Louise-012

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La tension monte d'un cran.

Laurène, tentai-je d'une voix indécise.

Celle-ci m'attribua qu'un regard qui dure une fraction de seconde. Je pense même l'avoir rêvé. La tatouée prend un air ahuri et prête à bondir sur Laurène : ce qui ne me plaît pas du tout. Celle-ci poursuit :

Tu n'as pas honte de lui parler de cette manière sous prétexte que... je cite « tu n'es pas lesbienne » ? Tu crois que ça te rend supérieure ? C'est quoi ton problème au juste ?

Garance m'envoi des signaux qui signifient « situation critique : le monde est devenu fou. », je l'ignore pour ne pas lâcher Laurène du regard : je dois calmer la situation mais je n'ai aucune idée du fil sur lequel je dois tirer pour tout désamorcer.

La tatouée s'apprête à répliquer lorsque je tire Laurène par le bras. L'autre en profite pour retourner à sa place en jurant.

‒ Mais enfin, qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je déjà soulagée de les avoir séparées.

Elle met quelques secondes à émerger avant de réussir à articuler quelques mots :

‒ Je suis désolée... mais elle n'avait pas à te parler comme ça sous prétexte qu'elle est hétéro !

Il y a encore une pointe d'agacement et de colère dans sa voix ce que je ne parviens pas trop à déchiffrer. Cependant je me doute que ça cache quelque chose, elle a dû en voir de toutes les couleurs avec ça.

‒ Elle était venue s'excuser de m'avoir mal parlé, répliquai-je. Elle en a marre qu'on la prenne pour une lesbienne à cause de son style !

Je vois naître des yeux ronds face à moi, ce qui m'arrache un léger sourire.

‒ Je pensais que..., poursuit-elle. Cependant je ne comprends pas pourquoi elle vient te dire tout ça ! Ça lui fait quoi que les gens pensent qu'elle soit lesbienne ? Ce n'est pas une insulte à ce que je sache ! continue-t-elle sur sa lancée.

Cette fois je souris franchement : c'est à mon tour de donner une leçon de morale.

‒ Tu as raison, ce n'est pas une insulte. Mais je suppose que tu n'aimes pas qu'on te pense hétéro : parce que ce n'est pas toi ! Et pourtant « être hétéro » n'est pas non plus une insulte.

Je suis impressionnée par ce que je viens de dire et Laurène aussi apparemment. Le temps semble s'arrêter, comme si nous n'avancions plus, comme si le monde autour ne défilait plus : la fusée vient de s'arrêter. Je comprends que nous sommes arrivés au premier point de rencontre : au premier arrêt. Les quelques concernés descendent et nous, nous allons attendre plus d'une heure qu'ils remontent à bord : génial. Nous ne sommes qu'au premier arrêt et il s'est déjà passé trop de choses ici. Que va-t-il se passer à la fin de la journée ? Je n'ose même pas y penser.

Christian le chauffeur refait surface :

‒ Mesdames et messieurs, il est actuellement huit heures trente-deux. Nous venons d'arriver à notre premier point de rencontre, comme vous pouvez le constater, j'imagine. Bonne chance à ceux qui vont rencontrer leur moitié, (on entend le rictus dans sa phrase), et pour les autres : la patience est votre meilleure amie. Néanmoins, rien ne vous empêche de visiter la ville, tant que vous revenez à temps pour embarquer.

Le message s'arrête là et j'échange un coup d'œil complice avec Garance : on y va ! En dehors de la fusée je peux enfin souffler.

‒ La terre ferme, plaisante Garance.

‒ Je ne te le fais pas dire, ajoutai-je en la fusillant du regard pour lui rappeler que c'est de sa faute si on est là.

Elle me fait des gros yeux d'innocente et me tire dans un Starbucks ce qui me convient parfaitement : j'ai faim. Cependant, l'originalité sera pour un autre jour, puisqu'on commande chacune un chocolat chaud. Oui c'est l'été mais il n'y a pas de saison pour boire un chocolat chaud. On prend chacune un siège cote à cote en savourant notre précieuse boisson. Comme si c'était un filtre magique pour tenir le reste de la journée. Le même sentiment perdure depuis le début : cette journée est à la fois un drame psychologique qu'un feel-good. Je me sens bien : et très mal à la fois.

Je me demande si je dois lui parler de Vivian. Je pèse le pour et le contre mais je n'ai pas envie de ravager cette journée déjà étrange. Je n'ai pas le droit de lui cacher mais je n'ai pas le droit de lui gâcher la journée. Elle s'est donnée tant de mal pour l'organiser : j'ai beau me plaindre, je sais quand même reconnaître tout l'effort qu'elle a fournit pour nous organiser ça.

Garance brise le silence.

‒ Alors, ça fait quoi d'être lesbienne, me demande-t-elle pour m'énerver.

Elle ne sait vraiment pas se taire. Et je déteste ça mais elle a réussi son coup, je sens la colère monter.

‒ JE NE SUIS PAS LESBIENNE.

Au même moment Laurène entre dans le café. Et je regrette déjà mes mots. Je n'avais pas a m'énerver. Ce n'est pas une insulte. Mais c'est trop tard, le regard de Laurène croise le mien et me fusille. J'ai l'impression d'en mourir sur le moment. Je suis vraiment nulle. Je vois de la déception dans son regard, parce que ce que je viens de crier est blessant et contradictoire avec ce que je lui ai dit plus tôt. Et je me suis déçue moi-même.

Qu'est ce que je vais pouvoir lui dire ? Comment je vais me justifier sans passer pour une gourde ? Comment est-ce que je peux être crédible à ses yeux désormais ?

Je me sens mal. Vraiment mal. Garance observe la scène, aussi mal à l'aise.

‒ Et je disais ça pour rire ma belle, désolée...

Je suis sûre que même Candace est déçue et me juge encore plus que quand sa romance avec Mathieu a commencé. 

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant