Les Peuples des Ombres

Chapitre 23

Astan est là, assis en tailleur devant moi, les mains tendues vers moi.

Donc, il veut que je me laisse envoûter, maintenant, par lui...

Il est sérieux?

— De quoi est-ce que tu as peur? Me lance-t-il.

— Je n'ai pas peur.

— Tes yeux te trahissent, Mia.

Je détourne mon regard.

Oui, j'ai peur.

Peur qu'il ne se serve pas de ce pouvoir à bon escient, à mon égard.

Peur de ressentir une profonde impuissance face à lui.

Peur qu'il me voit dans un état presque humiliant. Un état où il sait pertinemment que je suis sous son charme, son contrôle, que je ne suis pas insensible à lui, voir hypnotisée.

Déjà qu'à la base, sans envoûtement il restait un jeune homme assez déstabilisant...

J'ai en réalité peur qu'il joue de la situation.

— Tu n'as pas confiance en moi, n'est-ce pas?

Je secoue la tête.

— Prétendre le contraire serait hypocrite.

— C'est un entraînement, Mia, il ne va rien se passer. Ce sera sans danger pour toi, je peux te l'assurer.

Je n'avais pas de moyen de savoir s'il me disait la vérité ou non. On était obligé d'établir une relation de confiance, et lui offrir la mienne demeurait pour moi une véritable épreuve.

Mais, j'avais envie de croire que, pour une fois, on pourrait accomplir quelque chose, tous les deux.

Je prends une grande inspiration et dépose délicatement mes mains au creux des siennes.

Elles sont douces, mais froides. Même glacées.

Au moment où ma peau rentre en contact avec la sienne, un grand frisson se met à parcourir mon échine.

Je lève mes yeux vers les siens et me plonge dans ses iris.

Je n'avais jamais vraiment prêté attention aux yeux d'Astan, mais je me rends compte qu'ils sont magnifiques. Leur iris est de couleur marron clair, presque doré, et ses paupières sont surmontées de longs cils noirs recourbés, à en faire tomber plus d'une.

Je me laisse happée alors par leur effet envoûtant, et me laisse pendant quelques secondes bercée par leur douceur infiniment dangereuse.

Ce qui est étrange, c'est que je ne perçois pas le moment exact où je me laisse influencer sur par leur charme. Ça me semble tellement naturel que j'oublie au début que je suis envoûtée. Comme si je venais de percevoir enfin quelque chose de bien en lui, qui retenait inlassablement mon attention, comme si finalement je n'avais jamais éprouvé de sentiment d'hostilité à son égard.

Je crois que ma tête s'est mise doucement à tourner. Ce n'était pas désagréable, bien au contraire. J'aurais aimé que ce moment dure infiniment. J'aurais aimé que ses grands yeux ne détourne jamais les miens.

Pendant quelques secondes qui me paraissent éternelles, je n'ai même plus envie de lutter contre son charme, comme si j'en étais dépendante, comme si mes yeux étaient attirés d'une force divine par son regard ensorcelant.

— Mia?

— Mmmh...?

Je me laisse bercer par ce moment dangereusement idyllique, suspendu à ses lèvres, prête à faire n'importe quoi qu'il pourrait me demander.