Chapitre 27º

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Lorsque Ben ouvrit les yeux, il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où il était. Il n’était pas le seul des globe-trotters à connaître ce problème. Mais contrairement à la plupart des gens, qui craignaient ce sentiment d’inconnu, il appréciait les changements.

      Il ne connaissait même que le changement.

      Hier, il avait avoué à Sophia que sa mère n’avait été qu’une croqueuse de diamants. C’était la vérité, et au fil des années il l’avait acceptée, sans en souffrir. Pourquoi aurait-il souffert, d’ailleurs ? Puisqu’il n’avait rien connu d’autre, il ne disposait d’aucun élément de comparaison. Ses parents l’avaient régulièrement repoussé pour se consacrer à leur nouveau partenaire. C’était la vie. Sa vie. Petit, il avait appris à passer de longs moments seul dans des chambres d’hôtel anonymes, en attendant le retour de sa mère partie s’amuser. Il avait appris à appeler le service de chambre pour ne pas mourir de faim, et à se coucher seul à la fin des dessins animés. Il avait appris à jouer avec les cartes qu’il avait eues en main et il y était parvenu, en construisant un mur de défense autour de son cœur Au départ, les fondations de ce mur étaient fragiles. Que savait un petit garçon des moyens de se protéger et de grandir seul ? Ce n’était pas dans l’ordre naturel des choses. Petit à petit, il s’était cependant endurci, et aujourd’hui plus rien ne le touchait. Plus rien du tout.

      Aujourd’hui, il possédait un cœur de pierre.

      Un sentiment de plénitude le gagna, comme après chaque nuit torride qu’il passait. Rêveur, il tourna la tête. Il constata que Sophia n’était pas là : le lit était vide à côté de lui.

      Il s’étira et tendit l’oreille. Se trouvait-elle à la salle de bains ? Était-elle en train de se préparer avant de revenir pour l’embrasser ? Non, il n’entendait aucun bruit L’absence de Sophie était une bonne nouvelle. Il n’avait pas envie qu’elle se love contre lui et lui caresse le torse comme les autres femmes, lui demandant d’une voix mielleuse ce qui faisait battre son cœur ou à quoi il pensait.

      Quelques heures plus tôt, leurs deux corps à moitié endormis s’étaient trouvés, puis unis le plus naturellement du monde, comme s’ils avaient été programmés pour le faire. Les yeux encore fermés, Ben s’était enivré de la peau de Sophia, aussi douce que la soie, de son corps chaud, puis il lui avait fait l’amour avec langueur et passion à la fois.

      Lorsque Sophia avait joui, elle avait prononcé quelques mots en grec. Sans doute des mots doux. Même s’il ne les avait pas compris, ils l’avaient mis mal à l’aise et avaient mis en alerte tous ses sens. Quand une femme commençait à parler sur ce ton, les problèmes n’étaient jamais bien loin… Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’elle ne s’attachait à lui que parce qu’il était son premier amant, et qu’elle confondait orgasmes et sentiments. Avec un peu de chance, il ne serait pas obligé de lui rappeler qu’il serait vain pour elle de tomber amoureuse de lui.

      D’un geste brusque, il repoussa la couette et sortit du lit. Il se dirigea vers la fenêtre et contempla le décor. Il passait tellement peu de temps en Angleterre, depuis quelques années, qu’il avait oublié combien la campagne pouvait y être belle Il avait dû beaucoup neiger pendant la nuit : l’allée menant à la maison avait disparu sous un épais tapis blanc. Et il neigeait toujours — ce n’était vraiment pas le jour idéal pour un baptême.

      Sophia n’était toujours pas de retour, lorsqu’il sortit de la douche. Tant pis. Il s’habilla et descendit le grand escalier Ben suivit les voix qui provenaient de la salle à manger. Sur le seuil, il s’arrêta net, abasourdi, incrédule.

      Sophia était au centre de la scène qui se jouait devant lui, mais pas parce qu’elle se comportait comme une princesse. Elle était assise en tailleur sur le tapis, devant un immense sapin de Noël, et était en train de jouer avec son neveu. Elle souleva le bébé dans les airs avant de lui chatouiller le ventre jusqu’à ce que le petit garçon éclate de rire. À côté d’elle, sur le canapé, se trouvait Phoebe, la mère de Nick . Elle admirait le spectacle avec un regard empli de fierté maternelle.

      Tout à coup, son cœur lui faisait mal, un peu comme s’il venait d’être poignardé avec un pic à glace. Bizarre…

      Soupira-t-il ? Bougea-t-il ? Fit-il du bruit ? En tout cas, les deux femmes se tournèrent en même temps vers lui. Sophia tenait toujours Nick contre son épaule. Il la dévisagea et remarqua des traces d’inquiétude dans son regard. Ces lueurs disparurent aussi rapidement qu’elles étaient apparues, et elle recommença à jouer avec le bébé comme si de rien n’était.

      Phoebe se leva et s’approcha de lui, les bras grands ouverts et un large sourire aux lèvres.

      — Ben ! Tu es enfin réveillé ! Je suis heureuse de te voir. Regarde, Nick a déjà réussi à séduire Sophia. Petit cachottier, reprit-elle avec un clin d’œil malicieux, pourquoi ne pas nous avoir annoncé avec qui tu venais ?

      Il se força à sourire puis embrassa sa belle-sœur.

      — Sophia préfère voyager incognito. De toute façon, je vois qu’elle se sent déjà chez elle. Elle sait très bien s'acclimater

       Molly sortit de la pièce avec le bébé, et le silence s’installa.

              ***

UN Millionnaire Pas Comme Les AutresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant