Le docteur alla voir Michèle dès sa sortie de la chambre voisine.
— Je ne vais pas aller jusqu'à dire qu'elle l'a bien pris, mais elle a semblé moins virulente que ce que vous pensiez.
— Oui, c'est justement ce qui me fait peur.
— Pourquoi donc ?
— parce que l'enterrement à lieu demain et qu'elle ne pourra pas faire son deuil.
— Si elle passe une nuit aussi correcte que possible dans cette situation, je pourrais la laisser pour se rendre à la cérémonie.
— Non, vous ne comprenez pas. La mère de son ami ne veut pas l'y voir, elle ne l'aimait pas et pour elle c'est la faute d'Alicia si son fils est décédé.
— Je vois, ce n'est malheureusement pas un cas isolé, vous pouvez me croire.
— Peut-être... mais si elle sort demain, je ne vois pas comment elle pourrait ne pas y aller... elle est tellement têtue !
— Faites-lui confiance, je pense qu'elle sait ce qu'elle doit faire.
— Je souhaite que vous ayez raison, parce qu'un scandale lors d'un enterrement, c'est loin d'être ce qu'il lui faut et en même temps, je pense que ne pas y aller, n'est pas mieux.
— Je suis entièrement d'accord avec vous. Mais je ne peux pas la garder plus longtemps s'il n'y a aucune raison médicale, j'en suis navré.
— Il ne faut pas, vous avez fait ce que vous deviez, à nous d'assumer la suite.
— En tout cas, recevez toutes mes condoléances. Je continue mes visites, mais je repasserai voir Alicia avant de partir de l'hôpital.
— Je vous remercie, docteur.
— C'est normal.
Céline, sorti de la chambre à ce moment. Elle rassura un peu Michèle et partit. Madame Hubert, pour sa part rentra dans la chambre voir sa fille. Ne sachant quoi lui dire et voyant qu'Alicia semblait vouloir rester seule, elle déposa un baiser sur le front et rentra chez elle.
Le lendemain matin, Michèle reçu un coup de fil de la part du docteur Justin lui annonçant que sa fille pouvait sortir.
L'après-midi fut critique. Alicia savait par Céline que l'enterrement de Michaël avait lieu à quatorze heures quarante-cinq et elle avait décidé de s'y rendre. En mémoire de Michaël, elle voulait éviter un scandale et avait décidé de ne pas assister à la mise en bière mais uniquement à la messe, installée au fin fond de l'église. Quant à la descente du cercueil, elle avait réussi à se camoufler derrière un arbre. Comme ça tout le monde était content. Elle, parce qu'elle avait pu faire ses adieux à son fiancé, madame Pignon, car qu'elle n'avait pas vu Alicia et ainsi toute l'assistance avait échappé à un scandale inutile et inapproprié en de telles circonstances.
La semaine suivante, Alicia reprit le chemin de l'école. A la descente du bus, elle croisa Emmanuel, le petit frère de Michaël, qui vint la saluer et lui présenter ses condoléances.
— C'est plutôt à moi de te les présenter, tu ne crois pas ?
— Oui et non, en même temps, j'ai beau être son frère, il avait quand même décidé de faire sa vie avec toi, alors je trouve normal de te les présenter.
— Tu es gentil, je te remercie.
— Au fait, mon père m'a dit de te prévenir qu'il t'appellerait du bureau dans l'après-midi. Il a envie de te parler, il se sent très mal du fait que tu n'es pas été présente à l'enterrement alors que tu en avais autant le droit que nous tous et peut-être même plus que ma mère.
— Tu n'as pas le droit de dire ça. C'est votre mère et vous n'en avez qu'une.
— Oui, mais ce que tu ne sais pas, c'est que Michaël lui avait dit que si jamais il devait partir avant elle, à choisir, c'est toi qui devait être présente ce jour-là et non elle, et même une fois mort, il continue d'être enquiquiné. Elle n'aura même pas respecté son souhait le plus cher.
— Ne t'inquiète pas, sans le savoir, je l'ai exaucé en parti.
— Que veux-tu dire ?
— Que personne ne le sait, mais à part à la mise en bière, j'étais là. Je me suis juste fait discrète par respect pour ton frère.
— C'est une des raisons pour lesquelles il t'aimait autant. Que tu ne lui en veuilles pas pour toutes les crasses de notre mère.
— Et pourtant je les lui ai souvent balancées au visage.
— Peut-être mais tu es restée avec lui. C'est tout ce qui comptait pour lui.
— En même temps, si ton père et toi n'aviez pas été là, je ne sais pas ce qu'il serait advenu de nous.
— La même chose que maintenant, j'en suis sûr, vous vous aimiez trop tous les deux. Il y a qu'à voir le nombre de fois où vous vous êtes séparés. A chaque fois, vous êtes revenus ensemble, sans jamais faire un faux pas. Te laisse pas abattre par ma mère, on t'aime tous très fort et on pense à toi. Et lui, là-haut, ne te laissera jamais tomber, tu peux en être sûre.
Elle le regarda partir.
— Manu !
— Oui ?
— Merci, ça me touche ce que tu viens de me dire.
— C'est sincère et c'est la seule chose qui compte.
Il se retourna et partit sans plus rien ajouter. Elle resta en plan, en plein milieu de la cour, sans réagir. Tant bien que mal, elle entra en salle de cours, disant tout juste bonjour à Céline qu'elle voulait éviter au maximum. Elle n'était pas prête à entendre les histoires de cœur des autres, le sien la faisait vraiment trop souffrir. Elle plongea à fond dans les bouquins, avait trouvé un travail pour les soirs de week-end et avait noué d'autres amitiés, finissant par laisser Christophe, David et Céline de côté. Tout ce qui lui rappelait Michaël, devait disparaître. Pour elle, c'était le seul moyen de s'en sortir.
Après avoir passé un an et demi hors de tous souvenirs, un appel la fit revenir sur terre comme un crash. Céline l'appelait pour prendre des nouvelles. Malheureusement, ce n'étaient pas celles qu'elle avait espérées. Alicia menait une vie coupée de toute attache amoureuse, et les amitiés étaient passagères. Elle pour qui l'amitié était quelque chose de primordial... Céline restât pantoise. Après un travail de forcenés, monsieur et madame Hubert, en compagnie de Céline, réussirent à la convaincre de partir chez ses grands-parents. Après tout, ça faisait deux ans qu'elle ne les avait pas vu, et changer d'air lui permettrait peut-être de retrouver un peu goût à la vie. Au pire, seuls les bons souvenirs seraient présents, et elle ne serait plus obligée de passer aussi régulièrement par le lieu de l'accident.
Et tout compte fait, elle partit le vendredi trois juillet à quatorze heures...
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Une vie, une renaissance
Novela JuvenilToute jeune fille, Alicia vit sa toute première histoire d'amour avec Michaël. Entre études et quotidien, il ne leur est pas toujours facile de trouver du temps pour eux. Heureusement, Céline et David, eux aussi en couple, ainsi que Christophe, part...