Laurène-016

1.9K 148 37
                                    

PDV Laurène

‒ Est-ce que tu viens de dire que je suis sexy ? 

‒ Absolument pas, rétorque-t-elle avec une mine un peu trop désabusée.

‒ Disons que je ne vais pas le prendre mal : tu as simplement peur de l'avouer, répliquai-je en me forçant à faire la moue.

‒ Non, je voulais dire que je n'ai pas dit que tu n'étais pas sexy mais je n'ai pas dit que tu étais sexy, tu as du mal comprendre d'accord ?

C'est marrant, avec elle je ne sais jamais si je dois rire ou pleurer. Je sens qu'elle est à deux doigts de me sortir la phrase à ne pas prononcer mais qu'elle se retient pour ne pas provoquer une nouvelle crise. Aie, ça lui brûle les lèvres. Va-t-elle résister à la tentation de la grande annonce du siècle : qu'elle n'est pas lesbienne.

‒ T'as le droit de me trouver sexy, je reprends.

Elle me regarde avec ses grands yeux bleus.

‒ Oui je sais c'est un de mes droits, continue-t-elle avec le ton d'une petite fille à qui l'on dirait qu'elle a l'autorisation de jouer avec son nouveau jouet.

Non je ne me compare pas à un jouet. J'essaie juste de dire que je suis sexy mais ça part beaucoup trop loin. En ce qui concerne ce dont on a parlé plus tôt à propos de mon coming-out :

Il s'est plutôt bien passé : il y a juste des préjugés qui m'ont éclaté à la figure comme des morceaux de verres enfuient d'un miroir qui ne reflète qu'une facette de nous-même. Et ces préjugés me suivent partout. Surtout avec les « pas lesbiennes » comme Louise, ce qui ne me donne pas envie de parler de ça. Ce serait trop fatiguant pour elle et pour moi. Plus tard, peut-être. 

‒ Vous ne pouvez pas vous taire ? s'énerve un homme assis quelque rang devant. C'est bon, tout le monde à compris que vous aviez un style de vie... peu correcte ! Vous êtes rebelle ? Très bien mais ne venez pas vous venter à cause de votre sexualité ! Il ne manquerait plus que vous influenciez des jeunes filles dans ce bus à devenir comme vous ! (La haine dirige les fluctuations de sa voix.)

‒ Monsieur, s'il vous plait, respectez vous vous même.

J'ai vu trop de gens se ridiculiser en fourrant leur nez dans les affaires des autres et ça me rend triste. Pas pour moi, pour eux. Je ne m'occupe pas de leur fesses (par chance), alors j'attends de même de leur part.
Il y a bien trop de misère autour pour que le monde se soucie de qui j'aime, de qui je mets dans mon lit, de qui j'embrasse et de qui je tiens par la main. Pendant qu'on laisse filer les violeurs et toutes les autres ordures.

Cette pensée me fait baisser les yeux vers le sol. Par pour moi, pour ce monsieur qui perd son temps à me détester alors qu'il ne me connaît pas. Quelle triste vie.

Je jette un œil vers Louise, celle-ci ne sait plus où se mettre et elle ne devrait pas. Elle n'a vraiment pas besoin de ça. Personne n'a besoin de ça. Le truc c'est que je me suis longtemps sentie comme une criminelle pour oser aimer différemment que ce qui nous est imposé et puis finalement je me suis dit que pendant que moi je savoure l'amour d'autre goûtent à la haine envers moi. Et à choisir, je reste bien à ma place. Je préfère embrasser que jurer. Et tant pis s'ils sont jaloux.

‒ Et en plus elle me donne des leçons de morale ! Elle, qui est tant immorale ! 

‒ Monsieur, vous vous donnez en spectacle.

‒ Ta gueule, salle lesbienne.

La vulgarité allait s'inviter un moment ou un autre : c'est inévitable chez les personnes comme ça conditionnés par je ne sais trop quoi. De vrais robots. 

Quelques regards interloqués se croisent, d'autres répriment un rire tandis que d'autres serrent les poings, prêts à bondir sur ce pauvre monsieur mais ils savent qu'ils ne le feront pas. Aussi horrible dans ses propos qu'il puisse être.

La preuve qu'il n'y a pas d'âge pour le respect.

‒ Ce n'est pas une insulte, hurle Louise.

Nous sommes toutes les deux choquées.

‒ En revanche je ne suis pas sale, affirmai-je. (Je suis sexy).

Ce qui nous fit rire toutes les deux.

‒ Mesdames et messieurs j'ai le regret de vous annoncer que notre fusée de secours n'arrivera pas puisqu'elle en dépanne déjà une autre... mais ne paniquez pas : nous réalisons tout notre possible pour résoudre le problème au plus vite.

Cette fois des plaintes s'entrechoquent dans l'air confiné de notre fusée. Je sens qu'il va bientôt me falloir de l'oxygène et que je vais devoir le partager avec Louise qui n'en peut plus.

‒ Au pire, dit Louise en se tournant vers moi et en haussant la voix. On a cas lui prouver qu'on est des princesses.

‒ On, euh... attend quoi ?

Qu'est ce qu'elle me raconte encore ? Je le sens mal.

‒ Bah oui c'est simple, s'il ne nous croit pas on va lui prouver qu'être lesbienne ce n'est pas une insulte ! S'enthousiasme t-elle, ravie de son idée.

‒ On est pas dans un de tes romans, lance Garance hilare, à l'intention de sa meilleure amie.

Celle-ci prend un air trahi et fusille Garance du regard. J'ai envie de faire de même mais je fais plus encore :

‒ D'accord, même si on n'a rien à prouver à qui que ce soit... pour le moment, on n'a que ça a faire, affirmai-je, vaincue. Mais dis-moi une chose... depuis quand tu défends cette cause ? Chuchotai-je.

‒ Je n'aime pas qu'on me contredire et je suis têtue. Puisqu'il croît que c'est une insulte, on va lui démontrer le contraire.

Ok, cette idée pue vraiment.

‒ Et par ou on commence ? Demande t-elle.

‒ Ce n'est pas plutôt à moi de poser cette question ?

Elle hausse les épaules. Je soupire.

Le monsieur en question croise les bras comme pour former un bouclier contre nos attaques et nous regarde d'un air supérieur. Jusque là il ne s'était que retourné vers nous depuis son siège, l'acrobatie lui tordant les épaules mais je décide d'abréger sa souffrance et d'aller jusqu'à lui. Il souffle en se remettant droit. J'avoue que j'en avais marre de le voir se tordre. Je peux mieux le distinguer, il a dans la quarantaine, les cheveux bruns, à peine gris, le regard glaçant d'un homme d'affaire, et un long manteau noir par dessus une chemise blanche ainsi qu'un jean. Et des baskets. Je le fixe longuement. Il a la tête d'un homme d'affaire "en voyage pour le boulot" sauf qu'on est dans une fusée en route pour l'amour. (ou l'infidélité).

‒ Monsieur, je vous invite à dîner avec mes amies, dis-je, en désignant Louise et compagnie. Si vous le voulez évidemment.

‒ Quelle galanterie, se moque-t-il.

‒ C'est réservé aux hommes ? Répliquai-je, indéfectible.

Le ton est donné.
Et
C'est
Uniquement
Pour
Louise.

Coucou, je vous mets le trailer si vous ne l'avez pas vu. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Ainsi que si ce chapitre vous a plus ?

Et plutôt team Laurène ou Louise ?

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant