Chapitre 10 : Kerberos

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Au fil des jours, Elwen continua de jouer une jeune femme, invisible aux yeux de tous. Les jumeaux avaient trouvé un travail dans une ferme, ils y gagnaient très peu d'argent mais rien d'autre n'était à leur portée. Quant à lui, Legolas demeura quelques jours sans emploi, personne ne voulait se fier à lui. Ses longs cheveux d'or et son regard de glace dissuadaient tout employeur.

Ce n'est que quelques semaines plus tard qu'arriva la solution à ce problème. Un homme l'embaucha pour dresser des chevaux, son appartenance elfique le valorisant soudainement. Legolas aimait ce travail mais la paye n'était pas suffisante pour qu'il se contente de cela. Il devint palefrenier et travailla comme garçon de ferme, faisant toutes les corvées.

La vie continua ainsi, Elwen se levant bien avant l'aube, servant les clients en parcourant à longueur de journée la grande salle, un plateau calé contre sa hanche. Les jumeaux revenaient exténués de leur journée de labeur mais gardaient tout de même assez de force pour rire de tout.

Un mois passa mais l'argent amassé n'était jamais suffisant : il leur fallait des vivres et des chevaux pour espérer regagner Imladris. Un soir, Elwen trouva Elladan assis sur son lit, l'attendant dans sa toute petite chambre sous les toits. Il avait le regard vide de fatigue et sa posture témoignait presque d'un abattement. C'était mal connaître les elfes, jamais l'un des leurs ne souffrirait de la fatigue simplement causé par le labeur des Hommes. Cependant, Elwen ne faisait pas partie de cette classe et la fatigue commençait à la ronger

Elle s'approcha de son ami qui était assis, les coudes sur les genoux en train de fixer sans ciller ses doigts. Il leva la tête quand elle entra et lui sourit.

- « Ca ne peut plus durer ... » murmura t-il quand elle s'assit à ses côtés.

Elwen resta silencieuse, qui avait-il à répondre ? Elle était la première touchée par ce travail « forcé ».

- « Chaque jour, le travail nous épuise un peu plus. Il faut que nous partions dans les prochaines  semaines sinon je crains qu'il nous sera impossible de la faire. »

- « Et que proposes-tu ? Doubler la charge de travail ? S'épuiser à la tâche ? »

- « Tu vas aller demander un salaire entier à M.Romuald. Nous allons tous quitter l'auberge, nous dormirons dehors. »

- « Et tu crois que se priver de toit va nous faire économiser combien ? Il faut voir la réalité en face, Elladan, nous n'y arriverons jamais. Quatre chevaux, des vivres et des armes, il faut plusieurs dizaines de mois pour se payer ça. »

Il y avait dans son ton quelque chose de fataliste qui sembla ébranler Elladan. Il releva la tête vers elle qui s'était allongée sur le lit, les jambes encore à terre. Son visage vers le plafond et ses yeux fermés creusaient son visage, faisant apparaître de grandes cernes.

- « Il ne faut pas dire ça ... Nous allons bien réussir à repartir. Ce n'est qu'une question de temps. »

- « L'un de nous pourrait s'acheter des provisions et une monture pour rejoindre Imladris et revenir avec de l'argent. » souffla t-elle.

- « Cela prendrait quoi ? Cinq mois au minimum ? On en deviendrait tous fous ... »

- « Mais cela reste une éventualité dans mon esprit ... comme dans le tien. J'ai déjà travailler à ce rythme plus longtemps que ça et les elfes se fatiguent moins vite. »

Elle avait gardé les yeux fermé mais elle sentit son ami se tourner vers elle. Elladan avait beau dire, elle savait qu'au fond de lui, il avait envisagé cette possibilité. Cela faisait quelques semaines déjà qu'Elwen avait pensé à cette éventualité et cette perspective restait bien nette dans son esprit.

La fille qui n'avait plus d'espoir | Tome 1 : Celle qui fuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant