<< Soumeya & Teddy >>
Troisème partie.
Les cartons sont faits, aujourd’hui c’est le grand jour, vous rendez tous les deux les clés de vos appartements… Les études sont finies, pour l’un comme pour l’autre, il est temps de trouver un travail…
On est fin juin, et le soleil tape sur la capitale… Au revoir Paris.
Aujourd’hui vous rentrez tous les deux au quartier, là bas personne sait pour vous deux, vos familles ne sont pas au courant pour votre couple, pas au courant que vous avez passer les derniers mois l’un chez l’autre en permanence…
Pas au courant que depuis ce soir où ses lèvres se sont posées sur les siennes t’es la femme la plus heureuse du monde, et que t’as qu’une envie c’est d’être vraiment la sienne.
Pas au courant non plus qu’à peine un mois après ça il t’a fait offert une bague sous la tour eiffel pour sa demande officielle… C’est vrai que c’est classique comme demande mais peu importe qu’il n’ait pas louer un hélicoptère, peu importe, c’est votre histoire et t’en apprécie la simplicité…
Etre en couple avec Teddy c’est facile et naturel au final, t’as l’impression d’avoir fait ça toute ta vie… Rien n’a changé, vous avez toujours autant de délires, c’est juste les bisous et la tendresse et dormir dans ses bras aussi…
Ca va te manquer ça… Rentrer chez tes parents et dormir toute seule dans ton lit d’enfant… En espérant que ça ne soit pas pour longtemps.
De toute façon vous avez pas prévu de rester longtemps dans ce quartier, au maximum jusqu’à la fin de l’été, et vous en repartirez mariés…
Deux mois pour organiser un mariage? Dont personne et au courant? Avec une famille antillaise et une famille algérienne? T’es optimiste Soumeya.
Mais persuadée que vous réussirez l’impossible… De toute façon tout est déjà prêt… Avec Teddy vous avez tout planifié…
Pas plus d’une cinquantaine d’invités. Après tout au quartier les gens ont plus parlé qu’autre chose sur vous et ce mariage va faire empirer les choses alors pourquoi nourrir, et sourire à toutes, ces langues de vipère?
Le repas? Un truc simple à base de poisson pour éviter tous les conflits de viande halal ou non.
La cérémonie? La mairie, puis l’église, pour finir par le hlel musulman. Histoire que les croyances de chacun soient respectées. Y’a une chose que les gens pensent souvent inconciliables c’est ce genre de différences de culture, surtout la religion, mais vous deux vous avez su concilier vos différences depuis votre plus tendre enfance…
Quand Teddy allait au catéchisme, toi t’allais prendre des cours à la mosquée.
Quand il joint ses mains en direction du ciel, tu poses ton front au sol.
Il respecte le fait que tu manges halal, comme t’as toujours respecté le fait qu’il mange du halouf… Et même encore aujourd’hui, il sait que si c’est toi qui fait à manger, il mangera halal, mais après tout ça n’a jamais tué personne, et puis il sait que s’il veut manger du halouf, il va simplement devoir se le cuisiner tout seul et tu mangeras autre chose. C’est quand même pas bien compliqué.
Vous avez pas les mêmes jours de prière, ni les mêmes jours de fêtes, mais ça ne t’as jamais empêché de lui souhaiter un joyeux Noël, et lui de te dire « Aid Moubarak »…
Et puis quand bien même les Mosquées sont orientées vers la Mecque, et les Eglises vers Jérusalem, depuis la France, la direction est presque la même.
Conciliés l’inconciliable, c’est ce que vous avez toujours fait, c’est pas des préjugés qui vont vous arrêter.
Oh et vos tenues pour le mariage? Le Smoking et la robe? Déjà achetés. Oui sur Paris, chacun de votre côté…
C’est un retour au quartier, avec dans les valises, un mariage planifié.
L’annonce à vos familles elle a été corsée… T’en a entendu des choses ce jour-là…
<< Je t’avais dit quoi Soumeya? Pas de ce mangeur de halouf dans la famille! >>
<< Putain je le savais qu’on aurait pas dû te laisser partir avec ce khel! >>
<< Ma soeur, les antillais c’est des chiens, w’Allah j’en connais, c’est des chauds, il va te tromper, tu vas souffrir! >>
<< Et Mounir du bâtiment E, le fils à Khalti Neïma, il est bien non? Il voulait te khtob, pourquoi tu veux pas faire le hlel avec lui! Il est gentil! Et c’est un Algérien! >>
<< T’es enceinte c’est ça? T’as fait la khemja avec ton khel? T’façon c’est pas possible qu’il est attendu le mariage lui! Vraiment c’est pas leur genre! C’est pour ça tu veux te marier? >>
Et ça c’est un résumé rapide de la situation, tu les as laissé sortir toutes les infamies possible à l’encontre de votre couple, tu les as laissé, au bord de l’explosion, l’estomac serré, le coeur serré, et les larmes prêtent à tomber… Quand ils ont eu fini, tu t’es levée, tu les as tous fixés… C’était ton tour de prendre la parole…
<< Le khel comme vous dites, il a toujours était la pour moi, la seule personne qui m’a jamais trahi, il m’a toujours soutenue dans toutes mes ambitions, il m’a toujours dit « vas y Soumeya tente ta chance tu peux réussir ». Fidèle comme les maths, on a toujours été une équation qui marche. Vous connaissez rien de lui, vous lui dites bonjour avec un sourire par devant, pour parler par derrière. Ca fait quoi qu’il mange du Halouf? Qui croit en Dieu d’une façon différente de la notre? Dieu y’en a qu’un, c’est le même pour tout le monde que ce soit Dieu ou Allah, c’est le même. Sauf que lui n’y croit pas de la même façon que nous, mais après tout l’important c’est qu’il soit croyant! Il m’a jamais fait manger de halouf si c’est ça dont vous avez peur. Ah oui et surtout, c’est pas un chien non, non il me trompera pas, et non je suis pas une khemja, il m’a jamais touché, et vous mes frères sachez que vous êtes personne pour juger notre relation, parler de choses hram ici alors que dehors vous êtes les premiers à coucher avec des filles. Et Yemma, w’Allah que t’es ma reine et que je t’aime mais c’est Teddy est pas un autre. Mounir? Mais Mounir Yemma c’est pas quelqu’un de bien, c’est pas le tout d’être algérien, mais il vit du hram, il rapporte que des problèmes. Teddy, il a des diplômes il a toujours tout fait pour s’en sortir, il a passé des entretiens aux Etats-Unis grâce à ses diplômes, avec lui j’ai une belle vie devant moi. Juste Yemma écoute ton coeur, et dis toi que si tu veux me voir heureuse c’est lui qu’il me faut, il m’a jamais manqué de respect, c’est un homme bon, et depuis toujours lui et moi on a su faire avec les différences. On veut se marier selon nos deux traditions, tout est prêt, vous êtes invités, si vous m’aimez vous viendrez. >>
Après ce discours t’es partie t’enfermer dans ta chambre pour pleurer seule dans ton coin… T’as jamais voulu ça, t’as jamais voulu choisir entre ta famille et l’homme de ta vie… Mais cet amour tu le contrôle pas, et ta famille tu l’aimes mais c’est pas avec eux que tu vas faire ta vie, c’est pas en restant ici que tu vas réussir. La famille c’est important, mais depuis toujours toi t’as toujours était la fille un peu bête, celle qui fera pas grand chose et qui cuisine bien, ta mère tu l’aimes mais elle t’a rarement parlé de réussite professionnelle, mais plus d’un bon mariage et de vie familiale. Tu sais que c’est important, et c’est ce que tu veux, tu veux un bon mariage, tu veux une vie familiale, mais tu veux tout ça avec un homme qui n’entre pas dans tes critères….
Tu finis par t’endormir, c’est un coup de fil de Teddy qui te réveille…
- Allo?
- Hayati (Ma vie) ça va?
- Ma famille me haït parce que je veux me marier avec toi mais ça va…
- (Il souffle) Putain… C’est pareil chez moi…
- On va faire quoi? J’en ai marre Teddy, on dirait qu’on fait quelque chose de grave tu vois que… (Sanglot) Je veux pas devoir choisir entre ma famille et toi… Ni que tu doives choisir toi…
- Et Sou’ Calme toi! On va trouver une solution…
Quelqu’un frappe à la porte, et entre c’est ton père…
- Soumeya Benthi, c’est Teddy au téléphone?
- Euh oui… Pourquoi?
- Dis lui de venir me voir. Je veux lui parler.
- D’accord Baba.
- Et arrête de pleurer Benthi.
- C’était qui?
- Mon père… Il veut que tu viennes le voir, il veut te parler.
- Ton père?
- Ouais…
- Ok… Bah j’arrive… Putain j’ai la pression!
- (Rires) C’est le plus gentil de tous mon père!
- Ouais avec toi peut être avec moi… Putain tu crois qu’il va me frapper?
- (Rires) N’importe quoi! Et dépêche toi de bouger là, les créoles toujours en retard là!
- (Rires) Les algériens toujours à chercher la merde!
- Dépêche toi!
- Bah raccroche!
- Tssss N’brick ya Omri!
- Moi aussi je t’aime Sou’
Teddy et ton père? Vraiment. En fait ça t’étonnes pas tant que ça que ce soit ton père qui soit venu te voir, t’es sa seule fille, sa petite princesse et il est surement plus ouvert que le reste de la famille. Parce qu’il a toujours voulu que le bonheur de sa fille, et dans cette joute verbale qui a eu lieu aujourd’hui, c’est le seul à ne pas avoir dit grand chose.
C’est vrai qu’il parle pas beaucoup, il ne parle pas pour rien ton père, mais quand il parle tout le monde l’écoute, alors si lui accepte Teddy, ce mariage a une chance de se dérouler correctement…
T’as pas vu Teddy depuis trois semaines… Aujourd’hui c’est le grand jour…
Il a parlé avec ton père, ton père a parlé avec le sien, puis sa mère avec la tienne… C’était compliqué y’a une grande réunion avec vos deux familles, y’a fallut faire des compromis mais vos prévisions ont réussi à convaincre, heureusement que vous aviez anticipé… Enfin si y’a une chose sur lesquelles vos deux mères étaient d’accord, c’est que votre mariage devrait être beaucoup plus grand, que vous auriez du inviter le quartier, et faire venir la famille restée au bled ou aux Antilles… Mais non, ça c’est non. Pour l’un comme pour l’autre, vous voulez quelque chose d’intime.
Que tu portes son nom et que vous soyez liés pour la vie, c’est tout, c’est pas la fête et le mariage de princesse qui t’intéresse. En fait t’as jamais voulu d’un grand mariage, être trop maquillée, trop coiffée, changer de robe, courir partout, t’as toujours voulu quelque chose de simple, et Teddy veut ce que tu veux…
Il veut juste que tout le monde sache que Soumeya c’est la sienne et ça depuis le début.
Il est magnifique dans son smoking noir, et t’es divine dans ta robe blanche… Le cérémonial est long, la mairie et le mélange des religions… Mais c’est beau et tu peux t’empêcher de verser une larme, enfin plusieurs, ça y est tu portes son nom, ça y est vous êtes unis, conformément à la loi, conformément à sa foi, conformément aux préceptes d’Allah.
Une semaine de lune de miel aux Seychelles… C’est dans une chambre d’hôtel avec vue sur la mer, que pour la première fois tu t’es donnée à lui.
Retour à la réalité? Mais le rêve continu. Dans votre histoire le rêve s’arrête jamais, ton mari a du talent Soumeya, ton mari est intelligent… Ton mari vient d’être embauché dans une grande société New-Yorkaise, un poste à responsabilité… Vous dites au revoir au vieux continent…
Cette traversée de l’Atlantique, tu la regrettes pas. C’est clair que tes proches te manques mais le quartier c’est pas pour toi… Ils sont tous là à te regarder de travers et à parler sur toi…
A dire que Soumeya a retourné sa veste, que c’est une beurette à khel, qu’elle mange du halouf, certains ont même été jusqu’à affirmer se souvenir qu’à la cantine en primaire ils t’ont vu manger du jambon…
On parle et on parle, on affirme que cette union n’a rien de hlel, que de toute façon si vous partez c’est pour mieux cacher vos péchés… Qu’on vous verra revenir, que le noir croit qu’il va tous casser, mais que là bas, il réussira pas…
La jalousie fait parler et tu le sais, tu l’a toujours su, mais ça fait quand même mal d’entendre toutes ses rumeurs sur toi…
T’as jamais rien fait de mal, t’as rien à te reprocher, qu’ils y restent dans leur quartier avec leur vielle mentalité…
Teddy il gagne vraiment bien sa vie, et il t’a poussé à monter ton entreprise, traiteur français-oriental à Manhattan…
Ca fonctionne plutôt bien, ton talent est reconnu, et ton CV fait des émules, après tout à ton âge rare sont les cuisiniers à avoir travailler dans autant de restaurants parisiens de grande renommée…
T’as réussi ta vie Soumeya, t’as payé le Hajj à tes parents, et une maison en Algérie… Il a pu offrir aux siens cette belle villa en Martinique. Ca fait parler les rageux mais vous avez tous pour être heureux…
Et alors que le soleil se couche sur l’Hudson, tu t’apprêtes à annoncer à ton époux, que les rires d’un enfant raisonneront bientôt dans votre loft, situé dans l’Upper East Side.
Vous êtes nés dans un quartier défavorisé, religion différentes, situation précaire, l’amitié vous a toujours liés, vous avez su vous compléter, c’est votre complicité qui vous a permis d’avancer. Parti de rien, à deux rien pourra vous stopper.
Votre force c’est d’avoir su avancer en dépit des obstacles et malgré les clichés. Les clichés sur les origines, vous les avez balayés, ceux qui ont dit du mal de votre complicité, vous les avez ignorés. Et surtout, vous avez brulé le cliché du jeune de cité qui sait rien faire de ses dix doigts si ce n’est vendre du shit, et de la jeune musulmane soumise sans ambition.
Ce qui empêche les gens de vivre, ce sont les clichés, les aprioris, le prêt à penser, suffit juste de les mettre de côté et c’est comme ça que tu peux avancer.
Pense par toi même et tu verras, la vie t’ouvriras les bras.
FIN.

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#ByIndi
Ficción GeneralToutes mes petites inspirations. Des petites histoires en trois parties. Des "One Shot" aussi. Parce que pour moi écrire c'est se libérer, écrire c'est la liberté de la pensée, c'est poser les idées, qui fourmillent dans mon cerveau, sur un papier...