Ivy parle clairement dans le vent.
je suis obnubilée par l'application, j'ai l'impression de la découvrir. entre les nouvelles tendances à deux balles et la totale refonte de la plateforme, j'ai l'impression d'avoir raté un bon nombre d'épisodes.
je traine sur le compte d'ivy et la taquine sur ses selfies aguicheurs. c'est juste pour rire parce qu'au fond, j'aimerais beaucoup avoir autant d'estime pour moi pour me mettre autant en valeur.
après ce qui s'est passé au japon je me suis totalement laissée aller, pire même, effacée.
je me rends compte en parcourant ces tas de clichés lightroomés que jamais je trouverais ma place entre ma tête de déphasée et mes captions vide.
— instagram, c'est tout un art... souffle la brune en jouant avec ses baguettes.
un art qui me dépasse.
je n'ai jamais eu le profil des réseaux sociaux de toute manière. Entre le voyeurisme et le je-m'invente-une-visme...
j'ai quand même dû m'aligner sur la tendance quand j'ai eu besoin de me faire un nom pour le business. je prenais des photos des gens avec leur sapes, ou alors je faisais poser des modèles avec les paires que je dénichais. ça avait plutôt bien fonctionné d'ailleurs. j'ai adoré ce moment.
je devrais peut-être recommencer ?
— d'ailleurs c'est quoi l'insta de ton boug ? me relance-t-elle.
je hausse les épaules et je la sent me juger du regard.
— t'es sérieuse, tu le stalk jamais ?
— pourquoi faire ?
qui a dit que c'était mon boug, déjà ? c'est ça la vraie question.
— pour regarder ce qu'il fait, qui il suit... tu serais surprise, elle répond de manière équivoque.
le roll eye que je lui assène est tellement tenace qu'il n'y besoin d'aucun mot.
voici l'une des choses qui nous différencie ivy et moi.
c'est le genre de go possessive qui fouille le portable quand on est sous la douche. qui stalke toutes les collègues féminines quasi tous les jours comme si elle allait trouver la réponse à ses questions.
bref, ivy n'a pas confiance en elle, comme moi.
mais ivy est jalouse possessive, pas comme moi.
je pourrais commencer à débattre sur le fait que je n'ai absolument pas le temps pour ces conneries mais je préfère me poser des questions sans réponses. comment elle fait avec louis ? ou peut-être qu'ils n'en sont pas non plus à ce stade... mais comment elle aurait fait avec ken ?
faut toujours qu'il revienne à la charge, celui-là...
c'est d'ailleurs son nom que je tape dans la barre de recherche, la respiration coupée comme si je commettais un crime.
les dernières photos en date sont celles où ils sont à la réunion avec le crew. une semaine que j'ai l'appart pour moi seule. je peux me promener à poil ou tout simplement sortir de ma chambre sans avoir peur de tomber sur un charo défoncé; de la bombe atomique.
je fais défiler les photos d'un geste machinal en survolant les promos et les captures d'écrans. je ne m'arrête que lorsque je le vois.
— tu viens avec moi, donc ? reprend la brunette, la bouche pleine.
— venir où ?
— je vais boire un verre avec une pote, histoire de me changer les idées.
histoire d'oublier louis, ouais.