Tout à Vienne semblait royal, élégant et nouveau. Comme un de ces ciels d'hiver où le soleil dorait des nuages crème. Elle pouvait voir Gustav Klimt parcourir ces rues et s'attacher aux dorures de l'atmosphère qui donnaient les contours de son œuvre. Bien sûr, il y avait rajouté la sauvagerie brute des couleurs, celles qu'on ne voyait pas au dehors à cause de la pâleur du temps passé. Celles qui n'existaient que dans la vibration des sentiments humains.
Vienne était un mélange délicieux de moderne et d'ancien, de traditions et de révolutions. Ça lui parlait. Énormément. Dans la ville de son artiste préféré, la jeune femme voyait se paver sa propre voie. Comment aurait-elle pu ne pas participer au voyage ?
En ce premier jour, tout était pastel. Pastel découverte et incrédulité. Pastel candeur et doux rêves. La fatigue atténuait les angles de la féérie. Tout lui semblait plus doux, même l'allemand, même les regards verts-oranges-mauves. Ici elle était une étrangère. Elle avait le choix de ne considérer que les bonnes choses. Les sentiments pastel.
Léopoldine, elle, n'avait plus sa teinte effacée. Au contraire, depuis qu'iels avaient laissé leurs affaires à l'hôtel avant de se rassembler devant le musée de Sissi l'Impératrice, elle arborait un puissant vert d'eau : curiosité et excitation.
« Ça va, princesse ?
-Oui. » dit-elle rapidement, tentant d'atténuer la couleur. « On va voir le musée Sissi.
-Léo est une grande fan de Sissi l'Impératrice. l'éclaira Manuela. On a vu les films tellement de fois...
-Je ne suis pas... fan. Disons que je ressens parfois une grande... connexion avec elle. Et puis elle me fascine.
-C'était une bonne dirigeante ? demanda Mellie.
-...pas vraiment. Son mythe... L'idolâtrie... ça a été créé après sa mort C'est toujours comme ça. Les morts deviennent des héros admirés. En fait sa vie était une tragédie.
-Une tragédie, une tragédie... c'était quand même l'Impératrice d'Autriche, quoi. protesta Emma. Et son mari l'aimait à la folie.
-Mais justement. On a cloué au sol un étalon. Elle ne voulait pas être Impératrice.
Elle n'aimait pas son mari. Et elle ne voulait pas se marier. Sissi voulait juste continuer à vivre libre dans sa campagne natale. C'était totalement imprévu, on voulait marier sa sœur. Mais c'est elle que l'Empereur a remarquée. Elle dit que c'est sa vanité qui l'a perdue. C'est dangereux, la vanité.-Elle aurait dû refuser. C'est toujours une mauvaise idée de sortir avec quelqu'un par qui on n'est pas sûr∙e d'être attiré∙e, alors se marier... remarqua Mellie.
-Je ne suis pas sûr qu'on puisse raisonnablement dire « non » à l'empereur d'Autriche, Mélissa. » leur parvint Jun Jinzai, roulant depuis l'ascenseur.
« Elle avait seize ans au mariage. On est trop jeunes, à seize ans, pour jouer sa vie. » conclut Léopoldine.
« Bordel, ces passages sont si étroits, jura le garçon. Ça les tuerait de faire des couloirs qui ressemblent moins à des boyaux d'intestins ?
-Est-ce que c'est une façon stupide et poétique de demander de l'aide, Jinzai ?
-Seulement cette fois, Axell. Mais ne prends pas l'habitude.
-Regarde, Jun, il y a ses poèmes, sur les murs. s'extasia Léopoldine.
-Elle écrivait des poèmes ?
-Elle écrivait des poèmes et elle voyageait tout le temps et elle faisait du sport et elle voulait mourir.
-C'est... intéressant. Tu veux développer ? » rajouta Mélissa, amusée par l'intérêt évident dont sautillait Léo.
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QU'ART'Z
Novela Juvenil• le monde a plus de facettes que tu ne crois • SAMUEL se cache derrière l'objectif d'un appareil photo pour ne pas pétrifier du regard JUN JINZAI consigne les mots dans un carnet noir aux bords cornés MÉLISSA cherche toujours un pinceau dans ses...