Chapitre 3 - partie 1

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            Chaque lundi, les deux jeunes filles retrouvaient Michaël dans le bus et faisaient le trajet ensemble dans une atmosphère détendue. Mais ce jour-là, il y avait quelque chose de différent. Céline et Michaël avaient beau plaisanter, Alicia ne décrochait pas un sourire. Ils essayèrent de la faire réagir d'une manière ou d'une autre mais elle restait toujours de marbre. Surpris par un tel mutisme, les deux amis se regardèrent inquiets. Quelque chose d'important la tracassait au point qu'elle avait complètement coupé la connexion avec le monde extérieur.

Bizarrement, elle descendit du bus à l'arrêt pour le lycée et s'y dirigeait tel un robot, mais à une allure un peu plus vive que celle de ses compagnons, creusant toujours un peu plus l'écart avec eux. Profitant de l'occasion d'être seul avec Céline, Michaël demanda :

— Qu'est-ce qu'elle a aujourd'hui ?

— Je ne sais pas. Quand elle est arrivée chez moi, elle m'a fait la bise et m'a demandé comment j'allais d'un air absent et puis après plus rien. Elle ne m'a même pas répondu quand je lui ai retourné la question.

— C'est bizarre. D'habitude, elle te dit tout.

— Depuis que vous êtes ensemble, c'est plus toi que moi, son confident.

— Ouais... apparemment on ne l'est pas plus l'un que l'autre.

— Je vois ça. Allez, viens on accélère. On va essayer de la sortir de cet état léthargique.

Une fois qu'ils avaient rejoint Alicia, Michaël lui passa un bras autour des épaules et l'embrassa pour tenter de la faire régir, en vain. Il lui demanda ce qu'il se passait, toujours aucune réponse. Alors, dernier recours obligeant, il lui pinça les fesses, ce qui eut le mérite d'être efficace. Légèrement efficace, mais efficace tout de même.

— Hein ? Oh tu es là, bonjour.

— Bonjour, lui répondit-il stupidement. Je te signale quand même que ça fait plus d'une heure et demie qu'on est ensemble.

— Ah, bon ? Elle regarda autour d'elle : on est au lycée ?

— Tu croyais être où ?

— J'n'ai aucun souvenir d'avoir pris le bus. Je pensais être encore à l'arrêt.

— Oh là, ça devient grave.

— Et on peut savoir ce qui te tracasse à ce point ? intervint Céline.

— Tu sais bien. C'est l'interro de chimie.

— Et bien, elle te fait un sacrément drôle d'effet ! répondit Michaël.

Il savait très bien qu'elle ne comprenait rien à la chimie mais cela ne l'avait jamais mis dans cet état. Bon d'accord, c'était la fin de l'année et les interrogations devenaient de plus en plus importantes, mais quand même. Céline ne semblait pas très convaincue du motif et cela ne le rassurait en rien. Surtout qu'elle ne savait vraiment rien de ce qui tracassait son amie. Il est vrai que si elle l'avait su, elle n'aurait jamais pu mentir. C'était un trait caractéristique de sa personnalité.

Ils avaient tellement l'habitude des plaisanteries d'Alicia que le trajet déjà long d'ordinaire leur avait paru interminable.

Ce pressentiment qu'Alicia avait depuis son réveil devenait plus qu'agaçant et en plus il gâchait le début de journée de tout le monde. Il fallait absolument qu'elle parvienne à retrouver son self-control mais elle avait beaucoup de mal à se ressaisir. De plus, le mensonge qu'elle avait servi à ses camarades ne faisait qu'accroître son malaise. Mais elle savait que si elle parlait de pressentiment à Michaël, le malaise se transformerait en orage et elle n'était vraiment pas prête pour une dispute. Elle ne connaissait que trop bien les idées de son cher et tendre à ce sujet. Aussi décida-t-elle de laisser les choses faire à leur rythme. Michaël l'embrassa à nouveau et ils continuèrent leur trajet dans le silence le plus complet, chacun prit par ses propres pensées.

Arrivés au lycée, les deux amoureux échangèrent un baiser et Céline et Michaël s'envoyèrent un signe de la main en s'éloignant. Michaël se dirigea vers son groupe de copains, presque tout aussi pensif en renfermé que ne l'avait été Alicia depuis que les filles l'avaient retrouvé dans le bus. 

Une vie, une renaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant