Samuel savait que cette lourdeur n'était pas seulement due au repas. C'était le même vide ronflant que tous les samedis après-midi.
Les semaines étaient un calvaire cérébral à travers lequel il se traînait. Il n'en échappait que pour aller nager de temps en temps et implorait le weekend. Mais le samedi, juste après avoir mangé, la vanité de cette existence l'étranglait. S'il se repenchait sur ses devoirs, il allait déchirer les feuilles. De toute façon, il aurait le temps demain. Manuela était partie pour une répétition de théâtre pour sa pièce secondaire ou il ne savait trop quoi. Ses parents paraissaient fort occupés de ce qu'il voyait de son errance dans le salon. De toute façon, il n'avait envie de voir personne, il devait déjà supporter bien assez de gens stupides la semaine à l'école. Il n'avait pas envie de lire, ni de regarder un film ou jouer à un jeu vidéo à se déchirer les yeux. Bella câlinait son père dans le jardin et cette vue emplit son cœur de jalousie. Alors quoi ? Quoi ? À dire vrai, toutes ses options l'emplissaient d'un dégoût variable, et les nuages fades agglutinés devant le soleil pour lui voler la chaleur n'aidaient pas.
Il voulait juste qu'il lui arrive un truc exceptionnel qui éclaterait cette monotonie. Son cœur le tiraillait de l'appel de quelque chose de plus passionnant. Quelque chose d'intéressant ou de beau, semé d'indices cachés. Il était prêt pour aller explorer les merveilles du monde, il le savait. Il y avait tant à faire ! Tant à expérimenter ! Et il en apprenait tous les jours dans ses documentaires et ses encyclopédies du vivant, assez pour se lancer à l'assaut de la nature. Mais ce n'était pas possible dans cette petite ville ridicule. Et encore, s'il habitait sur Namur... mais non, il était coincé à Jambes.
Bien sûr, il y avait Mélissa. Elle avait accepté, pour les photos. Mais pas avant les vacances de Toussaint. Toussaint ! Alors qu'Octobre était à peine entamé !La lumière ne serait même pas aussi belle à la Toussaint, si elle daignait se montrer. Pour une fois qu'il allait faire des portraits intéressants... Son maquillage était original et coloré, comme ces poissons magnifiques qu'on ne trouvait que sous les tropiques. L'ambiguïté de son visage faisait d'elle un modèle fascinant, bien loin des figures pâles et squelettiques d'une féminité banale, vue et revue. Mais qu'allait-il donc faire jusqu'à la Toussaint ? Si seulement un de ses voisins mourrait dans un étrange assassinat... La vieille qui insultait la langue des signes et son accent, par exemple. S'il la voyait encore une fois parler de « langage des sourds » il jurait qu'il serait la cause de son étrange assassinat.
Sa mère gigota face à lui.
« Si tu continues à tourner partout, je vais devenir folle. signa-t-elle.
-N'as-tu pas des devoirs à faire, Sammy ? Enfin, c'est vrai, tu as encore demain. » rajouta son père face à son regard tueur.
Il avait délaissé ses bottes de jardinage sur le paillasson et bloqué l'entrée à une Bella dépitée, la balle dans la gueule.
« Va plutôt aider ta mère à préparer le goûter.
-Je ne veux pas qu'on salisse ma cuisine. » avertit sa mère en question, bloquant fermement l'entrée de la précieuse salle.
« Préparer le goûter ? reprit-il dans sa propre langue. Pour quoi faire ? Il est deux heures.
-Samuel, je l'ai dit mille fois. s'exaspéra Sylvia avant d'abandonner la LSFB. Les Riverra viennent goûter puis prendre l'apéro mais ils vont sûrement accepter de souper avec nous.
-Il en est hors de question. Tout mais pas ça. Leur fille vient ?
-Non, elle avait une fête. Mais ça te fera un bon entraînement pour les conversations à plusieurs, non ?
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QU'ART'Z
Fiksi Remaja• le monde a plus de facettes que tu ne crois • SAMUEL se cache derrière l'objectif d'un appareil photo pour ne pas pétrifier du regard JUN JINZAI consigne les mots dans un carnet noir aux bords cornés MÉLISSA cherche toujours un pinceau dans ses...