Laurène-040

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PDV Laurène

Mercredi, 2h00.

Le court trajet qui sépare notre chambre de celle de Jade me submerge d'une émotion amère. Il suffit de traverser le couloir, car la chambre en question est à l'opposée. Mais plus le temps avance, plus j'ai la sensation de consommer mon bonheur dans sa totalité et qu'il sera épuisé dès lors que nous reprendrons nos routes. Parce que j'ai commencé cette aventure avec pour objectif de débuter une nouvelle vie, loin de l'autre. Loin de mon ancienne ville, où j'ai la moitié des couples hétéros sur le dos, enfin surtout des maris de ces femmes. Je ne peux pas les blâmer.

J'ai une réputation là-bas et il est inconcevable pour moi d'y retourner. Comment pourrais-je être totalement moi-même lorsque tout le monde me prend pour une fille que je ne suis plus. Je fuis un peu mais la tâche me semble compliquée. C'est comme une rumeur qui ne me lâche pas et qui reste coincée dans un coin de ma tête. Il y a pire, dans les cours de récré, mais j'ai tout de même besoin de changer d'air car je ne sais plus où j'en suis.

Surtout qu'un prénom qui dépasse tous les mots, toutes mes pensées résonnent en moi, pas seulement dans ma tête mais dans tout mon être : Louise.

Louise.

Louise.

Rien à rajouter.

‒ Louise.

Je le prononce à voix haute pour le matérialiser à travers mes lèvres. Celle-ci se tien à côté de moi et me scrute tout en étant dans la lune, je crois. J'ai tellement envie de lui prendre la main mais je contente de ce fil invisible qui nous lie. Louise qui a finalement opté pour le look soirée plutôt que pyjama party. Moi j'ai fait le choix inverse.

‒ Nous ne devrions pas arriver en même temps, elle murmure.

Sur ces paroles ses jouent deviennent brûlantes. Et ma cage thoracique se compresse. Je me sens étouffée. Cependant je n'ai pas envie de jouer la coach avec elle, je veux qu'elle prenne son temps pour accepter. Je déglutis et me plonge dans ses yeux bleus. Je n'ai pas de réponse à donner, je cherche mes mots dans son regard. Mais je ne trouve que le silence. Mes lèvres sont scellées. J'aurais trop à dire et en même temps plus rien, parce que c'est elle.

‒ Désolée, elle dit doucement en comprenant la lourdeur de ses propos.

Nous sommes arrêtées à mi-chemin.

‒ Ce n'est pas comme si on se tenait la main, n'est-ce pas ? Nous sommes colocs après tout, c'est normal d'arriver en même temps, les gens n'y verront rien d'autre que de l'amitié, poursuit-elle.

J'entends mon cœur se fêler. Je m'étais promise de sortir qu'avec des lesbiennes confirmées parce que sinon ça fait trop mal. J'avais oublié à quel point on pouvait être homophobe envers nous-même lorsque l'on se découvre homo. Non, pardon, je n'avais pas oublié mais pour moi ça remonte à loin.

‒ Je peux retourner attendre dans notre chambre si tu veux, répliquai-je d'un ton plus sec que je ne l'aurais voulu.

Elle rougit de nouveau et je m'en veux.

‒ Je suis désolée, ce n'est pas contre nous, c'est juste moi... J'ai un peu de mal à... bafouille-t-elle.

J'aimerais l'embrasser pour qu'elle se taise et pour oublier. Mais je le fais autant que je lui donne la main : c'est-à-dire pas du tout.

Nous continuons de longer le couloir blanc, les néons mauves se sont allumés automatiquement ce qui n'est pas discret pour une sortie clandestine. Mais je joue le jeu. J'espère que le monde qui sera présent ne nous interpellera pas pour un coaching gratuit. Je ne suis pas là pour ça, mais pour profiter comme tout le monde. Sauf que maintenant j'ai une copine alors que nous sommes dans une aventure pour célibataires, les places étaient limitées, raison supplémentaire de passer notre idylle sous silence. Non, ça ne tient pas debout, Garance et Vivian ne se cachent pas, inutile de me trouver des raisons.

