roller coaster

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j'ai marché toute la nuit.

j'ai mit mon téléphone en silencieux pour ignorer les appels de ken. je m'en suis voulu de jouer les meufs busy pour rien, mais la circonstance s'y prête. j'avais besoin d'être seule et de réfléchir au sens de ma vie. malheureusement on n'est pas plus avancés.

je regrette d'être aussi faible et d'avoir pensé qu'il serait aussi simple de disparaître. le simple fait d'avoir pensé à un signe prouve que je n'étais pas totalement sûre de moi. est-ce qu'on l'est vraiment dans ces cas là ?

je tenais à peine sur cette rambarde. si j'étais tombée contre mon gré, le froid m'aurait sûrement tuée ou alors, j'aurais laissé mes poumons se remplir en me laissant couler. j'aurais eu une mort atroce et longue. rien que d'y penser j'en ai la chair de poule.

le jour se lève sur la capitale. au loin j'aperçois les premiers rayons d'un soleil rare qui colore le ciel d'un rose orangé absolument sublime. est-ce un signe, ça aussi ?

ce que j'aurais raté si je m'étais laissée noyer dans cette immondice qui traverse la ville ?

ça m'émeut d'autant plus de contempler l'aube. j'en pleure à nouveau. je décide de l'immortaliser. en sortant mon téléphone je constate qu'il est déjà sept heures et quart. je commence à neuf heures aujourd'hui, avec un peu de chance j'arriverai à temps.

en m'attardant sur l'écran d'accueil je remarque une ribambelle d'appels manqués et de messages de deux numéros différents. je décide d'ignorer les notifications qui défilent jusqu'à ce que je tombe sur le dernier message :

il y a 2h : « je débarque chez doum's, t'as intérêt à être là »

dans ma tête ça fait tilt.

doum's, ma chambre, la lettre.

la lettre.

je tape le meilleur sprint de ma vie, comme si j'étais la porte à côté. alors qu'il me faut bien vingt minutes pour arriver chez le tressé.

je cours jusqu'à l'immeuble, appuie et ré-appuie sur le bouton de l'ascenseur pour me persuader que ça ira plus vite. je suis complètement essoufflée et en sueur, mais l'adrénaline me donne une force inespérée.

j'enfonce la clé dans la serrure, ouvre la porte et remarque qu'il n'y a personne au salon. je me précipite en vitesse jusqu'à ma chambre que je trouve comme je l'ai laissée. la lettre sur le lit est à la même place, elle n'a pas été touchée. je soupire de soulagement et m'en empare.

— c'était quoi ça ? j'entends dans mon dos.

je sursaute à l'entente de sa voix et me retourne pour faire face à ken. je dissimule l'enveloppe dans la poche arrière de mon jean et rétorque.

— putain, tu veux me tuer ou quoi ?

— je t'ai appelée au moins cent fois, t'étais où ?

— dehors.

il s'appuie sur l'encadrement de la porte et me jauge du regard. il est entièrement habillé jusqu'au chaussures. on dirait qu'il n'a pas dormi, lui non plus.

— t'as fait flipper à tout le monde. c'est quoi ton problème ? il reprend.

— tu l'as dit à qui ? je réponds.

— quelle importance ?

— c'était entre toi et moi, j'sais pas...

il est con ou quoi ?

— je t'entends pleurer toutes les larmes de ton corps pour qu'ensuite tu raccroches et qu'on n'ait plus de nouvelles. t'as cru que j'allais garder ça pour moi ?

je préfère ne pas répondre et retire mon manteau. mine de rien je suis complètement gelée. je sens à peine mes membres. ken reste dans l'entrée et ne me lâche pas du regard. j'aurais pu croire que c'est à cause des nerfs mais il est étrangement calme, même dans ses paroles. ça me gêne atrocement.

— dis-moi ce qui s'est passé, il ajoute.

je soupire, retire mes baskets et lui demande doucement.

— il est là doum's ?

— ouais, il pionce.

— il est au courant ?

— nan.

je l'invite à entrer et ferme la porte sur laquelle je m'appuie.

— écoutes, je suis désolée. je voulais pas... te mêler à ça. j'ai pas réussi à me contenir alors je comprends que tu puisses te sentir concerné mais c'était un trop plein... c'est tout.

— un trop plein, il répète sans conviction.

je me dirige vers l'un des sacs préalablement rangés à côté du lit et en sors un t-shirt et un pull propre.

— j'étais pas bien, j'avais besoin de souffler, je réponds.

— toute la nuit ?

je reste dos à lui en cherchant mes mots. puis me retourne vivement.

— t'as jamais ressenti ce sentiment, d'avoir tout merdé dans ta vie ?

— si.

— c'était mon cas, hier soir.

je me retourne pour me changer.

— mais c'est fini maintenant.

il s'attarde longtemps sur mon lit avant de poser à nouveau son regard sur moi. il a l'air crevé, je pauvre.

je prends place sur ma chaise donnant face à un miroir et essaye vainement d'arranger mes cheveux.

— tu fais quoi, là ? demande-t-il après un moment.

— je me prépare. je dois être au taf dans trois quarts d'heure.

il ricane faussement et je m'arrête pour le regarder.

— t'as quoi ?

— tu vas nulle part.

cette fois-ci c'est moi qui ris.

— et en quel honneur ?

— t'es complètement déphasée et t'as pas dormi de la nuit, ça te va comme réponse ?

j'ignore ses paroles et m'avance vers la porte qu'il bloque du bras, avant de se poster devant.

— vas y arrêtes tes conneries...

— je t'explique, t'appelles ton boss tu lui dis que t'es malade. je bouge pas de là tant que je te vois pas dormir.

c'est la première fois que je le vois endosser le rôle du mec ferme. il a l'air sérieux, en plus.

— t'as peut-être les moyens de t'acheter la dernière merco mais c'est pas le cas de tout le monde mon pote, j'ai des factures à payer, moi.

— kamiya, va te coucher, il souffle ennuyé.

je m'approche jusqu'à presque le coller. il est pas encore au courant mais j'aime pas qu'on me donne des ordres.

— sinon quoi, hein ?

loin d'être intimidé, il comble l'espace et réplique sur le même ton.

— sinon je poucave tout à doum's et crois-moi tu vas chier.

mes yeux s'écarquillent et sens l'agacement me monter en vitesse éclair. super, je serai passée par tous les sentiments aujourd'hui.

— t'es un putain d'emmerdeur.

— et toi t'es une petite frappe, chacun son truc.

il réprime un sourire et me désigne mon portable du menton en soufflant :

— active, j'ai pas toute la journée.

ShinkūOù les histoires vivent. Découvrez maintenant