« ça me gave mais j'ai pas le choix »
j'ai l'impression que c'est mon motto depuis que je suis rentrée dans ce putain de pays. en même temps je peux pas me morfondre éternellement, c'est pas les larmes qui payent les factures.
doum's m'a dit qu'ils recrutaient dans un magasin streetwear que je connais très bien. j'étais pas deter au début mais je me suis souvenue que j'étais à moins sept cent balles sur mon compte et que ma banquière m'harcèle plus que mon ex.
j'ai pris mes pieds et un des cv qu'ivy m'avait imprimés qui commençaient à se froisser dans mon sac puis j'y suis allée.
je tape mon meilleur sourire et j'essaye d'arranger ma coupe avant de pousser les portes du magasin déjà bien fréquenté. tout se passe très vite. un pelo appelle son responsable qui me demande si je suis disponible dans l'immédiat pour passer un entretien. bien évidemment j'accepte. comme si j'avais quelque chose de prévu dans ma piètre vie.
— alors, je vois que vous avez une expérience dans le merchandising, vous pouvez m'en dire plus ?
c'est quoi le projet, il faut que je lui récite les 5B de kepner ?
— j'ai pas compris la question.
il arque un sourcil mais reformule gentiment sa demande.
— à quels challenges avez-vous été confrontée ? quelles étaient vos stratégies marketing ?
j'ai envie de partir. flemme de mentir et d'embellir les choses. c'était une histoire de bon produit au bon endroit en bonne quantité basta. on rajoute un peu de communication pour peaufiner le bordel, mais en soi à quoi il s'attend ?
— le challenge c'est l'incitation à l'achat. je veux que le client passe devant ma vitrine et qu'il achète sans se poser de question.
il hausse les sourcils cette fois, il semble intéressé le lascar. tu m'étonnes quand on parle de bif en même temps.
— et comment vous vous y prenez ?
— j'ai été acheteuse retail. dans ce métier notre vitrine c'est nous. alors mon merch' je l'ai fait sur moi.
il guette mes falcon personnalisées et hoche lascivement la tête. j'avoue j'ai pas fait des efforts de malade mental. j'ai galéré pour mon trait d'eye-liner déjà, fallait pas me demander plus.
— ça se voit pas forcément la mais...
— mais oui, je vois que vous avez travaillé au japon, qu'est ce que vous pouvez me dire la dessus ?
je fais la moue mais tente quand même de mettre mes souvenirs amers de côté. parler de mon métier a fait raviver un truc en moi. même si c'est pour un simple boulot de vendeuse, tant pis on s'adapte.
— j'ai fait plusieurs collaborations avec de grandes enseignes internationales et japonaises à tokyo. c'est une opportunité que j'ai saisie et que j'ai kiffé... pardon pour l'expression.
il reste de marbre. j'ai intérêt à calmer mon langage ghetto avant que le poste me passe sous le nez.
— et... ouais les sneakers c'est mon domaine, la force de persuasion aussi. je sais qu'on est sur la même longueur d'onde.
— ah oui ? et qu'est ce qui vous fait dire ça ?
ses prunelles azurs pétillent. il me porte toute son attention, c'est le moment de le mettre dans ma poche.
— vous portez des rockstud pour femmes. vous n'avez aucune œillère face au style et c'est un état d'esprit que je partage.
il rigole et jette un œil hésitant à ses valentino. il hoche à nouveau la tête et je le sens déjà plus détendu.
— flatter son employeur c'est une technique un peu passée mademoiselle.
il fait le fou mais il est même pas plus âgé que moi. d'un ou deux ans, peut-être.
— vous avez l'œil en tous cas. j'apprécie votre réactivité.
on discute un bon petit moment et je ressens moi cet entretien comme un calvaire. je sais que doum's le connaît, du moins il m'a dit qu'il connaissait un des responsables et que je pouvais dire que je venais de sa part. à aucun moment je n'ai éprouvé ce besoin.
je ressors de l'enseigne un peu frustrée tellement j'ai envie de tout acheter. ça m'a clairement saoulée de me remémorer des souvenirs pas très gais mais cet univers c'est ma vie. le passé c'est le passé comme on dit.
• • •
je rejoins ivy au do mac, elle avait besoin de me parler apparement. j'ai déjà à peu près deviné le sujet de conversation alors je fais style d'être étonnée quand elle me parle de k.
— en vrai on dirait pas comme ça mais c'est un mec tellement top...
je tape un mega croc dans mon royal deluxe et fais mine de l'écouter. je suis encore dans mon entretien avec yeux bleus. il était pas mal quand j'y repense.
— il est hyper inspirant, t'as écouté ses textes ? c'est ça qui m'a fait kiffer en vrai...
même si je m'en fous un peu je pense que mon égo serait saoulé si je n'étais pas prise pour le poste. mais je sais que je n'ai jamais vraiment été conventionnelle, ça plaît ou ça plaît pas.
— et en plus il est super canon. avoues il est pas cheum ? hein, kam ?
— ouais, il passe.
elle fait mine d'être outrée mais ne s'arrête pas pour autant de parler. je crois qu'elle a le béguin pour lui depuis pas mal de temps déjà. moi qui cherchais ma solution pour l'éviter, elle tombe à point nommé, ma petite ivy.
— mais je sais qu'il est pas trop sérieux avec les meufs, du coup j'ose pas. tu me conseille quoi ?
— envoie lui un nude, je réponds.
— kam... sérieux...
— j'en sais rien moi, il t'intéresse, tâte le terrain. c'est peut-être réciproque.
mon rôt clôture ma réplique. elle rigole et poursuit.
— j'sais pas... mais je pense qu'il y a des eye contact qui ne trompent pas...
j'esquisse un sourire mais ne pipe pas mot.
— alors fonces. t'as rien à perdre.
— sneaz il fait une soirée chez lui vendredi avant que tout le monde soit hyper occupé. j'vais me mettre au max !
je rigole et la tcheck.
— c'est ça même.
— eh, tu viens hein ?
je me prends soudainement d'admiration pour ma potatoe dans ma sauce moutarde. elle kiffe aborder les questions qui fâchent.
— j'ai pas trop envie.
— fais pas ta relou, j'ai besoin de soutien. et même wesh pour les gars, arrêtes de faire ton impolie !
— frère ils ont pas besoin de moi pour passer une soirée !
la sonnerie de mon portable nous coupe, un +33. je réponds sans réfléchir.
— « ouais ?
— oui, kamiya c'est sasha, nous avons passé un entretien il y a une heure... »
oui je suis au courant, il est rapide, lui.
— « je vous ai dit que vous auriez une réponse sous deux semaines mais finalement j'ai pas préféré attendre, vous pouvez commencer la semaine prochaine ? »
ivy qui comprend tout me fais signe d'accepter sans hésiter, ce que je fais bien évidemment. j'ai l'impression de retourner quelques années en arrière quand je postulais à mon premier taf chez footlocker. ça me fais bizarre.
il me parle un peu de la paperasse à ramener et nous raccrochons. la brunette me fait les yeux doux.
— obligée tu viens chez mo pour fêter ça !
que elle profite des situations cette vicieuse. je roule des yeux mais accepte.
— ouais, obligé.