A l'heure du repas, les trois camarades remarquèrent l'absence d'Alicia mais Céline fut la seule à oser la relever à haute voix. Monsieur Darrieux expliqua qu'il arrivait souvent à Alicia d'avoir envie de solitude et que sa façon à elle d'y remédier, malgré l'espace qu'il y avait à la ferme, était de prendre de quoi manger, un cheval et de partir. Sachant qu'elle affectionnait le bruit et son entourage, tous étaient surpris par cette réponse.
— Vous croyiez qu'elle faisait comment pour tenir toute une année en ville ?
Décidemment, non content de monter des pièges, la grand-mère lisait dans les esprits, comme s'ils étaient des livres ouverts. "Il va falloir que je fasse attention quand je regarde Ali !" se dit Christophe.
Partageant la chambre d'Alicia, Céline s'inquiéta quand vingt-deux heures sonna sans ramener son amie.
Après un galop effréné à l'aller suivi d'une promenade reposante. Alicia s'était arrêtée au Mur de Roses pour réfléchir à sa rupture idiote. Subitement, elle sortit de ses pensées et se décida à rejoindre la ferme. Quand elle se glissa sous sa couette, il était une heure du matin. Montée sur ressort, elle se leva à huit heures, s'habilla et alla déjeuner. Une heure après, Céline émergea péniblement de son sommeil. En jetant un œil endormi sur le lit intact de son amie, l'inquiétude revint. Alors, elle alla trouver madame Darrieux pour lui parler de ses craintes et l'éclat de rire qu'elle reçut pour réponse l'indigna. Sous la surprise d'une telle réaction, elle s'emporta contre son hôtesse. Comprenant que l'inquiétude de Céline était réelle, elle s'efforça de calmer son rire pour lui expliquer qu'Alicia était partie au village depuis une demi-heure. Rassurée, Céline rejoignit sa chambre afin de ranger les quelques affaires de la veille qui traînaient.
Alicia rentra peu de temps après cet incident. Au moment où elle franchissait le seuil de la porte, la sonnerie du téléphone retentit. Sa grand-mère avait décroché avant la troisième sonnerie et répondait par monosyllabe, ce qui eut pour effet d'intriguer la jeune fille. Tout en continuant sa discussion énigmatique, madame Darrieux prenait des notes sans lever les yeux vers sa petite-fille. Encore plus bizarre au goût d'Alicia, sa grand-mère déchira sa feuille de note après avoir raccrocher.
Au repas du midi, monsieur Darrieux proposa une longue promenade pour le lendemain matin. Le signal était donné. Alicia les aida même en proposant à Céline de lui montrer l'endroit le plus romantique afin qu'elle puisse y amener David.
Ils partirent à dix heures. Tous s'émerveillèrent du paysage qu'ils découvraient en se disant qu'ils n'auraient jamais cru voir un coin aussi beau et paisible à moins qu'une quarantaine de kilomètres de la capitale. Alicia, malgré son amour pour ce coin, le trouvait fade. Bien plus qu'elle ne voulait l'admettre mais elle ne voulait pas montrer sa tristesse à ses amis pour ne pas gâcher leur plaisir. Au plus profond d'elle-même, elle savait qu'elle aimait Michaël, qu'il était le seul l'homme qu'elle voulait dans sa vie et regrettait d'avoir été aussi dure avec lui, même s'il avait sa part de responsabilité. Madame Gébrane aurait-elle eut raison en disant que peut-être se serait elle qui mettrait fin à leur relation ? "Non, se dit-elle, c'est pas possible. Pas possible non plus que ça ne se termine ainsi. Dès notre retour à la ferme, je l'appelle pour qu'on règle toute cette catastrophe calmement !". Ayant enfin prit une décision qui lui convenait, elle reprit contact avec la réalité et la chute fut encore plus brutale quand elle s'aperçu qu'il était déjà midi.
— Papi, je ne sais pas où tu veux aller mais si tu veux y être avant la nuit, il faudrait se speeder. Il est déjà midi.
En entendant Alicia, David chercha un sujet qui mettrait Céline en colère, puis il entreprit la dispute.
— Ecoute, je sais ce que je dis quand même. J'étais chez lui quand sa mère le lui disait et il n'a rien répondu. Pire encore, il n'a même pas eu la moindre réaction.
D'abord surprise par la tirade son compagnon, Céline se rappela qu'elle devait se disputer avec.
— Il n'a pas le droit de se comporter comme ça. Ça fait trois ans qu'ils sont ensemble. Il pourrait au moins avoir un peu de respect pour ce qu'il y a eu entre eux, même s'il ne lui faisait pas confiance. Après tout, et toi, tu le sais pertinemment, elle n'a jamais rien fait qui méritait un tel mépris.
— L'un n'empêche pas l'autre. Puisqu'il n'a jamais eu confiance en elle, il n'a rien à respecter. Après tout, pour lui ces trois années sont perdues. Heureusement qu'à notre âge, trois ans ça ne veut rien dire !
— Si trois ans ça ne veut rien dire pour toi, ça ne sert à rien qu'on reste ensemble !
— A rien sinon à passer le temps.
— A passer le temps ? Mais si tu t'ennuies autant avec moi, rien ne t'empêche de te casser.
— Méfie-toi, je vais te prendre au mot.
— Mais je t'en prie, ne te gênes pas. Il semble flagrant que c'est ce que tu recherches, alors ne t'arrêtes pas en aussi bonne voie.
— Tu sais que tu es une véritable emmerdeuse.
— C'est facile de se cacher derrière des insultes. Et tant que t'y es, je vais te donner une liste de bonnes raisons de pouvoir prendre la tangente : je bois, je me drogue, je te trompe et je me fiche aussi royalement de toi que toi de moi.
— C'est bon calmez-vous les tourtereaux ! intervint Christophe. Rien ne mérite que vous vous mettiez dans des états pareils.
— C'est pas de ma faute ! répliqua Céline, c'est lui qui a commencé.
— Allez, rajoutes-en une couche. T'es vraiment qu'une gamine pour réagir comme ça.
— Ça te fais une chose de plus à mettre sur ta liste de doléances. Une raison de plus de ne pas rester avec moi.
— Ça va, t'as raison. Tiens, Ali, files-moi une cigarette, s'il te plaît.
— Non, répondit-elle après avoir cherché dans son sac
— Allez, fais pas les radines, donne m'en une.
— Je ne fais pas les radines mais il va falloir que tu t'en passes, et moi aussi.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne les ai pas.
— Comment ça tu les as pas ?
— Je te rappelle que ce n'est pas moi qui ai préparé mon sac.
— Et tu crois vraiment que ta grand-mère t'aurait fait un coup pareil ?
— Plutôt deux fois qu'une. Alors si tu veux fumer ta clope, il va falloir aller chercher un paquet à la ferme. Si c'est juste pour te calmer, tu peux toujours piquer un galop. Même si c'est pas toi qui cours, tu peux me croire que ça calme.
— C'est bon, je vais aller les chercher. J'ai besoin des deux.
— Alors je t'en prie ne te gênes pas pour nous et défoules-toi bien.
— Merci.
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Une vie, une renaissance
Fiksi RemajaToute jeune fille, Alicia vit sa toute première histoire d'amour avec Michaël. Entre études et quotidien, il ne leur est pas toujours facile de trouver du temps pour eux. Heureusement, Céline et David, eux aussi en couple, ainsi que Christophe, part...