Chapitre 28 : La Guerrière Noire

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 Elorna dormait depuis une quinzaine d'heures, son enfant endormie à ses côtés dans un berceau de fortune. De temps à autre, la jeune femme se levait pour allaiter sa fille. Son infinie précaution était la chose la plus remarquable qu'Elwen ait jamais vu.

Cette mère n'avait pas désiré ni aimé cet enfant mais elle mettait tout en œuvre pour ne pas lui montrer. Le temps semblait s'arrêter, il n'y avait plus qu'elles.

Penya. Elorna. Elwen.

Elwen. Elorna. Penya.

Comme si tout le monde s'était arrêté de tourner, comme si les rues s'étaient subitement tues pour laisser à cette vie le temps de s'habituer au bruit du monde. Arda était muette devant cette enfant, taisant les crimes et les horreurs quotidiennes.

Mais la réalité revint bien vite à elles lorsque Elwen s'aperçut que leurs vivres diminuaient à vue d'oeil. Le coeur gros, elle porta un dernier regard sur Elorna près du feu en train de bercer délicatement le minuscule être aux cheveux déjà flamboyants.

Elle poussa la porte de l'auberge et inspira profondément l'air chaud de la ville. Une peur nouvelle avait naquis au creux de son ventre, celle d'abandonner son amie pour la prison. Elle exerçait une activité dangereuse dans une ville sans pitié. Elle ne pouvait promettre à Elorna de revenir avant la nuit.

C'était peut être la dernière fois qu'elle posait les yeux sur cette scène alors elle prit tout son temps pour graver chaque détail de leur deux corps l'un contre l'autre.

Le soleil était haut dans le ciel, il tapait fort et les auberges s'étaient remplies rapidement. Elwen marcha quelques minutes, longeant les murs à la recherche d'un peu d'ombre et de l'abri des regards. Elle évita les patrouilles de gardes circulant sur la rue principale.

Cette ville était construite sur la butte naturelle. Une grande rue séparait la cité en deux, partant des grandes portes à la base du dôme et rejoignant le sommet de la colline. Un immense manoir dominait les rues. De loin, on n'aurait vu qu' une grande ville en forme de dôme, une allée la coupant en deux.

Elwen descendit vers la base de la ville, cherchant une auberge suffisamment fréquentée pour y passer inaperçue. De la musique sortait des fenêtres ouvertes d'un établissement bondé. C'était l'endroit parfait. L'endroit où personne ne remarquerait cette femme si étrange à la chevelure flamboyante. Les clients étaient déjà trop imbibés d'alcool pour ne serait-ce que pour noter sa présence.

C'est au milieu de toute cette vie, de toute cette agitation qu'elle ne toucherait que du doigt, qu'elle transperça la foule. Les gens semblaient s'écarter d'eux même, elle faisait peur, elle n'était pas comme les autres, tellement différente.

Le bruit autour d'elle ne l'atteignait pas. Le silence avait pris sa place. Elwen évaluait chaque détail avec un infinie précision, cherchant la cible parfaite.

Ne prends aucun risque.

Tu le regretteras, comme tout le reste.

Cette voix ne la quittait plus, collant à sa peau, s'emmêlant dans ses cheveux. Près du feu, un homme d'une quarantaine d'années dormait profondément, inconscient du bruit autour de lui. Sa tête appuyée sur sa main témoignait de la quantité d'alcool ingérée.

Elwen s'approcha de lui, ses yeux cherchant où il cachait son argent. À ses pieds, un sac de toile semblait contenir tous ses effets personnels. Elle défit avec précaution le cordon qui maintenait le sac fermé. Personne ne l'avait remarqué.

La sueur commença à couler sur son front tant sa concentration était intense. Le feu se reflétait doucement dans ses yeux. D'une main, elle ouvrit le sac et fouilla dedans. Ses doigts trouvèrent une bourse pleine. En une seconde, elle s'en saisit et fit demi tour.

La fille qui n'avait plus d'espoir | Tome 1 : Celle qui fuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant