ivy c'est la gênance incarnée.
elle sait très bien que je suis là mais ça ne la dérange pas de galocher son mec, sans pause.
j'insiste sur le verbe galocher. c'est pas des pelles qui se roulent, c'est des tracteurs.
à la base j'étais venue pour qu'on passe la soirée ensemble comme ça fait un bail qu'on ne s'est pas captées mais je me suis vite sentie de trop. alors je me suis éclipsée dans sa piaule pour trier les affaires qu'il me restait chez elle et lui débarrasser. je savais que ce n'était pas une bonne idée mais bon, mon nom et « bon choix » dans la même phrase c'est un mythe, paraît-il.
— hum, hum, je m'éclaircis la voix exagérément pour capter leur attention.
— ouais t'inquiètes, les autres arrivent, me répond la brune en se détachant enfin de sa sangsue.
pardon lo mais toi non plus tu fais pas d'efforts pélo, ressaisis-toi.
c'est pour ça que j'évite ce genre de soirée, après on va encore me dire que je suis rabat-joie. lo nous fausse compagnie et se propose pour aller chercher à boire.
— alors, quoi de neuf, me dit-elle une fois seules.
— ben...
la première news qui me vient à l'esprit, c'est évidemment ma nuit agitée avec le beau brun qui ne donne même plus signe de vie. en même temps je l'ai cherché, j'avoue.
après nos ébats j'ai pas su si je devais rester ou partir. alors j'ai attendu qu'il s'endorme pour me faire la mâle à l'aube.
j'admets que ce n'est pas la meilleure fin à cet épisode mais je ne me voyais pas m'imposer davantage, je sais pas.
quoi qu'il en soit, je sais qu'il s'en fout et qu'il s'est barré dans je-ne-sais-quel pays encore. mais ça ne m'empêche pas de penser à lui.
bref pour en revenir à ivy. j'ai tellement envie de lui raconter ce coup dans les moindres détails...
mais si je lui en parle elle me demandera depuis quand est-ce que je m'intéresse à son ancien crush. et là ça risque de faire des problèmes. elle m'en voudra de l'avoir pécho juste parce qu'elle l'a voulu avant façon, et elle m'en voudra de le lui avoir caché tout ce temps.
après tout elle n'est pas obligée de le savoir en partant du principe que ce n'était qu'une seule et unique fois et que tout le monde va vaquer à ses occupations comme si de rien était. mais bon, ça m'embête quand même.
— rien, comme d'hab. je réponds, finalement.
— tu m'as pas raconté ton date.
— de la merde.
— tu veux que je t'arrange un coup ?
je la toise et rigole.
— ça va aller merci.
— j'aimerais trop te voir posée mais genre vraiment amoureuse...
ça a été déjà le cas et ça m'a fait très mal.
— qu'on puisse se faire des dates à quatre.
elle rêve trop la petite.
— ouais, si tu le dis...
je jette un énième coup d'oeil furtif à mon téléphone pendant que le silence prend place.
je traite ma ivy de naïve mais je suis pas mal candide non plus de croire qu'il m'enverra un message. c'était un bail d'une nuit c'est tout, un one shot et chacun refait sa vie. c'était le deal.
je la vois se tortiller dans tous les sens et jouer avec ses doigts en me regardant. alors je l'interroge du regard.
— quoi ? je demande, je sais que j'ai un shtar sur le menton.
— nan c'est pas ça... tu sais on n'a pas souvent l'occasion d'être seules depuis un moment...
— ouais c'est vrai, je réponds.
— ça me manque, des fois.
je souris.
— moi aussi, mais on est comme des sœurs toi et moi tu le sais. on peut pas se supporter plus que 48h.
je rigole et elle sourit légèrement. elle a vraiment l'air tracassée.
— ouais justement, les soeurs elles se disent tout, pas vrai ?
ça dépend ce que t'appelles tout.
— euh ouais... sans doute.
— je voulais savoir depuis la fois où j'ai ta lettre...
— ivy... je soupire.
— nan c'est important d'en parler kam' j'veux dire le suicide c'est un sujet sérieux et j'suis jamais tranquille depuis que je le sais alors je te le demande sincèrement, entre quatre yeux, est-ce que tu es en dépression ?
on se regarde dans le blanc des yeux et j'ai l'impression de devoir chercher mes mots.
dans ma tête c'est très clair, je n'éprouve plus tellement cette envie de mettre fin à mes jours. pour moi c'était un moment de perdition. une bulle dans laquelle je me suis enfermée à cause du trop plein mais qui s'est rapidement éclatée à cause de...
à cause de qui, même ?
la question mérite d'être posée mais je n'ai pas de réponse à lui donner. disons que ces jours ci, j'ai éprouvé des sentiments autres que la neutralité et le désespoir. mais je ne me sens pas pour autant comblée.
— non, je réponds finalement.
— t'es sûre de toi ?
— ouais.
elle plisse des yeux comme si ça allait l'aider à décoder mes éventuels mensonges.
— je suis sérieuse ivy, j'vais bien.
— tu te sens comment, alors ?
— j'suis pas triste mais j'suis pas forcément heureuse non plus.
— et qu'est-ce qui te rendrait heureuse, aujourd'hui ?
j'hausse négligemment les épaules et m'allume une clope. elle soupire mais décide de ne pas me juger.
— très bien, heureuse de l'entendre dans ce cas. je voulais te faire voir un psy...
— t'es rassurée ? ou je dois en rajouter une couche ? je demande, rieuse.
— t'as pas d'intérêt à me mentir, en plus t'as toujours été quelqu'un d'honnête.
je tique à ses mots. j'suis pas sûre de vraiment les mériter.
mais c'est qu'une question de temps je le sais. je laisse passer un mois ou deux, le temps que cette histoire se tasse, et on en rira tous.
— bref on fait quoi pour tes vingt quatre printemps ? demande-t-elle après un moment.
— j'sais pas, on n'a qu'à se faire un petit truc entre nous à la maison...
la porte s'ouvre sur une bonne partie des gars. deen m'assène un regard complice et brandit fièrement sa bouteille de téquila.
seigneur dieu.
ivy n'a rien écouté de ce que je lui ai dit assurément, c'est peut-être pas plus mal si ça lui sort de la tête, finalement.
🥀
c'est pas le meilleur des chaps je vous l'accorde mais j'peux pas toujours être au top du top (on rigole ça vaaaa). cette affaire de covid-19 me fait travailler de chez moi, j'espère alors trouver le temps d'être un peu plus régulière... en attendant, prenez soin de vous !