les limites

5.4K 286 51
                                        

quand tu guettes l'allure de sasha tu te dis pas que chez lui c'est la réplique des room tour instagrammables.

chaque objet est rangé à sa place et le mobilier est de goût dans des nuances de blanc et de beige. un tout hyper apaisant et cocooning, un appart de meuf pour faire court.

— ça faisait une paye que je m'étais pas fait un bon poké, t'as assuré. me dit-il

je souris en silence et m'empare d'un bout de gingembre. j'hésite à le manger au début, on dit que ces bails sont aphrodisiaques et j'ai déjà du mal à calmer mon pouls.

il est grave frais ce gars.

même avec sa chemise oversize et son jogging givenchy taché par la sauce soja il m'attire comme un aimant. et son odeur, pardon. le gars est sucré. j'ose à peine le regarder.

— tu veux mater quoi ? reprend-t-il en mettant netflix.

code rouge.

netflix avec un gars ? autant se mettre à poil et se regarder dans le blanc des yeux ça reviendrait au même. mais moi j'ai pas prévu ça pour la soirée, j'ai pas préparé le terrain. c'est pas pour dire mais même chewbacca il est choqué.

— ce que tu veux, j'men fous.

on se met vite d'accord sur un film dont je ne retiens ni le nom ni l'intrigue. il nous fait du pop corn et j'en profite pour me mettre un peu plus à l'aise.

— voilà pour mademoiselle, souffle-t-il en me tendant le bol.

je le remercie et attrape une petite poignée que je fourre dans ma bouche. je grimace et recrache machinalement.

— c'est salé !

il rigole et se pose à son tour à mes côtés.

— quoi, t'aimes pas ?

— mais qui aime ça ?

— c'est vous vous connaissez rien ! bah attends je vais chercher un autre truc...

— c'est bon restes, tu vas tout rater et j'ai pas envie de t'expliquer ni de remettre en arrière.

il s'esclaffe à nouveau et le silence nous surplombe. je fais mine d'être concentrée sur le film pour faire l'impasse sur les coups d'oeil qu'il me lance. je le vois faire. je ne sais pas si je suis gênée ou si j'apprécie.

mais je fais mon possible pour mettre mes pensées de côté, j'ai pas envie de me prendre la tête. et même si j'ai cru comprendre qu'il m'aimait bien, j'ai pas non plus envie de me faire des faux espoirs.

même s'il m'a dit au téléphone qu'il voulait parler et qu'on ne s'est clairement rien dit de sérieux depuis que je suis là.

même si le bras qu'il pose juste au dessus de moi est clairement une ouverture.

et même si son parfum fait danser mes narines qui n'ont rien demandé.

kamiya calme toi, concentre toi sur le film.

— ça va, t'aimes bien ? il demande.

il te tend une perche, saisis-là.

— bof, je comprends pas trop.

— ouais c'est claqué, il répond.

silence. ça en devient gênant.

sachant qu'il a déjà fait un pas en m'appelant, peut-être que c'est à moi d'en faire un ?

— tu voulais qu'on parle, nan ?

je vois à son regard qu'il est satisfait.

— ouais... mais tranquille hein.

il humecte ses lèvres et se repositionne. j'ai l'impression qu'il est intimidé.

— ben parlons.

je m'assois en tailleur pour lui faire face. il sourit et se tourne lui aussi, en ma direction. devant mon silence, il commence.

— on en a parlé la dernière fois, je t'ai dit que tu me plaisais mais j'ai pas envie d'écouter les gens et me faire des films alors-

— quels gens ? je le coupe, intriguée.

ne me dites pas que c'est ce que je pense.

— maurice, mais tranquille il voulait pas cafter c'est sorti tout seul.

— attends que je l'attrape, lui.

j'attrape mon téléphone sur la table basse pour lui envoyer un message incendiaire. plus commère tu meurs, ma parole.

— c'est bon kamiya, tranquille nan ? dis-moi juste si c'est le cas.

— si c'était pas le cas j'aurais cherché à l'étriper, là, tu penses ?

note à moi même : réfléchir avant de répliquer du tac au tac. il hoche la tête doucement et s'approche un peu. j'suis pas stressée mais je suis indécise. peut-être qu'on va franchir la limite.

ses pupilles topazes brillent comme s'il voyait un tacos trois viandes. ou alors, pour être un peu plus romantique, comme s'il attendait les mots magiques pour passer à l'action.

— genre, vraiment ? demande-t-il d'une voix douce.

le voir dans cette posture me fais fondre, je vais pas résister longtemps. s'il continue dans sa lancée, on va sûrement franchir la limite.

— ouais, vraiment, ouais. t'es drôle et tu me donnes des pauses quand je veux.

il rigole.

— j'te parle sérieux kamiya.

— moi aussi sasha.

on se regarde, sans un mot et les secondes défilent jusqu'à ce que, l'un de nous, je ne pourrais dire qui, se rapproche en premier. et c'est évident pour moi désormais que nous allons franchir la limite.

sur le coup je n'en n'ai plus rien à faire, j'ai besoin d'affection. sasha est cool, gentil, sans prise de tête et il sent bon. je demande pas plus pour passer du bon temps et oublier ses soucis. je suis pas une nana exigeante.

dans un mouvement synchronisé, nos lèvres se rencontrent. sa main sur ma joue, ma main sur sa cuisse, je savoure le moment. ses lèvres sont salées à cause du pop corn, mais elles sont douces et j'adore comment il embrasse ma lèvre inférieure, avec toute la sensualité du monde.

il m'attire vers lui et je me positionne sur ses genoux tandis que nos langues se scellent. je sens une de ses mains passer sous mon t-shirt, damn le mec est trop chaud. je sens les battements frénétiques de son coeur sous sa chemise, il est bien plus emballé que moi.

j'aimerais bien m'envoyer en l'air mais j'ai rien prévu pour et je me sens pas tout à fait à l'aise. en plus ça reste mon boss. un baiser peut passer, mais quid d'une nuit agitée ?

on en reste au baiser pour ce soir.

le karma est de mon côté puisque mon téléphone sonne. un numéro que je ne connais pas. en temps normal je ne réponds pas mais là j'ai besoin de me tirer d'affaire.

— excuse moi... dis-je en me détachant.

j'attrape le cellulaire et décroche en suçotant ma lèvre.

— « allô ?

— ouais, c'est ken. »

ShinkūOù les histoires vivent. Découvrez maintenant