Laurène-037

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PDV Laurène

‒ Est-ce qu'on est en train de faire des bêtises, souffle Louise dans mon oreille.

‒ Oui, je réponds. Mais ça renforce les liens d'après Jade.

On se met à glousser.

Louise se dégage de mon étreinte pour s'habiller, et je ne la touche qu'avec les yeux comme la pièce la plus célèbre d'un musée. Elle est dépourvue de tout tissu ce qui me réduit au mutisme, je m'éloigne pour qu'elle puisse se changer tranquillement. Des points d'interrogations sons suspendus dans l'air. Peut-on faire autre chose que se regarder ? Maintenant ? Doit-on aller au bout de nos bêtises ? Pas maintenant. Même si le feu s'empare de son regard d'habitude bleu, je n'irai pas trop vite. Pas avec elle.

‒ Dans la nuit ton téléphone a vibré à plusieurs reprises, dit Louise.

Je ne m'attendais pas à cette remarque.

‒ C'était qui ? elle reprend.

Je ne peux m'empêcher de rire.

‒ Ce n'est pas un peu tôt pour la jalousie ? je glousse.

Elle baisse les yeux et rougit, ce n'est pas ce que je voulais. Je me mords la lèvre inférieure.

‒ C'était des compatibilités qui m'envoyaient des messages sur GRAVITATION, je dis.

Bien sûr je n'ai engagé aucune conversation sérieuse.

‒ Dis Louise.

‒ Oui ? elle me regarde avec des yeux ronds, en train d'enfiler sa robe blanche bustier.

‒ Tu veux sortir avec moi ?

Mon cœur tambourine de plus en plus vite. Mes mains sont moites. Ce n'est pas la première fois que je prononce cette phrase mais c'est la première fois que j'ai vraiment peur de l'avoir dite à voix haute, peur de la réponse. Parce que tout va changer selon sa réponse. Je mets mon cœur entre ses mains.

Elle déglutit.

Je déglutis.

Nous déglutissons.

J'entends son cœur.

Elle entend le mien.

Et c'est comme ça qu'on s'enfonce dans nos bêtises.

‒ Après tout, ce n'est pas une demande en mariage, elle dit d'une petite voix.

Comme si elle pesait le pour et le contre à voix haute. Ok, je n'aurais pas dû lui mettre mon cœur dans les mains parce que je saigne déjà. Je lui laisse l'espace nécessaire pour répondre pendant que je cherche des bulles d'oxygène autour de moi. Et ça devient une denrée rare au fur et à mesure que les secondes passent. Elle n'était sans doute pas prête à entendre ça. Je m'en veux. Je suis allée trop vite. Je n'ai pas pris en compte le fait qu'elle se définit comme mademoiselle-pas-lesbienne.

‒ Je ne suis pas lesbienne mais d'accord ! dit-elle comme si elle venait de signer pour un contrat au black, excitée, effrayée, enthousiaste mais surtout heureuse.

Je crois que nous avons deux ou trois points à négocier mais c'est un bon début. Je ne veux pas la mettre dans une case mais si elle aime une personne du même sexe la définition reste lesbienne ou bisexuelle. Je ne sais pas puisque j'évite d'aborder le sujet. Je pensais naïvement que d'être avec moi l'aurait aidé à s'accepter mais ça ne dépend pas de moi. C'est elle. Et je n'ai pas à empiéter sur son espace.

Elle finit de remonter le zip de la robe qui épouse ses formes, ses hanches, sa taille marquée et une poitrine qu'elle trouve trop grosse. Nous avons la même. Une fois habillée, elle vient s'assoir sur mes genoux et je passe mes bras autour de sa taille. Son contact m'électrise.

‒ On ne dit rien à personne, elle souffle, son dos collé contre mon ventre.

Et hop, un autre coup dans la poitrine.

‒ Ne t'inquiète pas, je la rassure. Mais on ne fait rien de mal tu sais ?

‒ Oui mais je ne suis pas prête à me dévoiler. J'ai besoin de temps.

Evidemment, et je respecte. On est presque toutes passées par là. Je dépose un baiser sur sa nuque. Elle passe ses mains derrière la mienne. Tout est encore hésitant mais je n'ai pas envie que ça s'arrête. Je n'aurais pas dû lui demander, mais je n'aurais pas su faire autrement. Ça me brulait l'intérieur jusqu'au bout des lèvres. Je n'aurais pas pu dormir sans lui avoir demandé. Mais je n'aurais pas dû. Demain soir nos chemins vont se séparer. Je ne sais pas à quoi on joue. Ce n'est pas un jeu, c'est pour ça que c'est si difficile.

J'aurais pu être une lesbienne sur son chemin, oubliée le lendemain. J'aurais pu tomber amoureuse d'une « lesbienne confirmée ». Louise aurait eu plus de temps pour se découvrir, mais on n'a pas su passer notre chemin.

Nous descendons, l'une après l'autre, pas côte à côte ni main dans la main. Nous descendons comme deux amies, devenues inséparables en deux jours et une nuit. Peu importe que le monde ne nous que de cette façon-là. L'important c'est que nous deux on sait. Mais j'ai déjà vécu cette situation, et au bout d'un moment on étouffe dans un placard. Même si c'est pour la personne qu'on aime. On a l'impression de ne pas exister aux yeux du monde. Parce qu'il ne faut pas se mentir, nous existons à travers le regard des autres. Sans ça, on se sent invisible. Et je ne veux pas que notre couple soit invisible. Mais je peux m'en contenter. Parce qu'elle constitue tout mon monde à cet instant précis.

Le restaurant de l'hôtel est spacieux, dans les tons blanc, noirs et violets, comme tout le reste. Les tables sont rondes et pour six personnes. Celles-ci sont recouvertes de nappes blanches lisses à la perfection. Pas un faux-pli. Que ce soit sur les nappes ou dans l'organisation de la salle. La moitié est déjà remplie de passagers et de résidents. Dans l'embrasure de la porte, quelques regards se tournent vers nous et des messes basses naissent aux quatre coins. Je pense que c'est encore nos rôles de coach qui nous collent à la peau. Louise semble mal à l'aise. Et je les fusille du regard. Louise aperçoit la table de Garance et Vivian. Je la suis. Je souffle un bon coup. C'est partie pour le rôle de la bonne amie. Celui-là aussi me colle aux fesses. 


Avis? :)

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant