Chapitre 10

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- Je vous invite à venir manger dans un restaurant, mademoiselle Nikos. Affirma Giovanni avec son accent sicilien qui ne donnait aucune réplique possible.

Cependant ce n'était pas l'avis de la jeune femme, réputée pour être assez méfiante. Elle réussit à dégager ses fines mains de son emprise et les cacha en vitesse derrière son dos. Puis son faciès devint blanc car la pensée qu'il put l'enlever, la faisait paniquer. Elle connaissait par cœur les recoins de son atelier et seule la porte de sortie permettait un accès vers l'extérieur ; ou sinon démolir une fenêtre mais...

- Je vous le jure que mon dessein n'est pas de vous faire du mal mais simplement de passer un repas tranquille. Persista-t'il d'une sonorité plus légère.

Elle ne paraissait pas tout à fait en confiance mais relâcha tout de même sa crispation visible sur son visage. Alors ingénieuse, sa main vint se munir de son téléphone portable puis le manipula âpre quelques secondes, elle le rangea.

- Bien je vous suis mais apprenez mon cher que mon amie Charline est au courant et qu'à la moindre alerte, la police est à vos trousses. L'informa-t'elle le menton levé bien haut pour lui montrer son ingéniosité qui brillait dans son regard d'encre.

- Sachez que je ne désire rien d'autre que votre compagnie pour un repas auquel vous-même auriez été seule. N'est-ce pas ? De sa large main halée, il désigna la sortie, le faciès stoïque.

Elle ne rétorqua rien et fit semblant de n'avoir entendu sa phrase pendant que munit de son sac elle prenait la direction de la porte. Si elle s'était retournée, ses yeux auraient pu voir la lueur amusée briller dans les ténèbres des iris du sicilien. Après avoir verrouillé l'atelier, elle se plaça à côté de Giovanni et celui-ci en profita pour glisser sa main contre la courbe de son dos. Aussitôt elle tenta d'accélérer mais son pas n'était pas assez rapide pour retirer sa poigne. Alors Perla abdiqua et laissa cette main la guider à travers les rues touristiques d'Athènes.
Ce geste avait ce petit quelque chose de rassurant, comme si rien ne pouvait l'atteindre au côté du séduisant mâle. Finalement son corp s'habituait à cette poigne directive ainsi que protectrice.

Ils pénétrèrent dans un restaurant de rue qui faisait de la cuisine italienne, le lieu était encore peu fréquenté par les touristes pour la grande joie de la grecque qui aimait le calme. Le mobilier intérieur n'avait rien d'extraordinaire mais était très accueillant à l'image de l'homme qui vint à leur rencontre.

- Bonjour madame, monsieur, avez-vous réservé une table ?

Giovanni répondit par une négation, manifesta son désir d'être dans un coin tranquille près d'un fenêtre si possible. Certainement grâce à sa autorité naturelle, le restaurateur se dépêcha de leurs trouver une place.

- Vous faites peur à tout le monde, souriez un peu sa vous changera. Murmura la jeune femme après s'être assise et que le serveur est disparu au cuisine.

Il posa ses coudes contre la nappe rouge pour cacher sa bouche de ses poings. Sa vision perçait entièrement son interlocutrice si bien qu'il trouva sa gêne dans sa gestuelle. Elle se dandinait sur son siège sans savoir que faire face à son attention fixé sur elle.

- Je n'ai guère l'intention de paraître gentil, si au contraire je suis féroce, riposta-t'il en plissant son regard dans le but de souligner ces dires.

- Dans ce cas pourquoi m'avoir invitée alors que vous affirmer ne pas vouloir me faire du mal.

Prête à faire demi-tour Perla saisissait déjà son sac posé à terre quand une poigne ferme l'obligea à rester à sa place ; et que des yeux ébènes se crispèrent sous l'agacement.

- Restez ici ! Jamais je ne vous ferrai une quelconque égratignure, j'en suis bien incapable. Et que vous le sachiez auparavant ou pas, je n'ai pas toujours été un citoyen modèle mais j'ai toujours respecté les femmes pour oser faire quoique ce soit. Pourtant quelques fois elles auraient mérité une belle remontrance...

La brune resta de marbre mais se dégagea toutefois avec vitesse de cette source de chaleur trop importante.

- Tant mieux, car les hommes qui frappent les femmes sont de véritable monstres, renchérit-elle, le visage devenant sévère.

Désireux de changer de sujet pour ne pas dévier vers un sujet plus épineux, le trentenaire embraya sur un domaine plus soft.

- Racontez-moi d'où provient votre passion pour la couture.

Sans ce faire prier, Perla évoqua l'origine de cette passion, l'esprit ailleurs tout à coup comme si la jeune femme revivait cela.

- He bien... très jeune ma grand-mère m'a appris les bases, c'est elle qui m'a montré le fonctionnement d'une machine à coudre et toutes ces astuces. J'ai pu donc bénéficier d'une professeur exceptionnel qui m'aidait pour confectionner avec facilité de jolies habits pour mes poupées. Puis au fur et à mesure, cela a été des vêtements pour mes proches en parallèle avec mes cours. Et au final, j'ai fini par arrêter ma future carrière d'institutrice pour me plonger complètement dans ma passion.

Durant tout ce récit, son visage était devenu brillant comme saisit par un pétillement de félicité.

- Votre grand-mère doit être fière de vous j'imagine ?

D'emblée son expression changea en une mine plus renfermée voir remplie d'une soudaine tristesse. Pourtant malgré son regard fuyant, il perçut des perles près à glisser sur ses joues cependant d'un rapide geste de main elles disparurent.

- Elle nous a quitté, il y a plusieurs années, chuchota-t'elle d'une voix mélancolique qui reflétait toute la douleur que ressentait son âme.

- Toutes mes condoléances, Perla. Murmura instantanément Giovanni qui lui attrapa ses mains pour les cajoler, lui montrant toute sa compassion par ce geste. Consoler les personnes n'était pas son fort pourtant c'était avec un naturel déconcertant qu'il fit des ronds doux sur sa peau halée.

- Elle était tout pour moi... finit-elle par dire en laissant couler ses larmes sur ses joues, le visage baissé, elle espérait que son interlocuteur ne remarquerait rien ; ni ses reniflements répétés.

Alors c'était muni d'une délicatesse infinie, que l'index ainsi que le majeur tatoués vinrent relever le menton de la brune. Malgré ses yeux noirs entourés de traces rouges, elle restait toujours délicieuse à observer. A l'aide de son autre main, il écrasa les larmes pour les faire disparaître comme si elles n'avaient jamais existé. La jeune femme n'essaya même pas de dévier son attention de l'homme mais planta son regard directement dans celui-ci.

Malgré les apparences petits à petits Giovanni réussissait à briser la coque construite autour d'elle. Il s'attachait de plus en plus à ce petit bout de femme qui devenait une obsession irrésistible. Et cette dernière rêvait au plus profond de son être, d'un homme digne de ce nom la face devenir une femme comblée.

Fratelli siciliani_Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant