plier bagage

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le problème avec l'amitié, comme avec toute relation, c'est que ça a ses limites. avec ivy, on s'est vite rendues compte que la notre était en péril quand elle a commencé à me faire la gueule pour une histoire de dessous de verre pas rangé ou de fourchette pas lavé. la limite de notre amitié s'arrête là ou la cohabitation commence. nous l'ignorions, mais maintenant c'est clair.

— franchement kam tu pètes les couilles à laisser traîner tout ton bordel, on vit dans un trente six mètres carrés, frère !

je sais qu'elle ne me demandera jamais de partir en vue de ma situation et des raisons qui ont fait qu'elle m'héberge aujourd'hui gracieusement. mais je sais également que mon estime de moi-même déjà bien assez basse ces temps ne résistera pas à une énième querelle.

— déjà, d'où tu racontes ma vie aux gens ?

elle se retourne pour me faire face. c'était trop cash pour que ça passe comme une lettre à la poste. et pourtant je suis pas énervée pour un sou, mais c'est sorti tout seul. j'ai juste envie de comprendre.

— il est rapide, doum's. dit-elle simplement.

— c'est toi qu'est rapide ivy. deux semaines que j'suis là et déjà tout paname est au courant de mes galères.

— alors déjà c'est pas tout paname c'est doum's. et il s'inquiétait pour toi. tu le sais peut-être pas mais c'est écrit sur ta gueule que tu vas mal !

je soupire et enfile mon hoodie. c'est ça aussi qui m'énerve chez elle. son côté « fille sensible » à deux balles qu'elle veut revendiquer à qui veut bien la croire.

— oui, et ? tu crois que j'avais besoin de la pitié des gens ?

j'ignore où je puise la force de rester aussi diplomate. mais le fait de garder un ton neutre limite les dégâts, du moins c'est ce que je croyais.

— tu veux faire croire que t'as besoin de rien ni de personne mais sans moi tu serais sur les trottoirs de tokyo à compter tes yen.

je stoppe mon activité. consistant jusque là à ranger les quelques vêtements qui trainaient ça et là, ces mêmes vêtements qui ont provoqué cette énième altercation, finalement.

elle ferme les yeux et fronce les sourcils. elle regrette ses paroles et veut me le faire savoir. sauf que je m'en fiche de ses remords, ce qu'elle dit n'est pas faux.

mais je sens qu'il est temps pour moi de nous laisser de l'air.

— kamiya c'est pas ce que je voulais dire. c'est juste que... tu fais la meuf fermée et tout et tu refuse toute aide alors que c'est ridicule parce que t'en as besoin.

j'évite son regard et ignore ses excuses dissimulées sous des reproches adoucis. ça ne m'arrange pas de partir maintenant, en deux semaines, je n'ai pas eu le temps de me reprendre en main. j'ai passé mon temps à fumer et me morfondre. à présent je m'en mords les doigts.

— t'es fâchée ? demande-t-elle après un court silence.

— non, bien sûr que non.

elle débite à nouveau un flots de paroles dont je ne prête pas attention. je tiens à ivy plus que je ne veux bien me l'admettre. il faudrait penser à lui rendre son intimité et son espace. c'est elle qui m'a payé mon billet retour, c'est elle qui paye le loyer et la bouffe. je suis bien heureuse de ne pas avoir squatté là assez longtemps pour en avoir honte. mais je préfère éviter que ça arrive.

— bon, j'y vais, à ce soir.

— j'serai peut-être pas là ce soir, je te laisserai la clé dans la boîte aux lettres.

elle acquiesce et j'attends qu'elle passe la porte pour faire mon sac et partir.

ShinkūOù les histoires vivent. Découvrez maintenant