Arrivées devant la porte en question, je toque, une petite ouverture se forme et me laisse apercevoir Jade. Elle nous fait signe d'entrer et ceux qui sont déjà là discutent en chuchotant. Nous entrons, la chambre est similaire à la nôtre, blanche et violette avec un lit deux places au milieu et la salle de bain au même endroit. Cependant je remarque que les coussins décoratifs en fausses fourrures sont blancs, tandis que les oreillers sont mauves. Chez nous, c'est l'inverse. Je ne m'attarde pas plus sur le mobilier, sur le lit il y a Fidèle, le DJ selon Louise, qui a prit ses aises, écouteurs éternellement vissés dans les oreilles. Il devrait se les faire greffer. A ses côtés il y a Vivian les jambes allongées de chaque côté de Garance qui est adossée contre le torse de celui-ci.

Une femme blonde, inconnue au bataillon. Une très belle fille rousse aux yeux émeraudes que Louise avait recalée dans la file. (Comment pourrais-je oublier ce moment ?) D'ailleurs elle nous dévisage lorsque nous prenons place par terre, assises chacune sur un coussin. Ce n'est pas tranquille. Je me relève sous le regard interrogateur de Louise.

‒ Oh non, il n'y a plus de place sur le lit, je me lamente.

Je capte l'attention de Garance puis de Vivian lui-même interpellé par l'attention de celle-ci. Mais je sais que je n'aurais pas celle du DJ Fidèle.

‒ Je ne voudrais pas vous déranger mais j'ai un petit problème de dos, et de sol. Donc les deux en même temps je n'aime pas du tout.

Je suis ravie de voir les points d'interrogations se former au fond de leurs pupilles.

‒ Je vais la faire courte, je poursuis, je ne peux pas m'assoir par terre, sinon mon dos... Ça me donne envie de vomir.

Garance plisse les yeux comme pour essayer de comprendre mais je sais qu'elle ne va pas résister longtemps.

‒ Oh ! Pas de problème, viens t'assoir à côté de nous ! s'exclame la meilleure amie de ma copine.

Je ne sais pas si j'ai été convaincante où si elle ne voulait juste pas chercher les embrouilles avec une folle comme moi mais dans tous les cas ça marche et ce n'est pas la première fois.

Tout à coup je fais le lien entre la rousse que Louise a recalé dans la file, et la rousse a qui j'ai fais le même numéro dans la fusée : c'est la même. Je n'y avais pas pensé et 'ose à peine poser mes yeux sur elle, quand je le fais, elle continue de me dévisager. Je fais comme si de rien n'était. Pendant que Louise me fusille du regard parce que je l'ai abandonné par terre.

Qui a dit que j'avais terminé ma mission ?

Je me serre à côté de Vivian, pendant que Garance lui tapote sur la cuisse pour lui dire de se décaler vers le DJ.

‒ Merci, je souffle pour Garance, Louise tu veux venir ? Il reste de la place ! je m'écrie en tapotant à mon tour la petite place à ma droite.

Elle est vraiment petite. Mais ça aussi ça fait partie du plan.

‒ Je vous ai dit de faire comme chez vous mais la seule règle est de chuchoter, intervient Jade.

Je lui souris en pensant qu'elle prend drôlement à cœur son rôle de « maîtresse de maison ».

Lorsque Louise arrive pour poser ses fesses, elle est à moitié dans le vide. Nous gloussons.

‒ Oh, désolée elle est vraiment petite dis donc ! je ris. (Puis je fais mine d'avoir une idée). Tient, mets-toi comme Garance, ça économisera de la place !

J'ai peur que Louise prenne ça pour de l'irrespect envers son choix de rester cachée et qu'elle pense à ce que ceux qui ne sont pas encore dans la pièce vont s'imaginer. Mais trop tard, ça passe ou ça casse. C'est comme ça qu'elle se retrouve dans mes bras. Et que nous attendons les autres pour démarrer l'activité. 

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant