Elwen se réveilla frigorifiée sous le ciel noir, aucune étoile n'était visible. D'épais nuages couvraient la cime des arbres. Elle avait l'impression que ses jambes avaient rouillé pendant la nuit tant elles étaient douloureuses. Un instant elle ne sut plus ce qu'elle faisait là. Etait-ce un rêve ? Le rire de Penya résonna dans son esprit, lui rappelant subitement qu'elle était non plus enfermée dans un cachot humide, mais sur la côte.
Elwen ne le savait pas encore, mais ces années enfermées seules avec ses pensées allaient avoir des effets absolument désastreux. Comment vivre si les morts se rappellent à vous chaque nuit ? Comment penser quand leurs paroles de reproche tournent en boucle dans votre esprit ? Quelques mois de plus et elle serait assurément devenue folle. C'était triste à dire ... Ilestelwen était son propre poison, celui qui la tuait à petit feu.
L'elfe resta éveillée jusqu'à l'aube, tenant sa tête entre ses mains, priant pour que ses fantômes la laissent en paix une journée de plus. Une toute petite journée de plus.
Elle voulait être elle-même lorsqu'elle irait à nouveau jouer avec Penya, jamais elle ne laisserait Ilestelwen prendre le dessus face à cette enfant. Lorsque le soleil commença à se lever, Elwen descendit de son arbre et marcha jusqu'à la cabane. Elle y détacha sa monture et grimpa sur son dos.
Lentement, au même rythme que l'obscurité diminuait, elle sortit du bois au pas et se dirigea vers la ville bordée par l'océan. Le port grouillait déjà de ménagères aux paniers bien remplis et de vendeurs souriants.Cette ébullition avait quelque chose de nostalgique et merveilleux.
Elwen descendit de sa monture lentement, observant autour d'elle les passants et les rues. Les étalages étaient un peu dégarnis, mais personne ne semblait y faire attention. L'elfe se dirigea vers l'extrémité du marché, là où un grand enclos entourait des dizaines de chevaux.
Elle s'approcha lentement, attendant de voir surgir le vendeur d'une seconde à l'autre. Mais lorsqu'elle put poser une main sur la barrière de bois, personne ne s'était encore présenté. Plusieurs minutes passèrent, Elwen n'osait pas héler quelqu'un de peur de se faire remarquer.
Une jeune femme blonde trottina vers elle, ses joues rondes relevées en un sourire superbe. Elle avait relevé ses cheveux emmêlés en un énorme chignon au dessus de sa nuque. Ses grands yeux noirs pétillaient étrangement et ses dents écartées étaient presque attendrissantes. Elle devait être à peine plus âgée que Elorna.
«Pardon de vous avoir fait attendre ! Je faisais ma livraison du jour, cria t-elle en enjambant la clôture. Vous désirez ?
- Vous vendre ce cheval.»
La jeune femme ouvrit alors la porte de l'enclos, laissant entrer l'elfe et sa monture. Elle examina consciencieusement l'animal, vérifiant l'état de ses dents, de ses sabots, de son dos.
«Il est assez âgé et sauvage ... et il semble exténué, souffla-t-elle.
- Nous venons de faire une très longue route, il doit encore en souffrir. Mais il a l'avantage d'être très performant et endurant. C'est une bonne bête.
- Je ne suis pas sûre de pouvoir vous en donner beaucoup ... Des chevaux comme ça j'en reçois tous les jours, et peut-être même en meilleure forme.
- Combien ? assena tout de même l'elfe, ses sourcils se fronçant.
- Cinq pièces, au maximum. Il est si faible qu'il ne vaut presque rien.»
Elwen resta pensive un instant avant de regarder l'étal qui bordait l'enclos, un boucher qui étendait les carcasses à la vue de tous.
«J'en obtiendrais peut-être deux fois plus avec votre voisin.» murmura-t-elle.
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La fille qui n'avait plus d'espoir | Tome 1 : Celle qui fuit
Hayran KurguArda est une terre impitoyable pour ceux que l'on ne nomme pas héros. Et la seule justice de cette terre est celle des Valar. Alors, elle se demande : quand viendra son tour de payer ? Elle se tient face à eux, face à ce passé qui lui fait si peur...