Comment ce qui était caché, secret, privé, devient public et connu de tous? La société entière nous murmure qu'elle ne nous aime pas, que ce que nous faisons en privé et même parfois en public la dégoûte. Et il faudrait lui avouer ce que nous sommes, expliquer et donner à montrer sans relâche? Il le faut quoi qu'il en coûte? Sans doute, car comment obtenir la visibilité? Et bientôt la reconnaissance en dépit du mystère qui perdure? Florent naturellement s'était posé cette question. Son premier pas, et non des moindres, était d'abord de ne jamais renoncer au style de vie qu'il avait choisi, de vivre toujours suivant sa vraie nature. Ainsi lorsque Elisabeth, alors qu'il était étudiant, lui avait avoué son amour, il l'avait éconduite, et il avait été bien surpris lorsque son ami Jean-Pierre, sur lequel elle avait ensuite jeté son dévolu, avait accepté l'aventure. L'affaire n'avait pas duré bien longtemps. À quoi bon? Il n'avait pas posé la question, ni à l'une ni à l'autre. Vie privée, choix personnel.
Entré dans la vie active, Florent préféra d'abord écouter plutôt que parler. Comment, ayant mesuré toute l'hostilité du monde à l'égard de son mode de vie, pouvait-il imaginer raconter à chacun une vérité crue que personne ne voulait entendre. Mais comme d'un autre côté il ne voulait pas renoncer à être pleinement celui qu'il était, il y eut quelques télescopages. Alors qu'il travaillait pour une grande compagnie d'assurance, un garçon qui travaillait sur le même plateau lui fit livrer à son domicile un énorme bouquet de roses. Le bouquet de roses soulignait que la nouvelle s'était répandue, qu'elle était presque publique, sans doute par un autre garçon qui partageait avec Florent des activités sportives dans une association Gay et travaillait lui aussi dans cette compagnie d'assurance. Il n'avait pu se retenir de laisser glisser cette information à propos de Florent qui occupait une position d'autorité dans la compagnie. Outing disent les anglais. Dénonciation? Un bien grand mot. Il avait laissé glisser l'information et elle s'était répandue voilà tout. Il n'en reste pas moins que des collègues mal intentionnés faisaient maintenant des sous-entendus en réunion. La position devenait désagréable. Rien de tel pour les hétérosexuels. Eux peuvent allègrement franchir les frontières, dépasser les bornes. Enfin je vous parle de ça avant que les femmes se rebellent. À l'époque le patron de Florent s'était renseigné pour savoir s'il pouvait s'envoyer sa secrétaire. Ce gros porc avait demandé si son prédécesseur la baisait. En gros si le droit de cuissage faisait partie de son package. Pas de mélange entre le sexe et la vie de bureau? Ça dépend pour qui. Règles à géométrie variable. Coming out? Aveu. Avouez vos fautes vous serez pardonné. Des clous! Les premiers footballeurs à l'avoir fait s'en sont mordu les doigts. Les noirs se font bien traiter de singes, alors vous pensez!
Quand Florent avait changé d'entreprise son nouveau patron lui avait déclaré, lors d'un trajet en voiture, que le Directeur export était le seul pede qu'il supportait. Sympa pour Florent! Vous passerez le bonjour à votre charmante épouse lançait le patron lorsqu'il téléphonait le dimanche. Florent se gardait bien de démentir.
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Gay Paris
General FictionGeorges CHAUNCEY n'a pas encore publié la suite de Gay New York. Le personnage de cette biographie a tant attendu ce deuxième tome. Il désespère. Alors il a écrit une histoire, sur le dos ce qu'il a vécu. Regard personnel mais aussi réflexion socio...