Louise-033

1.5K 122 47
                                    

‒ Salut, dit la rock star, en s'affalant sur le fauteuil comme si elle était chez elle.

Je détaille sa tenue. Si nous avons pu choisir nos vêtements dans une garde-robe sur-mesure, ce n'est pas réservé qu'aux coachs mais à tous les passagers. Elle, a choisit un t-shirt noir, lacé au niveau du décolleté et manches trop larges pour ses bras, avec un jean noir troué aux genoux, ainsi que des bottines de la même couleur. Le tout concorde parfaitement avec ses cheveux teints en blanc, et ses deux bagues argentées, une à chaque main.

‒ Bonjour, je réponds, suivie de Laurène.

Mon regard alterne entre le visage de notre cliente et celui de Laurène. J'aurais bien aimé éviter cette confrontation. Hier, dans la fusée, les deux étaient sur le point de se battre. Sérieusement, qu'est-ce qu'elle fait là elle aussi ? Elle aurait pu quitter la file au moment où elle a vu que nous étions les coachs, mais non.

‒ Qu'est-ce qui t'amène ? demande Laurène, comme si de rien n'était.

‒ Déjà, je pense que nous avons toutes les trois oubliées de nous présenter. J'aimerais qu'on efface le malentendu d'hier, je m'appelle Jade.

Elle nous tend la main. L'atmosphère se détend. Sincèrement, elle semble débarquer d'un groupe de rock, elle semble improviser chacun de ses mouvements, libre comme l'air, sans prise de tête. Franche.

‒ Enchantée, je fais, comme si nous ne nous étions jamais parlées. Louise.

Laurène lui serre la main, mais ne dit rien. Je crois qu'elle est rancunière. Et je souris à cette idée.

‒ J'aimerais organiser un débat, répond la cliente.

Je ne m'attendais vraiment pas à cette requête.

‒ Un débat ? je demande.

‒ Ça nous permettrai de connaitre tout le monde. C'est une bonne idée non ? Par exemple on piocherait des idées sur des bouts de papier et chacun devra donner son avis dessus.

C'est carrément cool comme idée. Mais je ne suis pas organisatrice et Laurène non plus. Je laisse mon amie répondre :

‒ Désolée, ce n'est pas à nous qu'il faut demander ça. Il faut aller voir Clara, ou Logan. On n'est là que pour donner des conseils.

Jade baisse la tête, comme si elle était incomprise. Puis se lève, nous salue, et part à la recherche du personnel. Elle vient vraiment d'une autre planète mais c'est plutôt amusant je trouve.

‒ Tu étais froide, je fais remarquer à Laurène.

‒ Je suis chaude seulement quand j'en ai envie, elle rétorque.

Aie, prend ça dans les dents.

‒ Seulement en présence des lesbiennes ? je la taquine.

‒ Oui.

‒ Alors pourquoi tu es encore froide en ma seule présence ? je poursuis.

‒ Tu es hétéro, elle dit sans conviction.

Elle croise les jambes.

‒ Non, je dis.

Elle croise les bras.

‒ Ah bon ?

Elle arque un sourcil.

‒ Mais je ne suis pas (encore) lesbienne.

Elle souffle. Je me demande si c'est la première fois qu'elle tombe sur une fille comme moi. Qui à les fesses entre deux chaises, qui ne sait pas. J'espère que non, parce qu'avec elle j'ai l'impression d'être la seule. Elle ne me juge pas, elle est patiente, elle m'écoute. Ça me fait un pincement quand j'imagine qu'elle a déjà vécu ça avec d'autres.

‒ Je suis bisexuelle, je dis en perdant le peu de sérieux et de crédibilité qu'il me reste.

Nous explosons de rire. J'ai changé au moins trois fois de sexualité en à peine deux jours. Cependant une évidence se forme dans un coin de ma tête : Candace est lesbienne. Je suis sûre de ce que je veux écrire. J'essuis les larmes imaginaires au-dessous de mes yeux et un nouveau client prend place. C'est déjà le troisième mais c'est un peu le premier parce que les deux précédentes n'en étaient pas vraiment. Je me comprends. Parfois.

C'est le DJ de la fête d'hier soir, l'ancien intello assis au premier rang.

Il porte un simple t-shirt blanc, avec un jean, le tout est atrocement bien taillé pour lui, moitié musclé, moitié frêle. Il retire un écouteur en s'asseyant et pose son téléphone sur la table. Je pourrais voir sa playlist défiler mais je n'en ai pas la curiosité.

Je vais enfin pouvoir mettre un nom sur son visage.

‒ Fidèle, il dit.

Mes yeux s'écarquillent.

‒ Ah bon ?

J'amène ma main devant ma bouche comme pour rattraper les mots mais ils ont déjà filé. Tais-toi... je me supplie, mais ma main ne fait pas barrière :

‒ Je veux dire « ah bon tu t'appelles Fidèle ? Ce n'est pas courant. Pas « Ah bon, t'es fidèle ? » Enfin tu vois ce que je veux dire...

Mon argumentation s'essouffle comme d'habitude, et ce qui vient après ce sont les joues rouges. Note à moi-même : quand on n'a pas la classe, on ne l'a pas. C'est tellement pertinent que je pourrais l'ajouter à mon futur manuscrit.

Fidèle reste décontracté malgré mon approche foireuse. Il a tout le temps l'air de lancer « c'est cool » peu importe ce qu'il se passe autour.

Laurène prend la relève avec bienveillance malgré un sourire dissimulé.

‒ Qu'est-ce qui t'amène ? demande-t-elle.

‒ Je n'ai pas de problème particulier mais j'aimerais bien avoir quelques petits conseils pour montrer ma motivation à apprendre à connaître le garçon sur ma liste que je veux rencontrer. Et puis tout le monde est là, alors je n'allais pas être le seul à manquer votre atelier.

Il a un teint naturellement bronzé et une peau lisse, les pommettes recouvertes de petites paillettes dorées. Le mascara donne du volume à ses cils et ses paupières sont légèrement rosées.

‒ Je peux te donner deux ou trois astuces, avance Laurène.

Il lance encore un « c'est cool » muet.

‒ Si vous vous asseyez côte à côte, fais en sorte d'être tourné vers lui. Ça prouve que tu es intéressé par ce qu'il te dit. Tu peux même adopter la même position que lui, signe qu'il y a une connexion entre vous.

Il semble très peu concerné par l'instant, comme s'il était venu pour suivre la mode.

‒ Merci, c'est cool, il répond à Laurène.

Il me fait un sourire et s'en va aussitôt. Ce n'était pas compliqué. Je souffle, et fixe Laurène dans les yeux. Elle fait de même. Et sans le vouloir mon regard tombe sur son décolleté. Je remonte aussitôt et aperçois le rictus formé au coin de sa lèvre.

‒ Je croyais que tu n'étais pas lesbienne, elle remarque.

‒ Je le croyais aussi, je dis, à la limite de la provocation en me dandinant.

Exagérer les traits ainsi, est un jeu que nous avons mis en place entre nous.

Ce n'est pas de ma faute si c'est une coach tout à fait irrésistible.

‒ Tu me dragues ? elle dit avec une intensité qui semble parcourir tout mon corps.

‒ Non, je m'entraîne, prends-le comme un exercice.

Et là, je sais que je l'ai énervé. 1-0 pour la partie.

‒ C'est l'heure de la pause, vient nous souffler Clara que nous n'avons pas vu venir. Merci encore les filles. Ah et j'ai une bonne nouvelle : une fusée vient nous chercher demain soir.

Je n'attendais que ça, et maintenant je ne sais plus si c'est une bonne nouvelle ou pas. C'est ma dernière nuit avec Laurène. Mon estomac se noue. Que va-t-il se passer ensuite ? 

Avis ? :)

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant