Louise-021

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Je m'habille en vitesse avec les mêmes habits. Pas la peine de chipoter, je n'ai pas le choix. Je vais frapper à la porte d'à côté : celle de Garance. Silence radio. Je descends et plus je m'approche du rez-de-chaussée plus j'entends des voix et des rires. Font-ils la fête ? Sur quel genre de scène je vais tomber ? J'ai l'impression d'être une enfant écoutant aux portes : illégitime. Ou pire, une enfant hésitant à descendre de sa chambre pour écouter une conversation d'adultes qu'elle n'est pas censée entendre. Je souffle et me dit que je me fais des films.

J'avance dans le hall, devant les fauteuils et les tables basses et devant le couloir que nous avons empreintés pour entrer. En effet, ils font la fête. J'aurais dû me douter que c'est ce que font les gens les soirs : danser, boire. J'aurais dû y penser qu'on n'est pas tous devant une feuille blanche à conter des histoires qui n'ont aucun sens, pour ma part. Qu'est-ce que je fais là ?

Mon premier réflexe est de chercher Laurène du regard : parce que Garance, je ne lui parle plus jusqu'à nouvel ordre. De toutes façons elle ne remarque même pas que je manque au schéma : trop accaparée par son fleuriste. Elle a déjà oublié que c'est sur mon épaule qu'elle était venue pleurer après leur rupture. Si l'histoire de Candace et Mathieu (les fictives) n'est pas crédible : leur rupture l'est encore moins. Ils se sont séparés parce qu'ils s'aimaient trop, et dire que je regrettais leur relation.

Tous les passagers semblent avoir eu la même idée, comme si c'était logique. Moi je pensais : douche et dodo. Pas eux. J'ai vraiment la sensation d'être dans un club de vacances, c'est à peu près 21h00 et tout le monde s'est douché après la piscine, et ressort pour les activités du soir. Pour danser et boire. L'avantage ici, c'est qu'il n'y a pas de soucis à se faire : tous libres (célibataires).

Les jets de lumières mauves, l'ambiance chaude, les boissons, tout porte à croire que c'est un hôtel hyper branché : et c'est le cas. Assez atypique. Il est multifonction et ce n'est pas désagréable. J'ai envie de me laisser porter par l'ambiance saturée, comme si tout était sur pause, et que tout le monde était sur la même longueur d'onde. Ça c'est uniquement parce que personne ne se connait depuis longtemps, alors rien n'est prétexte aux mésententes. A part Mathieu, qui semble avoir lâché l'affaire, un verre à la main, sur le dancefloor improvisé. Certains sont déjà étalés sur les fauteuils, les jambes dans le vide.

Parmi la foule il y a l'intello, la femme blonde et un peu forte, Logan, Clara et... Laurène. Je la refais : Clara et Laurène. Clara, la madame en violet trop gentille qui a nettoyé les baskets de Garance. Qu'est-ce que Laurène fait avec cette femme ? J'aimerais savoir ce qu'elles se disent. Ça à l'air passionnant et... passionné. Je ne vois qu'elles. Comme si plus personne n'existait autour. Le focus se fait naturellement sur leurs visages, leurs regards nouveaux et intrigués, la robe en cuir de Laurène puis le tailleur de Clara. La robe en cuir de Laurène puis le tailleur de Clara. Je passe de l'une à l'autre, retenant mon souffle. Et la rose rouge. Les mains de Clara qui font de grands gestes quand elle parle : se gratter la nuque, arranger une mèche de cheveux... jouer avec la poche de son tailleur. La poche de son tailleur avec la rose dedans.

Puis je me souviens des paroles qu'elle avait prononcé ce matin lorsque le vieux monsieur lui a affirmé que c'était Logan, son collègue, qui le lui avait offert. Clara s'était offensée et avait dit qu'elle avait acheté la rose elle-même et qu'elle l'offrirait à la personne qu'elle voudrait. Sur le coup, j'avais trouvé sa répartie dingue et je l'aimais beaucoup. Mais moins maintenant que ses doigts tournent autour des pétales alors qu'elle est en pleine conversation avec Laurène.

Que va-t-il se passer si elle lui offre la fleur ?

Je ne parle plus à Garance et son copain, il ne me reste plus que Laurène pour survivre à ce voyage et voilà que l'employée veut me la piquer. Je suis censée rencontrer des amis : pas me les faire voler. J'aurais mieux fait de rester chez moi : j'aurais toujours Garance et mes deux-trois connaissances à l'heure qu'il est.

L'envie de connaître ce qu'elles se disent commence à me ronger. Je m'approche discrètement, toujours le souffle coupé. Comme une petite fille en bas de l'escalier : j'ai peur d'entendre ce qu'il se dit dans le salon. Parce que les conversations le soir n'ont rien à voir avec celles de la journée.

‒ J'aime beaucoup tes cheveux, murmure Laurène, en touchant délicatement une mèche de Clara.

Le temps semble ralentir dangereusement. Comme si une porte magique m'avait aspiré dans une autre époque et que j'assistais à une scène qui me dépasse complètement.

Elles flirtent.

Je vais perdre Laurène. Plus je sens la connexion entre elles, plus je me sens déconnectée et seule. Pas à ma place. Et tout le monde sait que c'est déchirant de ne pas se sentir à sa place. Garance m'a trahie et maintenant c'est Laurène... Il ne manque plus que celle-ci propose à sa nouvelle conquête de dormir avec. Et comme ça je n'aurais plus de chambre non plus. Les larmes me montent aux yeux, je ne contrôle absolument plus rien de cette journée. Mes nerfs lâchent. Je ne sais même pas pourquoi je me fais tout ce cinéma.

‒ Louise ?

Soudain j'entends la voix de Laurène par-dessus celle qui trône dans ma tête. Ouf, ça fait du bien. Je ne suis pas si invisible que ça finalement. En même temps je suis plantée à côté d'elles, collé au bar, depuis une minute. Ça ne fait qu'une minute ?

Elles interrompent leur conversation et portent leur attention sur moi. Je me sens un peu honteuse d'avoir réagi comme ça même si je suis la seule à le savoir : je mets ça sur le compte de la fatigue. N'empêche qu'elle doit être riche la fatigue avec tout ce qu'on lui met sur le compte.

Je ne peux m'empêcher de constater que Clara ne cherche plus sa rose du bout des doigts mais je ne me sens pas coupable d'avoir interrompu leur petit jeu. Tout à coup Laurène veut me tirer sur la piste de danse mais Mathieu se met en travers de notre route si bien que, même Clara, attend avec nous.

‒ Je suis désolé pour tout à l'heure, commence-t-il. Je ne suis pas quelqu'un comme ça normalement.

‒ Si c'est pour soulager ta conscience tu peux t'en aller.

Mais il ne se décourage pas.

‒ Je vous ai vu... discuter, avoue-t-il en désignant Laurène et Clara. Et je vous ai trouvé magnifiques toutes les deux. (Il baisse le menton). Est-ce que vous pourriez m'accorder quelques minutes : j'ai deux ou trois questions à vous poser.

Apparemment je ne fais pas partie de l'équation : je suis le chiffre qu'on supprime dans une soustraction... et ça me met en rogne. 

Que pensez-vous de ce chapitre ?

Ce n'est pas celui où il se passe le plus d'action, je vous l'accorde, mais il faut poser le décor.

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant