Les Peuples des Ombres

Chapitre 14

Le lendemain, Etna décide de m'emmener à l'Arène des Grands Maîtres, faisant preuve d'un enthousiasme débordant.

Je doutais en réalité de ce qu'elle allait me faire faire...

Arrivées enfin au lieu-dit, elle me me tend une épée argentée, un sourire espiègle aux lèvres.

Je fixe l'arme, avant de replanter mon regard déconcerté dans le sien, sans la saisir.

— Qu'est-ce que tu veux faire...? Je demande, pas très à l'aise.

— Prends-la! J'aimerais voir de quoi tu es capable, lance-t-elle, un grand sourire mystérieux aux lèvres.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, honnêtement. Je ne vais pas tenir longtemps face à toi, je réplique, un peu défaitiste.

J'ai envie de revenir intacte de l'arène, et ce qu'elle me propose ne semble pas me le permettre, à première vue.

— Ce n'est pas grave. C'est juste pour t'entraîner un peu. Avec tout ce qu'il se passe, tu n'es pas à l'abris d'un guet-apens. Et puis, je suis sure que tu sais te débrouiller un minimum, me sourit-elle.

Je saisis alors l'arme, et la première chose qui me frappe est sa lourdeur. Les épées que j'avais l'habitude de manier en escrime étaient davantage plus légères que celle-ci. Je n'imagine même pas comment les elfes font pour réussir pendant des heures à combattre avec un objet aussi lourd en main. J'en suis presque honorée de tenir une arme si...fatale. Je n'ose même pas passer mon doigt sur la lame, tellement elle semble tranchante. Ce que je tiens entre mes mains n'est pas un jouet, c'est une évidence.

— La force pure d'un combattant n'est pas la première qualité qu'il doit avoir. Une réflexion vive, et une stratégie affirmée dès le début du duel, selon le profil de l'adversaire, sont les clés de la réussite. Concentration, agilité et endurance seront tes meilleurs armes, commence Etna.

Je l'écoute attentivement, portant un regard admiratif sur la guerrière talentueuse qu'elle est. Elle porte son épée comme un simple objet habituel, avec une facilité si grande que cela creuse immédiatement un fossé entre elle et moi.

— Le combattant se tient de profil, buste droit, afin d'offrir le moins de surface possible de son corps à son adversaire, ajoute-t-elle.

Je m'exécute et le combat commence.

Dire qu'Etna est talentueuse est un euphémisme.

Elle enchaîne les coups d'une puissance affirmée, sans effectuer un seul faux pas. Je ne tiens pas longtemps, face à elle. Ça se voit qu'elle a été élevée dans les armes. Rod a été pour elle un bon professeur, c'est évident.

Etna marque alors une pause.

— Tu te débrouilles plutôt bien, pour une humaine, me sourit-elle.

— Certains humains font de l'escrime. A la différence de l'exercer en tant que loisir et pas en tant que métier...Je réplique.

La jeune femme pose alors son épée avant d'avaler une gorgée d'eau.

Elle reste toujours parfaitement apprêtée, même après un entraînement. Ses deux tresses collées sont aussi intactes qu'avant le début du combat et son maquillage discret n'a pas bougé d'un poil, lui conférant un visage frais et parfaitement harmonieux.

L'apparence de perfection qu'elle cultive dissimule pourtant quelque chose de profondément enfoui.

Une souffrance?

— Est-ce que c'est Rod qui t'as appris à te battre?

Ma question est risquée, certes. Mais, je la pose avec toute la bienveillance dont je peux faire part, et aucune sournoiserie ni prend place dans mes interrogations. C'est uniquement une question de curiosité, agrémentée d'une volonté de comprendre les relations que chacun entretient avec les autres.