puis il y a eu cette mademoiselle-pas-lesbienne-du-tout qui est en train de bouleverser ma vie. Je m'étais promise de ne pas me détourner de mon objectif. Si je reste avec Louise, je devrais retourner dans mon ancienne vie. Est-ce que je suis prête pour ça ?

‒ Tu es douée Garance ! s'exclame ma copine.

Cette fois je n'ai eu aucune peine à entendre chaque syllabe.

‒ Pourquoi ? s'étonne celle-ci.

‒ On parlait de toi mais tu as changé de sujet !

‒ Pas du tout.

Même moi je ne suis pas convaincue par cette réponse, elle n'essaie même pas d'argumenter je souris en me demandant si elles vont partir dans une bataille de « si, non, si, non... ». Je déchante rapidement lorsque ça se produit puisque ça me semble durer une éternité. Je soupire, toujours allongée sur le dos, les bras croisés sous ma tête.

Une fois le match nul prononcé, le temps peut reprendre sa course normalement, les aiguilles peuvent poursuivre leur manège incessant.

‒ Qu'est-ce que tu comptes faire ? demande Louise.

‒ Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

C'est pas vrai, ça recommence.

‒ Je veux dire... Est-ce que tu vas dormir avec lui ?

Tout à coup je me rends compte que j'aimais lorsque la conversation tournait en rond, parce que là je ne suis pas prête à entendre la réponse. C'est comme si Louise venait de confier mon cœur entre les mains de sa meilleure amie, et ce n'est vraiment pas le meilleur sentiment que j'ai pu ressentir. 

Avis ? :)