dans ce monde y'a rien de logique.
des offres de travail, y en a à la pelle. des réponses, zéro.
si tu mets une annonce pour ne pas y répondre, annonce pas.
je ferme l'application et jette mon téléphone. pour les angoissés, j'ai une coque rhinoshield.
bientôt une semaine que je suis au chômage, 2016 commence bien.
et encore chômage, c'est un bien grand mot. depuis que je suis rentrée j'ai pas pointé à pôle emploi. je perçois aucune indemnité, c'est la galère jusqu'au cou. mais les histoires de paperasse ça me fatigue, quand on veut de l'argent de l'état, faut renseigner jusqu'à notre groupe sanguin et la date d'expiration de notre âme. j'ai pas le temps pour ces conneries.
en tous cas faire la meuf indépendante c'est bien beau mais j'ai intérêt à trouver un taf, vite. j'ai envie de me tirer de chez doum's. les gars ont quasiment tous déserté depuis qu'il est avec adèle, normal aussi. alors parfois je me sens de trop et je vais me loger dans les escaliers pour y passer la nuit et les laisser tranquille.
ce soir, même salade.
adèle rend visite à son bien aimé, je l'ai compris au moment où il a passé son gros crâne dans l'ouverture de la porte et qu'il m'a regardé avec ses yeux de merlan.
— quelle heure ? je demande.
— vingt heures, t'es trop vive toi. dit-il en entrant.
— c'est juste évident.
je me replace sur le lit tandis qu'il s'y assoit.
— ça te dérange pas trop, j'espère ?
— mam's, t'es chez toi !
— c'est aussi chez toi.
— t'étais là le premier, je conclus.
il sourit.
— on n'a pas eu le temps de parler de ton fils de pute de gars.
— c'est plus mon gars, tu peux t'arrêter à fils de pute.
— je l'attrape, je le monte en l'air.
je souffle du nez.
— laisse tomber, c'est un vieux gars.
— j'espère tu me fais pas une dépression derrière mon dos, toi.
— pour lui ? je rigole. jamais de la vie. j'suis juste saoulée de ne plus avoir de taf.
il ramasse mon téléphone au sol et reprend.
— mais gros, pourquoi t'appelles pas le gars là ? je t'ai donné sa carte à la soirée de nek.
devant mon silence, il poursuit.
— ça tient toujours, appelles-le maintenant.
— j'peux pas.
— comment ça tu peux pas ?
je soupire. mon ancien job a toujours été un peu tabou. je sais qu'au fond je ne me suis jamais remise d'avoir tout perdu. j'ai l'impression que ce n'était tout simplement pas fait pour moi.
— je me sens pas capable, de monter un nouveau truc, de repartir à zéro.
— t'es sérieuse kami ?
— imagine je refais tout foirer ? dis-je d'une petite voix.
je me reconnais pas moi-même. la dure à cuir des bas étages qui sommeille en moi elle s'est calmée bien vite.
— mais déjà un, t'as rien fait foirer, c'était pas de ta faute tu t'es juste fait berner. deux, tu pourras pas te faire berner parce que le mec je le connais donc s'il t'arrive une galère, une seule, je le monte en l'air lui aussi.
je souris légèrement, j'ai déjà dit que doum's c'était le best mais je le répète pas assez parce qu'il passe les trois quarts de son temps à fatiguer ma tête. mais dans le fond, c'est ouf comment il arrive à rebooster les gens.
— bah ouais ma gueule, t'as un réseau, sers-t-en. quand je vais vouloir faire mon business de beuh à osaka t'as intérêt à me donner des noms, hein. bah là c'est pareil, si je peux t'aider, je le fais.
— merci, t'es vraiment un vrai de vrai, dis-je simplement.
— ouais j'sais. demain tu l'appelles, pigé ?
j'hoche la tête et nous nous quittons sur ces paroles.
je prends une douche et m'habille avant de le quitter pour les escaliers. il fait plutôt froid, j'ai bien fait de me saper comme si j'étais en sibérie parce que mes mains gèlent. je trouve un stratagème vite fait bien pour ne plus avoir à tenir mon téléphone. je le fais tenir à l'horizontal sur une marche, m'installe deux marches plus bas les mains dans les poches et dépose une canette et des chips sur la marche du dessus. la prochaine fois, faut que je pense à ramener un plaid et on sera nickel.
— c'est ton QG ici ou quoi, j'entends à ma droite.
putain le con, je l'ai même pas entendu.
— je...
— laisse moi deviner, ligaments croisés ?
ken sourit de toutes ses dents et inspecte ma petite organisation en plissant des yeux. putain mais c'est le seul raclo de l'univers que je connaisse qui boycott l'ascenseur pour monter les cinq étages à pied. c'est quand même dingue, ça.
— ouais... ouïlle. dis-je sans conviction.
il rigole.
— t'as pas les clés ?
— et toi, tu connais pas l'ascenseur ?
voilà pourquoi j'aime pas que l'on me voit dans ce genre de situation, après il faut répondre à tout un tas de questions. il hausse les épaules, je soupire.
— écoutes il est avec sa go, je les ai laissés passer une soirée tranquille c'est tout.
— ah ouais j'vois... donc tu restes là.
— ouais. je rentrerai dans la nuit.
silence.
ça aurait pu être tranquille si la série n'avait pas choisi ce moment pour étaler sa meilleure scène explicite.
j'attrape le portable en vitesse pour mettre pause, il reprend.
— vas y viens chez moi.
mdr.
pourquoi mon coeur il bat vite, là ?
— pourquoi faire ? je demande, paniquée.
— des colliers de pâtes, tu vas voir c'est sympa, dit-il en redescendant.
— sans façon.
il remonte.
— frère ? je vais pas te séquestrer détends-toi.
— j'suis parfaitement détendue.
c'est faux, même mon string ne l'est pas assez à mon goût.
— fais pas la meuf, j'vais pas te laisser là. j'habite pas très loin en plus, c'est juste le temps que la soirée passe et ensuite je te raccompagnerai.
trop attentionné pour accepter.
mais il est trop frais pour refuser.