Où suis-je ? Lorsque je prends conscience que je suis en train d'émerger, je peine à ouvrir les yeux. Je m'y reprends à plusieurs fois, plusieurs alignements avant de voir la chambre dans laquelle je suis couchée.
‒ Laurène, il faut que je te parle, souffle Clara dans un mélange d'empressement et de douceur.
Je tente de relever la tête mais elle est trop lourde.
‒ Elle est fatiguée, elle a besoin de se reposer, intervient Louise. Elle vient à peine de se réveiller !
Mais sa voix me donne la force d'affronter ce que Clara a à me dire, alors je l'encourage à continuer en faisant un petit « oui » de la tête.
‒ Il se passe quelque chose, poursuis-t-elle, intimidée par mon état mais jamais hésitante comme à son habitude professionnelle.
Je jette un œil en direction de Louise, appuyée contre le mur d'en face, les bras croisés. Je sais qu'elle écoute. Elle est mon ange gardien.
‒ Qu'est-ce qu'il se passe ? j'articule faiblement. Les gens ont enfin pris conscience que les méchants existent et qu'ils ne sont pas aussi visibles que dans les contes ?
Mon sarcasme ne me quitte jamais visiblement.
‒ Plus ou moins, répond Clara.
‒ Il te faut une invitation pour continuer ? râle Louise.
J'étouffe un sourire. Je crois que l'épine de la rose lui est restée en travers de la gorge. Ses mots piquent.
Clara ne relève pas mais poursuit :
‒ Suite au petit succès de ton coaching, les gens t'ont réclamé et malheureusement, les quelques personnes au courant de ton état actuel ont laissées échapper l'info. Les journaux ont même eu vent de tout ça. Bon je dois l'avouer, il n'y a pas que ton succès qui est en cause mais surtout celui de GRAVITATION qui a attiré les foules autour de toi.
‒ C'est quoi « tout ça » ? m'impatientai-je.
Tous mes membres sont trop faibles pour que je ne puisse bouger, je suis allongée, les bras le long du corps.
‒ Tout ça, (elle prend une bouffée d'oxygène), c'est une vague d'indignation. C'est un mouvement qui est en train de naître grâce à toi Laurène.
Je ne peux m'empêcher de rire nerveusement. Louise a les yeux écarquillés.
Clara reprend, indéfectible :
‒ Les gens appréciaient beaucoup l'idée qu'une lesbienne donne des conseils en séduction, ça paraît bête et peu avancée comme pensée et pourtant ça fait parler ! Ça a commencé avec le bouche à oreille, des clients de l'hôtel qui n'étaient même pas des passagers, puis des gens extérieurs. Certains ont même commencé à contacter GRAVITATION pour prendre rendez-vous avec toi ! Tu les as intrigués. (Elle baisse la tête.) Donc comme je le disais, certains, suite à des fuites non volontaires, ont eu vent de ton état actuel, et un courant d'indignation commence à germer un peu partout contre l'homophobie.
Je prends quelques secondes pour digérer ces informations.
‒ Les choses changent Laurène, et tu en es le symbole. Chaque jour des personnes nous écrivent pour témoigner de l'homophobie, d'une société rétrograde et de tout un tas de choses.
‒ Où veux-tu en venir par rapport à moi, je demande.
Ma voix n'a aucune puissance.
Louise prends ma main dans la sienne et je n'avais pas remarqué à quel point le contact de sa peau m'avait manqué.
‒ Je veux te proposer le poste de coach officiel chez GRAVITATION.
Je me prends une claque, tout se bouscule dans ma tête.
‒ Et Louise ? je demande.
Ma copine ne scille pas.
‒ Je crois qu'elle a des projets d'étude, dit Clara en se tournant vers Louise, celle-ci acquiesce. Mais toi tu es libre ?
Charmante façon de me rappeler que je suis sans emploi.
‒ Vous voulez juste vous servir de mon succès pour faire de l'argent, accusai-je sans prévenir.
‒ Nous, nous continuerons à avoir nos salaires et GRAVITATION aura toujours du succès, mais en effet, tu peux effectivement gagner ta vie tout en étant le symbole d'une rébellion.
Ses mots raisonnent en moi. Je n'aspirais pas à ça mais j'avoue m'être plu dans le rôle de coach. Je ne sais pas quelle charge va me tomber sur les épaules. J'ai besoin d'être seule avec ma copine.
‒ Ne répond pas tout de suite Laurène, on en reparle plus tard et tu as mon numéro.
Elle n'attend pas de réponse et se volatilise de ma chambre d'hôpital.
‒ C'est une occasion, souffle Louise en s'asseyant sur le bord de mon lit.
‒ Mais il y a des bonnes et des mauvaises occasions, je continue.
Elle hoche la tête.
‒ Il y en a des tas de rébellion, n'est-ce pas ? je murmure.
Elle hoche la tête.
‒ Oui, chaque jour quelqu'un se révolte pour quelque chose, que ce soit pour son droit d'aimer qui il veut ou pour manger une barre de chocolat, et bien d'autres choses encore. Mais de manière individuelle c'est plus compliqué de faire bouger les choses, de remuer le ciel et la terre. Alors que là, il y a beaucoup de monde qui se rebellent en même temps, et ça, ça fait du bruit. Même si c'est un soupire face au monde, il vaut mieux ça que rien du tout.
Je l'attire jusqu'à moi pour qu'elle se penche, et je l'embrasse.
‒ Et si je préfère le silence au bruit, je dis.
‒ Le silence tue, Laurène.
‒ Mais parfois les mots aussi. Donc c'est l'ignorance qui tue.
‒ Oui. Et tu es à l'origine d'une prise de conscience pour que certains arrêtent d'être ignorants.
‒ Mais des tas de mouvements existent, et c'est quasiment toujours la même histoire, je râle.
Elle passe une main dans mes cheveux.
‒ C'est quasiment la même histoire avec l'espoir de faire moins de faute à chaque fois, on part du premier jet et à chaque nouvelle relecture on corrige ce qui ne va pas. Mais si on ne fait pas de correction, le manuscrit sera toujours rempli de toutes les fautes possibles. Et toi tu fais beaucoup de bruit Laurène, alors ne les fait pas taire.
Je baisse les yeux car une autre question me brûle les lèvres. Le siège de GRAVITATION est sûrement dans la capitale alors que Louise habite à plus de six heures de celle-ci.
‒ Et pour nous ? Je demande avec hésitation.
Avis ?:)
Tag quelqu'un qui doit lire OTHER GIRLS 😂
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OTHER GIRLS 1
Dragoste#1 en LGBT Qui sont ces autres filles ? On raconte qu'elles ne sont pas belles. Qu'aucun homme n'en veut. Qu'il serait dommage d'être comme elles. Comme si c'était un échec. Mais qui les connaît vraiment ? Qui prétend les reconnaître au premier rega...