Chapitre 36º

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Les œufs étaient froids lorsqu’ils les mangèrent enfin…

      Après le déjeuner, ils allèrent se promener dans Central Park. Lorsqu’ils rentrèrent, les joues rougies par le froid, ils dînèrent à côté du petit sapin qu’ils avaient acheté et décoré la veille.

      Après le dessert, Ben lui tendit un petit paquet enrobé de papier coloré.

      — Joyeux Noël, Sophia.

      Les doigts tremblant, elle ouvrit le présent. Jamais elle n’avait reçu un cadeau aussi peu cher, mais jamais non plus un cadeau ne lui avait fait autant plaisir. Il s’agissait d’une petite boule à neige recelant une version miniature du sapin de Noël du Rockefeller Center qu’il l’avait emmenée voir sitôt qu’ils avaient atterri à New York. Elle le secoua et des milliers de paillettes se mirent à tourbillonner.

      Elle eut du mal à parler, tellement elle était émue.

      — Ben… C’est… C’est magnifique. Merci.

      — Ainsi, tu te souviendras de New York, quand tu seras rentrée à Brestania.

      — Quand je serai rentrée…

      Une chape de tristesse s’abattit sur elle. Aujourd’hui, retrouver sa vie de princesse ne l’inquiétait plus. Par contre, la perspective de ne plus voir Ben tous les jours l’angoissait. Que ressentirait-elle lorsqu’elle se réveillerait, le matin, et qu’il ne serait plus à ses côtés ? Ces quelques semaines avec lui avaient vraiment été les meilleures de toute sa vie.

      — As-tu réfléchi à à ce que tu vas faire ?

      Elle sursauta en entendant cette question, à laquelle elle ne s’attendait pas.

      — Vas-tu te satisfaire d’une vie passée à enchaîner les inaugurations, les commémorations et autres cérémonies officielles ? reprit Ben.

      Sa vie au palais lui semblait si loin, tout à coup…

      — Non. Je crois d’ailleurs qu’il va falloir que je prenne quelques décisions. Je n’ai plus envie de me comporter comme une princesse qui n’a pas le droit de parler, juste celui de sourire Je veux travailler et jouer un véritable rôle dans mes associations caritatives

      — Et qu’en est-il de ta vie personnelle ?

      — De quoi parles-tu ?

      — L’histoire avec Josh t’a-t-elle refroidie ou as-tu envie de rencontrer quelqu’un, de te marier, d’avoir des enfants ?

      Mal à l’aise, Sophia bougea un peu sur le canapé pour tenter de maîtriser sa gêne. Personne ne lui avait jamais posé une question personnelle de façon aussi franche, aussi directe. Personne n’avait jamais osé.

      — J’en ai envie, oui, comme la plupart des femmes je suppose. Je doute cependant que cela arrive un jour : les obstacles sont très nombreux. Le problème, c’était qu’elle ne désirait cette vie qu’avec un seul homme, celui assis à côté d’elle…

      — Quels obstacles ?

      Elle réfléchit aux mots qu’elle allait utiliser. Il fallait qu’elle fasse attention. Elle se tourna vers la fenêtre, regarda la neige tomber et réprima un soupir.

      — Rencontrer l’homme idéal est plus difficile pour une princesse que pour n’importe quelle autre femme. Comment savoir si l’on est aimée pour soi ou pour son prestige ? Enfin, tout cela, c’est le futur, et il ne commencera que demain, lorsque je m’envolerai vers Brestania et que tu partiras skier dans le Vermont. Tu n’as pas oublié, tout de même?

— Non, je n’ai pas oublié. D’ailleurs, pour être honnête, j’ai moins envie de skier que de t’emmener au lit et de te faire l’amour, encore et encore.

      — Tu veux profiter des dernières heures qui nous restent ?

      — Pas seulement.

      Pas seulement ? Elle le dévisagea, circonspecte. De quoi parlait-il ?

      — Tu veux bien être plus précis ?

Un peu mal à l’aise, Ben se passa une main dans les cheveux. Il avait essayé de parler de façon détendue, comme si rien n’avait d’importance. Hélas plus les heures passaient, plus il se rendait compte que ce nouveau désir qu’il ressentait en lui importait. Ce qui voulait dire qu’il devait agir, tout de suite, sans attendre, et arrêter de tergiverser. Il se racla la gorge et rassembla son courage.

      — Que dirais-tu si je te faisais une proposition alternative ? Une solution qui ne t’obligerait pas à retrouver ta vie d’avant. Une solution qui pourrait satisfaire nos… besoins respectifs.

      Sophie secoua la tête. Elle semblait complètement perdue.

      — Je ne comprends pas.

      — Alors écoute-moi, dit-il en lui prenant la main. J’ai beaucoup réfléchi à des mots que mon père a prononcés lors du baptême.
Il vit la curiosité se refléter dans les prunelles azur de sa maîtresse. Une curiosité légitime : il était en effet sur le point de lui faire une proposition étonnante. « Aurais-tu perdu la tête ? » le houspilla une petite voix intérieure. Il s’était pourtant juré de ne jamais prononcer certains mots ! Il se força à ignorer cette petite voix et se concentra sur ses souvenirs. Celui de la sensation ressentie lorsqu’il avait tenu son neveu dans ses bras, de la chaleur du petit corps, de son parfum sucré, de ses petites boucles qui lui avaient chatouillé le cou, et surtout le souvenir de la vague d’émotions qui l’avait envahi lorsqu’il avait compris que les blessures du passé ne cicatriseraient que lorsqu’il aurait un enfant     
— Mon père m’a demandé à qui je léguerai ma fortune lorsque je mourrai, et je lui ai répondu que je la donnerai à une association caritative. C’est à ce moment-là que j’ai compris que je désirais ce que je n’avais jamais eu.

      — Je ne comprends toujours pas, Ben…, murmura Sophia.

      Il hocha lentement la tête, l’estomac noué. Une fois qu’il aurait parlé, il ne pourrait plus jamais faire marche arrière. Ce serait trop tard.

      — Je parle d’une famille. Une véritable famille.

      Elle se pencha vers lui et noua les doigts aux siens.

      — Dis-moi tout.

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UN Millionnaire Pas Comme Les AutresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant