Chapitre 36: Montpellier

519 20 10
                                    

21.07.18
12h48
Point de vue: Antoine.

Je regarde Sarah parler avec son frère, ils ont l'air tous les deux heureux mais je pense que savoir que je devrai bientôt repartir avec elle les rend fou. Sarah ne peut clairement pas rester ici avec lui, on a un road trip a finir et, plus sérieusement, sa vie est à Paris. Par contre, lui, peut monter à la capitale. Il m'en a parlé d'ailleurs, il m'a expliqué qu'il aimait Nîmes car c'était sa ville mais il ne s'y sent plus aussi bien qu'avant. Le fait que leur père leur ait mentis pendant des années le met en rogne, et je le comprends. Mon sourire s'élargit un peu plus quand les deux se prennent dans les bras, signe que Sarah s'en va. Je sais très bien qu'elle va lâcher une larme, une seule, Lukas aussi le sait d'ailleurs. Mais elle se détache quand même de lui et s'éloigne pour ne pas qu'on la voit pleurer. Ce dernier s'avance donc vers moi avec un sourire triste sur le visage.

-C'était un plaisir de vous recevoir chez moi. Il marque un temps de pause. Ce dont je t'ai parlé, t'en dis pas un mot à Sarah parce que je veux que ce soit une surprise. En attendant ma venue, prends bien soin d'elle.
-Je dirai rien c'est promis. Et pour Sarah, je tâcherai d'essayer de pas être trop con.

Il ricane puis on se fait une rapide accolade mais qui veut tout dire. On ne se connaissait pas avant, mais je sais qu'on peut compter sur lui. Je suis sûr que je pourrai le présenter à l'Ekipe Paz, ils vont l'adorer.

Je rejoins Sarah qui était restée adossée contre un mur en m'attendant, elle fumait tranquillement sa cigarette faisant semblant de rien. J'arbore un sourire amusé avant de lancer un signe de main à Lukas. Je monte ensuite dans ma voiture pour laisser Sarah dire une dernière fois au revoir à son frère. Puis la portière s'ouvre et se ferme, aucun bruit, silence total. Je me tourne vers elle et vois une larme couler le long de sa joue. Elle ne dit rien et ne l'essuie même pas, elle regarde juste devant elle.

Je pose ma main sur la sienne et caresse son auriculaire avec le bout de mon pouce. Elle retourne sa main et entrelace nos doigts avant de serrer la mienne. Je lève légèrement la tête et relève mon regard pour le planter dans le sien. Ses yeux ne sont pas plus humide que ça, c'est fou ça. Quand quelque chose la rend réellement triste, elle n'éclate pas en sanglot, elle laisse juste couler une seule larme qui contient toutes les émotions possibles. Mais, même si ses yeux ne sont pas remplis d'eau, son regard est tout de même triste et elle ne veut qu'une seule chose: partir d'ici. Je ne sais pas comment je le sais, mais je le sais. Je ne sais pas non plus pourquoi est-ce qu'elle a cette envie urgente de partir. Ce n'est même plus une envie, c'est un besoin. Comme si elle était restée trop longtemps ici, à Nîmes. Que de très vieux souvenirs commençaient à remonter et elle ne le voulait absolument pas.

Mais pour une fois, au lieu de parler et de poser milles questions, je lâche sa main et démarre rapidement la voiture. Je roule aussi vite que je le peux et on sort de la ville en quelques minutes. Elle pousse un soupire de soulagement, c'était bien ça. Elle a un problème avec cette ville, elle saturait d'être restée quelques jours. C'était déjà beaucoup trop. Et pourtant, ça la tuait, parce qu'elle voulait rester avec son frère. Mais rester à Nîmes était impossible.

Après quelques minutes de réflexion, je me rends compte qu'elle avait mis un CD. Celui de Ken, Cyborg. Humanoïde résonne dans la voiture, le son de l'instrumentale absorbe quelque peu la tension de l'atmosphère. Tout s'y prête, la musique, l'orage et la pluie dehors, Sarah qui regarde la route défiler sous ses yeux par la fenêtre. La voix irritée et triste de Ken perse le silence avec beaucoup de lourdeur. J'aimerai beaucoup la couper cette musique, et parler avec elle pour essayer d'arrondir les angles. Sans, bien sûr, lui dire la vérité à propos du déménagement imminent de son frère. Mais visiblement, ce n'est pas le moment, et, dans tous les cas, je suis toujours très nulle pour trouver les bons mots. Alors j'attends, impatiemment, que cette musique se termine. Pourquoi ce con de Nek a décidé de la faire si longue putain ? Enfin, elle est magnifique hein... Mais, six minutes vingt-six, dans ces moments, se ressentent clairement au ralenti et passent rapidement pour une heure et demi.

Beau la folieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant