soirée de merde

5.3K 286 35
                                        

énième raison pour laquelle j'en ai ma claque de la coloc: les soirées improvisées et surtout improbables.

dans neuf cas sur dix, y a toujours un mec que je connais pas, un gars bourré et un qui fait toujours des blagues de cul ultra gênantes. après réflexion c'est toujours le même, et c'est 2zer.

— et là, il dit « putain les gars, heureusement que je bandais ! ».

j'entends un ou deux rires timides, sinon personne le calcule. avec ou sans sa blague, l'atmosphère reste gênante de toute façon.

c'est ken qui me saoule, là. il discute, il rigole, il m'a pas calculée une seule fois depuis qu'il est là. ah si, après réflexion, un petit eye contact non volontaire auquel on a mis fin rapidement.

ivy arrive après le groupe sur les coups de dix-neuf heures. elle me sourit légèrement et se fraye un chemin jusqu'à moi.

— tu dates, souffle-t-elle après m'avoir enlacée.

— toi aussi.

— tu viens avec moi dans le balcon ?

j'acquiesce sans poser de question et cherche pendant un court instant mon paquet de clopes avant de me rappeler qu'il est actuellement dans mon sac que j'ai laissé chez ken. il aurait pu me le ramener cet abruti... faut tout leur dire.

— t'inquiète, j'paye ma clope, ajoute la brunette, témoin de mon désespoir.

je la suis jusqu'au balcon où on trouve alpha et un boug dont le blase ne me revient pas. on échange deux, trois mots inutile puis ils nous faussent compagnie.

elle me tend une cigarette puis son briquet et je la remercie. elle reprend.

— est-ce que ça va kam ?

son ton me surprend, alors je fronce les sourcils.

— bah ouais, pourquoi ça n'irait pas ?

— t'es chelou, t'es distante.

— pour changer, je rétorque, ironique.

silence.

— j'veux dire, je ressens un fossé qui s'est creusé entre nous... j'suis pas toute blanche dans l'histoire ça c'est sûr mais j'vois bien que toi aussi tu la joue solo, maintenant.

— ivy-

— t'as toujours été solo d'accord, super. me coupe-t-elle. j'te parle de me parler, de te confier, du moins le minimum syndical, quoi.

— qu'est-ce que tu veux que j'te dise ?

elle souffle.

— j'vais pas m'embrouiller avec toi, laisse tomber.

je ne réplique pas et me contente de scruter le vis-à-vis où il y a de la lumière. on peut s'imaginer pleins de trucs qui se passent derrière une fenêtre. des histoires sordides aux histoires de cul.

— nan mais sérieux pourquoi tu m'en n'as pas parlé ? je vaux vraiment plus rien à tes yeux ?

mon éternelle nonchalance laisse place cette fois à une panique que je ne n'avais pas du tout prémédité.

d'un coup je repense à ce qui s'est passé avec ken et je me demande s'il a pu être aussi fourbe pour en parler autour de lui.

mais non, impossible. le lapse de temps est beaucoup trop court.

mais le téléphone arabe chez eux ça va vite, ce bon vieux burb pourra confirmer.

et avant même de penser à comment elle aurait pu le savoir, je me sens d'un coup hyper coupable d'avoir osé faire ça.

c'était la touche d'ivy à la base. même si elle a trouvé un nouveau partenaire pour faire joujou, tout le monde les connait les règles de l'amitié.

ces foutus règles de merde.

j'ai pas une seule fois pensé à ivy quand ken m'a proposé de venir chez lui, qu'on pétait des barres sur le canapé ou quand j'ai fait la connaissance de sa bouche.

si c'est pas moi la pire amie du monde je suis au moins la deuxième.

— tu vois, c'est ce qui me saoule chez toi. allô, t'es dans une société là, avec des êtres humains, dont certains qui s'inquiètent pour toi ! pourquoi ça ne va que dans un sens avec toi ? j'en ai plus que ras le cul d'avoir peur qu'il t'arrive un truc ou que...

on est bien loin des insultes qu'elle est censée porter à mon égard pour avoir pécho son « crush », là.

je comprends plus rien.

— mais de quoi tu parles, ivy ? je demande, saoulée.

— t'as tenté de te suicider et tu m'en as même pas parlé ?

prise de court, je la regarde enfin. ses yeux brillent, j'arrive à les voir grâce aux faibles éclairages des lampadaires en dessous de nous. et un silence de mort s'en suit.

un raclement de gorge s'en suit, ivy se retourne.

— j'voulais te prendre ton feu, mais...

je reconnais sa voix.

et là, mon monde s'écroule.

— tiens, gardes-le. répond-t-elle.

nous attendons que ken s'en aille. et là, je repense à tout ce qui s'est passé depuis cet acte de faiblesse. pour essayer de comprendre comment elle aurait pu savoir, mais elle me devance.

— je suis venue te rendre ton tableau, il me prenait trop de place dans l'entrée et bref c'était à toi de toute façon donc j'ai pensé que... ce serait une bonne idée de te le ramener.

l'incompréhension me submerge, je ne vois toujours pas le rapport entre ce foutu tableau et la bombe qu'elle vient de lâcher.

— quand j'suis arrivée j'ai trouvé doum's dans la cuisine, il m'a aidée à le transporter jusqu'à ta chambre et j'sais pas pourquoi, j'me suis attardée sur cette enveloppe sur ton bureau...

je me mords la lèvre pour m'empêcher de déblatérer des mots que je regretterais par la suite, puis je tire une taffe interminable, le temps qu'elle finisse son speech.

— j'ai cru que tu t'étais remise à l'écriture et j'trouvais ça trop cool, à mes yeux c'était comme la confirmation que tu sortais la tête de l'eau et que tu n'étais plus aussi... vide.

j'expire une longue trainée de fumée et lève ma tête vers le ciel. je ne sais même pas si je suis énervée ou dévastée.

— tu as lu ma lettre, ivy.

ma question rhétorique se ressent plus comme une affirmation. et elle acquiesce, honteuse.

— oui.

elle essaye de se justifier un peu plus après ça mais en vérité je ne l'écoute plus vraiment. une partie de moi lui en vaut, l'autre m'en veut à moi-même.

je décide de couper court à la conversation et rentre dans le l'appartement. je me dirige d'un pas léger vers ma chambre et m'empare de la lettre qui trône encore sur mon bureau. je la retire de l'enveloppe, lis les premières lignes puis la déchire.

— tu devrais la brûler, c'est mieux. j'entends à la porte.

ken me tend le briquet d'ivy. je l'attrape en silence.

— je... commence-t-il.

— j'veux rien savoir, je le coupe.

je brûle une première partie du papier que je pose ensuite sur une assiette qui traînait jusque-là sur mon bureau.

— c'est bon kamiya on s'est juste embrassés, on n'a rien fait de ouf, faut que tu détendes.

il a raison en vrai. mais je ne peux m'empêcher d'être à nouveau distante avec lui. c'est un peu le fruit défendu auquel je n'aurais pas du toucher. et maintenant qu'il connait un bail sombre de moi, j'assume encore moins de le voir.

— je t'ai ramené ton sac et tes affaires, ajoute-t-il avant de les poser contre le mur et de partir.

qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

ShinkūOù les histoires vivent. Découvrez maintenant