Laurène-025

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PDV Laurène

Je fuis mon nouvel engagement en décidant de me réfugier dans ma chambre. Si Louise n'était pas là, je n'aurais jamais accepté. Et j'aurais été tranquille, c'était pourtant simple : je devais m'assoir dans le fond de la fusée, où personne ne me remarquerait. Et je descendrais de celle-ci en quête d'une nouvelle vie avec @vingt-cinq-ans, qui ne serait peut-être pas dans mon cœur mais quelque part autour.

Je me démaquille dans la salle de bain avant de revenir dans la pièce principale. Il y a un plaid sur le bas du lit et l'hôtel ou l'application, nous a déposé un pyjama. Nous avons tous le même. Ce n'est pas de refus : j'ai déjà battu mon record dans cette robe mais je ne l'aurais pas supporté plus longtemps. S'il aurait fallu dormir nue, je l'aurais fait. Seule ou pas. Je déplie le pyjama, c'est un modèle simple mais qui fait son effet : il est blanc cassé, en satin et composé de trois pièces. Ils ne font pas les choses à moitié. Je pense que c'est Clara et son équipe qui se charge de ce genre de détails (importants). Il y a un débardeur avec finitions en dentelles au niveau de la poitrine, un bas fluide et un gilet de la même matière. Les deux pièces principales me suffiront ce soir. Nous sommes en plein été et puis la fièvre de la fête semble se répandre jusqu'à l'étage.

La porte s'ouvre sur Louise, ok elle n'a pas l'habitude de frapper avant d'entrer. Pas de soucis, je suis déjà habillée.

‒ Ils nous ont mis des pyjamas à disposition, m'exclamai-je.

‒ Ils, m'interroge ma colocataire d'une nuit.

Elle referme la porte derrière elle.

‒ Oui, je ne sais pas exactement qui mais c'est soit l'hôtel soit GRAVITATION, et pour avoir déjà fréquenté des hôtels je pencherais plus pour la deuxième solution, je dis.

Elle sourit.

‒ Il te va très bien, elle avance.

Ce n'est pas la réponse à laquelle je m'attendais mais elle me convient. Très bien : elle veut jouer à ça.

‒ Je suis sûre qu'il t'ira encore mieux si tu songe à arrêter de me mater pour l'enfiler.

Cette fois je suis sûre de la réponse que je vais me prendre dans les dents. Je l'attends. Quelques secondes s'écoulent. Je me rends compte que le temps est écoulé et qu'elle ne m'a pas lancé la phrase avec laquelle je l'ai rencontré. « Je ne suis pas lesbienne. » J'avoue que je m'y suis habitué et le fait qu'elle ne me le dise pas, ça me perturbe. Elle se contente de laisser glisser son regard sur mon corps comme pour me lancer un défi : à qui ce pyjama ira le mieux ? Comme ces filles au lycée qui se prenaient pour des « scanner à tenue » à dévisager leurs concurrentes de haut en bas. Elles devaient penser qu'elles possédaient des laser à fringues et fashion faux pas au fond des pupilles. Mais venant de Louise ça ne me dérange pas. Elle semble loin de tout ça. Juste dans son monde, dans le vrai monde. Je ne sais pas si tout ça a un sens mais c'est ce que je ressens, alors oui, ça a un sens. En fait c'est ça, elle semble être dans un monde de ressenti plutôt que de jalousie, et c'est tellement agréable. Après je ne la connais pas assez pour être sûre que je ne me trompe pas.

Elle enlève son short et son haut sans se cacher, ce qui me surprend. J'ai souvent le droit à des réactions opposées à celle-ci, mais je n'ai pas l'impression de la déranger. Lesbienne ou pas.

‒ Quoi ? elle me fait, avec une grosse voix de rebelle du lycée.

Je souris en prenant soins de ne fixer que ses yeux bleus.

‒ C'est comme si tu me voyais en maillot de bain, elle poursuit.

Je suis d'accord mais je me dois de lui préciser une chose.

‒ Ce n'est pas bien de dormir avec ses sous-vêtements, j'affirme.

‒ Dis plutôt que tu veux me voir sans ! elle me taquine.

Je n'ai pas dit mon dernier mot.

‒ Je peux tourner la tête si tu veux les enlever, je dis ça pour toi, je réplique.

Elle ne dit rien. Un point pour la lesbienne (moi). Mais quelque chose me dit que ce n'est que le début de la partie. Je tourne la tête dans le doute et je suis sauvé par la sonnerie de mon téléphone qui m'indique une notification. Ça vient de l'application. Je n'ai pas le temps de l'ouvrir parce que la voix de Louise me ramène à sa personne.

‒ C'est bon je les ai retirés, elle dit.

‒ Contente de le savoir, je réponds.

‒ Tu oublies @vingt-cinq-ans, elle dit.

‒ Toi aussi, je réponds.

Ça s'arrête là. En réalité je ne l'ai pas oublié mais Louise est là pour de vrai contrairement à cette femme, et pour l'instant c'est avec elle que je parle.

‒ Je me mets à gauche, côté salle de bain.

Elle regarde le lit, puis moi.

‒ Pourquoi ?

‒ Problèmes de lesbiennes, je réponds du tac au tac.

Elle prend son temps pour répondre. Oui, moi aussi j'aurais buggé.

‒ Tu veux juste être plus près de la porte parce que tu vas retrouver Clara dans la nuit ! elle me reproche.

Même moi je n'y avais pas pensé. Pour de vrai.

‒ Bah, pas vraiment. Et puis ça changerait quoi pour toi ? je demande.

‒ Je n'ai pas envie de vous entendre et j'ai horreur que la personne avec qui je partage mon lit se lève dans la nuit. C'est comme ça !

‒ Ok, mais ce n'était pas mon intention en plus ! je me défends. Et puis si j'ai envie d'aller aux toilettes ?

Elle plisse les yeux pour me déchiffrer. Je ne sais pas si elle va y parvenir : même moi je n'ai jamais trouvé le code. Je suis un trésor trop bien scellé.

‒ Alors c'est ça ton problème de lesbienne : aller aux toilettes la nuit ? Si c'est ça, je peux t rassurer ça arrive aux hétéros aussi !

Ça y'est on ne l'arrête plus. Mais je sais que ça fait encore partie du jeu (lesbienne-hétéro) et je suis toujours en tête avec 1-0.

‒ Avoue-le qu'il n'y a pas de problème de lesbienne, tu viens d'inventer ! m'accable-t-elle comme si elle allait bientôt dire « avoue-le ou je vais te dénoncer à ma maman. »

Je ne répondrai pas.

Je décide de jouer la carte de l'ignorance : ça rend dingue la personne. Et ça ne rate pas. Au bout de deux minutes je me retrouve avec l'oreiller collé dans la figure. Je n'hésite pas à lui rendre le coup et une nuée de plume tournoie autour de nous. C'est pire que dans un clip. Mais nos éclats de rire font office de bande-son et cette fois on ne peut rien passer en sourdine. Peu importe : il n'y a encore personne à l'étage, la plupart font toujours la fête au rez-de-chaussée. Et même s'il l'étage était bondé, rien ne changerait. Elle se jette sur moi avec la volonté de m'écraser (et de m'étouffer avec son coussin ?) J'avoue que j'ai eu un instant de doute. Ça se trouve c'est une homophobe infiltrée. Je ris encore plus à cette idée et reprend le dessus sur elle. Je profite d'un moment où nous reprenons notre souffle, assises genoux pliés, les ongles incrustés dans les draps défaits (oui si on passe par là après la guerre on croirait autre chose).

‒ Je suis désolée, elle souffle.

‒ De quoi ? je demande, avec des yeux ronds.

‒ De nous avoir engagées dans la mission coaching pour demain.

‒ Moi aussi je suis désolée, je souffle.

Parce qu'en soit c'est du suicide sentimental.


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OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant