La question du genre

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« J'ai attendu chez lui les signes d'une évidente féminité grâce à quoi je l'eusse entièrement dominé". Genet excelle dans la confusion des genres en restant toujours sur le quai de la virilité, celui des marins, des marlous , des taulards, des voleurs, des assassins, des durs. Plus que tout autre, et bien tôt, il explore tout le champ des possibles de la vie des invertis, il met à profit la liberté immense de la littérature, vaste comme la mer.
Florent ne s'était jamais senti du côté des femmes même s'il avait eu son moment de gloire auprès d'elles. À six ans, il s'en souvenait très bien, il était amoureux d'une fille. Première et dernière fois. La première fois qu'il a regardé un garçon? Une reconstruction. Ce devait être peu avant la puberté, lorsqu'il s'était retrouvé à partager la chambre d'un moniteur de colonies de vacances. Il s'était cassé la jambe lors d'une de ses premières descentes au ski. Ses parents avaient donné leur accord pour qu'il "profite quand même du bon air de la montagne". La bonne blague. Plâtre jusqu'en haut de la cuisse il n'avait pas dû mettre beaucoup le pied dehors. Et c'est ainsi qu'il s'était retrouvé à partager la chambre d'un moniteur chargé de s'occuper de lui, de le transporter sur le trône en le prenant dans ses bras. En réalité il n'avait pas relié cet épisode à une émotion sexuelle. Ce sont ses parents qui, quelques années plus tard , émettront l'hypothèse qu'il avait été dévoyé par un instructeur. Ils faisaient l'amalgame entre homosexualite et pedophilie. La bonne blague. Florent avait alors repensé à cet épisode. Il s'était souvenu que le moniteur, impossible de se rappeler son prénom, évidemment, avait parlé dans son sommeil, la première nuit où ils avaient dormi dans la même pièce. Ou peut-être était-ce l'inverse. Ils en avaient parlé ensemble le lendemain matin et cela avait suffi à créer une intimité, presque une tendresse...
Alors, peut-être, oui c'était la première fois qu'il avait regardé un garçon. Pas certain non plus...
On trouve plus loin dans Le miracle de la rose:
"Ces marlous n'en finissaient pas d'être des femmes pour un autre plus fort et plus beau. Ils étaient femmes de moins en moins en s'éloignant de moi, jusqu'au marlou très pur, les dominant tous, celui qui trônait sur la galère..."
Florent ignora toujours ces catégories qui n'existaient que dans le regard des autres. Sa faible carcasse n'était faible que pour ceux qui auraient pu lui être hostiles. Il les tenait à distance. Protégé par un aréopage de filles qui buvaient ses paroles, par une maturité qui lui avait fait depuis longtemps quitter l'enfance, se mouvant avec aisance dans un monde d'hommes qui avaient entre 15 et 20 ans de plus que lui, les sources de danger étaient lointaines. Aucun garçon ne songeait à se moquer de lui, à le bousculer encore moins. Bien entendu il tomba amoureux d'un d'entre eux, mais il ne créa pas de difficulté, prenant ses sentiments pour l'amitié d'un garçon sensible.
Un autre téléphona chez lui pour lui déclarer son amour. Il ne s'y était pas attendu et dut répondre que ce sentiment n'était pas partagé, en quelques mots et sans se trahir, car le téléphone familial était situé dans l'entrée, à un endroit où tout le monde pouvait profiter de la conversation. Voilà le commerce qu'il eut avec les garçons de son âge.
"Ces princes et ces princesses de la haute impudeur, ces MARIE Antoinette, ces Lamballe étourdissantes dégagent des charmes qui me terrassent".
Une seule fois, pour une soirée, Florent s'était déguisé en femme. Fort mal. Comme tous les autres invités, il était passé chez Tati, qui était le fournisseur préféré des traves. Mais il n'avait pas osé acheter des chaussures de femme avec des talons hauts. Ce n'est que lors de la soirée qu'il emprunta à une "copine" des talons aiguille rouges dans lesquels il se trouva à son aise et dansa toute la soirée.
Mais ce n'était rien de plus qu'un déguisement et un amusement qu'il associait à l'enfance. Il avait déjà passé l'âge ou on essaye diverses mises et apparences pour découvrir dans le regard des autres sa véritable identité.
Et pourquoi la ligne entre féminin et masculin aurait encore du sens? Les femmes revendiquent avec raison les mêmes qualités et les mêmes défauts que les hommes.
Florent était devenu plus viril avec l'âge? Encore un discours venu de l'extérieur, un point de vue étranger. La vérité est qu'il avait reconquis une estime de soi mise en miettes par une famille vénéneuse et homophobe, une société qui imposait encore le voile à sa nature profonde. Rien à voir avec un comportement "féminin" ou  à l'inverse un comportement viril.
Un homme qu'il croisait dans le métro, et qu'il finit par reconnaître, le poursuivit un moment sur les réseaux. Florent l'invita à l'aborder. Mais l'homme n'osa pas.
"Tu ressembles trop à un gros cadre de Bercy, ou quelque chose dans le genre".
Florent était maintenant rendu à l'autre extrémité et la rivière qu'il avait traversée à la nage était large. Il était désormais loin de l'inverti, frêle et indécis. Ainsi on qualifiait d'homme viril celui qui avait été une tapette à ne pas trop laisser traîner chez les durs de la banlieue qui l'auraient provoqué, bousculé, insulté, tabassé, laissé pour mort dans un coin sombre de la cité.
La question du genre! Toute sa vie il l'avait passée à remonter la pente. Tu n'es qu'une femme mon fils! Mais non regarde. Je te le redis, tu n'es qu'une fiotte, moins qu'une femme. Toute sa vie à remonter la pente. Bien droit, du sport, compétition, pas souvent premier mais quand même! Très beau parcours! Il s'en souvenait encore. Passé devant tout le monde, même la jolie jument gris pommelée, Lolipop. Médailles d'or, il en avait. Pas beaucoup, mais des prix aussi. La rage de vaincre. Se tenir droit, le regard perçant, dur, cassant, oui Monsieur. De l'autorité, de la fermeté, intraitable, inflexible, ou séducteur, il jouait sur les deux registres. Un effort de toute une vie. Et là son ami Gerard qui admire d'abord, puis le débine. Viril? Passé de mode! Ringard! Vieux! Ce qui est moderne c'est d'être androgyne, féminin, folle, drag queen. J'en connais...Ah bon, mais comment est-ce possible? Queer, post moderne, déstructuré. La fin de l'histoire. Encore? Soirée Queer ou soirée cuir? A n'y plus rien comprendre! Des chapelles! Tu ne seras ni homme ni femme, autre chose! A toi d'inventer! Si tu as la force...Mou, mou du genou, et de tout! C'est ce qu'il lui reprochait a Gérard . Pas de suite dans les idées. De la fuite dans les idées ça oui! Revenir de tout, et du reste? Bon il reconnaissait, vouloir être un homme c'est pas un objectif...Mais une guimauve? Vous tombez sur un truc mou, il vous faut du dur! Contraste! En cuisine on sait ça! Et il est où le dur? Non, que des sables mouvants! Enfin c'est comme les arts plastiques on déstructure, on s'enfonce toujours plus avant vers l'abstrait, le conceptuel. Et à la fin il reste quoi? Plus de repères rien, que des sensations. Mais si écoute! Quoi, le bruit de ton cul? Passe encore...Non merci? Alors quoi? Tu vois bien le mal qu'ils ont, les abstraits, à remonter la pente, après le grand canyon de leurs aînés. L'art ne nous mènera nulle part? Et La science alors...
Non, mais là je m'égare, même je vous promène...redevenons sérieux. La question du genre nous disions. Tom Daley et son mari Dustin Lance Black ont décide d'élever leur fils Robbie en évitant les stéréotypes de genre. Ils ont décidé de lui apprendre l'histoire du peuple queer. Pour autant qu'elle soit connue...Enfin eux la connaissent,elle fait partie de leur patrimoine génétique...ils ont raison, tous un peu fille, un peu garçon. Un rêve mondialiste? Encore une autre question...

Gay Paris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant