Les étoiles brillaient fort dans son ciel à présent.
Léopoldine pouvait presque les toucher,
cristallines,
et de chaque grelot tombait une note.Ç'avait été son meilleur anniversaire.
Peut-être parce qu'elle en avait plus besoin
que jamais. Elle avait occupé des pensées,
elle qui ne laissait qu'une empreinte si faible.
Même, chose insensée, elle avait inspiré
des élans de création : un livre, un dessin,
une surprise, un jeu de pistes, une danse.Cela faisait un bout de temps qu'elle ne s'était
plus amusée de la sorte, si simplement.Premier filet. pianissimo
Manuela, surtout, n'avait pas disparu.
Elle avait organisé tout ça, juste pour elle,
(avec Sam qui ne l'avait pas non plus laissée).Alors Léo sentit que c'était à son tour
de renouer leur amitié effilochée,
de sortir un peu de son mutisme inquiétant.« Ça m'avait trop manqué, une après-midi entre filles, comme ça. déclara Emma, surmontant l'hilarité.
-Moi aussi, tu m'avais manqué. Je voulais m'excuser, Emma.
-T'excuser ? Mais pour quoi donc Léo ? »
La jeune fille prit une grande inspiration.
« Tu te souviens, vers la fin de novembre, quand je me suis levée brutalement de table en disant que je savais pas si tu restais avec moi parce que j'étais ton amie ou si tu me supportais juste pour être gentille ?
-Oulà, ça me dit quelque chose, comme ça, mais sans plus, j'avais un peu oublié.
-Moi je ne sais pas oublier. J'y pense souvent et je regrette. J'ai pas trop réfléchi, je voulais pas que ça nous éloigne ou que ça te fasse du mal. C'est juste que...
-Mais Léo, voyons ! Ça n'a rien changé ! Je ne m'en souvenais même plus, t'as pas besoin de t'expliquer !
-Mais je veux expliquer. insista Léo, rassemblant du courage.
-Alors dis-moi.
-Voilà, j'ai réagi un peu brutalement parce que j'aime pas qu'on dise que je suis surdouée ou des trucs dans le genre.
-Oh, pardon, Léo, j'avais pas réalisé...
-J'aime vraiment pas ça. C'est même pas... vrai. Je suis pas tellement... douée. En fait j'ai souvent l'impression d'être stupide. De ne jamais rien comprendre. De vivre sur une autre planète avec des lois et des vérités différentes. Il y a tant de choses que je ne saisis pas...
-C'est pas grave, Léo. Tu apprends, comme tout le monde. À ton rythme.
-Merci, Manuela. Je veux dire... je veux apprendre. Même si mon frère et ma sœur disent que je fais pas d'efforts. En fait, les livres m'aident, quelque part. À essayer de comprendre les gens. Mais dire que je suis surdouée... c'est comme si ça niait tout mon travail... dans tous les domaines.
-Mais tu m'as toujours dit que tout était si terriblement facile pour toi que tu t'ennuyais...
-Les cours sont d'un ennui mortel, quand je peux pas aller plus loin parce que je comprends vite. Mais c'est pas ça qui est horrible. Si j'occupe pas mon cerveau, je ne fais que penser à tout ce que je ne sais pas. Je ne sais pas comment me tenir ou aborder les gens ou manger correctement en public. En fait on est inversées. Moi je dois faire des efforts pour les choses qui te semblent évidentes
-Je n'y avais pas pensé comme ça. Ça me semble si banal, toutes ces choses...
-Elles ne le sont pas. Et puis, surtout, il y a le violon. J'ai pas de... talent pour le violon. Je déteste ce mot : « talent ». C'est bête, ça fait croire qu'on ne peut faire des choses bien qu'en naissant avec un « don ». Qu'on ne doit faire que les choses pour lesquelles on est doué•es. Je veux pas avoir facile, tu comprends, Emma ? Pour le violon, je dois travailler, m'entraîner, me dévouer. Comme tout le monde. Et même si c'est pas facile, même si j'ai mal aux doigts, même si parfois j'ai enfin de le ranger dans un coin et plus jamais y toucher tellement je n'en tire rien... même comme ça je reviens et je recommence jusqu'à exprimer ce que je veux. Alors dire que je suis surdouée, que c'est pour ça que j'ai des beaux points ou que je joue bien... en fait c'est comme si moi je ne faisais rien du tout. Comme si je ne méritais rien du tout, parce que ce n'est pas moi, juste de la « chance ».
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QU'ART'Z
Novela Juvenil• le monde a plus de facettes que tu ne crois • SAMUEL se cache derrière l'objectif d'un appareil photo pour ne pas pétrifier du regard JUN JINZAI consigne les mots dans un carnet noir aux bords cornés MÉLISSA cherche toujours un pinceau dans ses...