Pornographie

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Lorsque Florent était adolescent la pornographie était sous film plastique et les revues confinées dans les sex-shop. Facile à trouver quand même. A condition d'habiter dans une grande capitale. C'était son cas. À Paris, à Londres où ses parents l'envoyaient en séjour linguistique. Les tenanciers n'étaient pas très regardants. Enfin, il s'était fait sortir quelquefois. Pensez, seize, dix-sept ans, long comme un jour sans pain, maigre, des joues roses de minet. Seul son air décidé, pas froid aux yeux, pouvait faire penser qu'il avait l'âge requis. La pornographie à cette époque là c'était l'exubérance du printemps, les fleurs partout, et jouir trois fois par jour. En même temps un monde fermé, marginal, mafieux, vulgaire, violent. Proxénètes, vendeurs de came, voleurs de voiture. Un des amis de Florent qui habitait un rez-de-chaussée, vers République, avait un voisin de pallier qui était producteur de films pornos. Il l'avait retrouvé dans l'escalier, l'épaule pleine de sang. Un type était venu et lui avait tiré dessus. La pègre, des gens à ne pas fréquenter. Déguelasse la pornographie, c'est pour ça qu'on l'aime. Marginale et provoquante. Il avait fallu attendre Rocco Sifredi pour que les stars du porno deviennent des stars et pas des catins exploitées. Pour les gays, François Sagat, une idole. Magnifique et polyvalent, intéressant aussi. A raconter qu'il n'était pas naturellement du côté viril, plutôt folle. Il assume. Des photos avec des perruques blondes. Des sous-vêtements féminins. C'est l'industrie du porno qui l'avait poussé du côté viril, hyper viril. Masculin, féminin, j'y reviendrai. Bref l'industrie du porno devenait plus reluisante. Un rêve. Le royaume de l'éphémère tout de même. Difficile de faire durer. Pas plus long que la carrière d'un sportif. Au moins au moyen âge c'était vite réglé: mort à 25 ans. Pas de question. Une fois un des amants de Florent s'était vanté d'avoir baisé avec une porn star. Florent avait cherché des photos sur internet. Tu parles, il en restait rien de la pornstar, un vieux, fatigué, abimé. La descente, ça devait être dur. La reconversion. Vous avez fait quoi jusque là? Acteur de film porno...
La pornographie, une injonction. Elle avait fini par tout envahir, partout, tout le temps, disponible, sur le téléphone portable, Twitter, etc. Dans la vraie vie il fallait faire comme dans les films pornos, tout pareil. Fist, double pénétration, gorge profonde. Dans les débuts Florent était stressé: serais-je à la hauteur? Dur dés le départ. Pas de défaillance, hein? Il en tremblait. Puis le trac avait cessé. L'assurance, c'était la clef. La présence sur scène. Ensuite le grand jeu, le son, l'image, spectacle total, grand jeu d'acteur, inoubliable. Une émotion à vous faire fondre en larmes. Marquant. Envie tout de suite de revenir, pour voir une nouvelle fois le spectacle. Il en avait vu défiler des acteurs, celui qui était venu pour Noël et qui attendait les douze coups de minuit, celui qui, couché sur la table de la salle à manger, hurlait comme un cochon qu'on égorge au moment de jouir, si fort et si longtemps que toute la cage d'escalier avait du en profiter, celui qui se déshabillait sur le palier pour entrer en scène dans le plus simple appareil. Applaudissements à tout rompre! Un spectacle inoubliable! Mieux que le cirque avec les lions qui sautent dans un cerceau en flammes. Trapèze volant! La recherche de la perfection dans le plaisir charnel assume...

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