3 • MÉLISSA • d'un rouge

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Même après un an, il y avait parfois cette angoisse qui comprimait son cœur. Quelque chose de vert-noir qui se diffusait dans sa poitrine et prenait sa gorge à pleines mains. Quelque chose qui arriverait encore à la faire vomir ou pleurer. Un tremblement jaunâtre qui pourrait l'arracher à elle-même dans l'angoisse la plus primaire.

Mélissa ravala. Elle vérifia dans le miroir que sa silhouette était bien en place puis appliqua le rouge sur ses lèvres. Rouge affirmation. Rouge défi. Rouge reprise-en-charge.

Une porte de cabine s'ouvrit doucement avec un couinement de souris. Une fille en sortit. Elles se croisèrent dans le miroir.

L'autre était surprise, minuscule, prête à retourner se cacher derrière la porte. Sa peau pâle et ses courts cheveux d'un blond lunaire formaient un contraste saisissant avec sa propre peau de terreau frais. Les joues de la fille volèrent leur couleur à ses lèvres. Elle semblait pétrifiée sur place, se rendant compte d'un air blême qu'elle n'avait pas tiré la chasse mais elle traînait piteusement son sac de sport avec son sac de cours.

Le silence devenait mauve.

« T'en fais pas, sourit soyeusement Mélissa. Moi aussi je me change aux toilettes.

-Toi ? Mais tu es jolie. »

Son regard n'osait pas se poser sur elle. Elle devint encore plus rouge et se dirigea vers la sortie, son corps fuyant comme ses yeux.

« Merci. Mais mon corps n'est pas l'affaire des autres, c'est tout. »

La petite s'arrêta, comme sentant le besoin de se justifier.

« Je veux juste pas me changer devant des yeux. J'aime pas. Je... c'est tout. »

Elle se lava frénétiquement les mains. Elle dégageait un lilas cendré, comme des lavandes pas encore écloses. Mais la blancheur de sa peau exhalait un faible souffle noir.

« Il n'y a pas de problème, tu sais. Tu t'appelles comment ?

-Léopoldine Chevallier. J'ai cours de maths.

-Je ne te retiens pas. Je m'appelle Mélissa.

-D'accord. »

Aussi simple que ça, elle s'enfuit. C'était une petite souris. Mélissa prit une grande inspiration, regarda le miroir et le rouge lui donna le courage de retourner au milieu des autres.

Elle croisa à nouveau la petite, une heure plus tard, dans les couloirs. Elle pendait à côté d'une fille à l'imposante présence rose-orange apaisant. Celle-ci lui accorda un regard et un sourire, reconnaissant une sœur à la couleur de sa peau. Léopoldine avait perdu ses yeux dans la poussière grise du sol et Mélissa se dépêcha d'atteindre la classe d'anglais.

La couleur égayait la triste marge de la feuille quadrillée et un visage rouge émergeait de ce néant méticuleux.

Des doigts noueux se posèrent sur la table, à quelques centimètres du nez à peine ébauché.

"And could you tell me what is person's B worst fear?" s'imposa la voix du professeur, infléchie par un sourcil réprobateur.

Mellie le toisa en silence, son crayon oscillant autour de la réponse correcte qu'il voyait bien inscrite sur sa feuille. Le professeur ne cilla pas.

"Spiders, sir."

"I don't think the class heard you."

"Spiders, sir."

"It is indeed correct. But save the graffiti for the arts class."

Save the stupid questions for the stupid students.

QU'ART'ZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant