Chapitre 32º

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Il se tut et fit un pas vers elle. Puis il se passa une main lasse sur le visage.

      — Tu veux vraiment savoir ce qu’elle m’a dit ? reprit-il d’une voix traînante. Te sentirais-tu mieux si je t’avouais qu’elle m’a dit qu’elle serait très heureuse de partager à nouveau mon lit ?

      Le cœur de Sophia se serra dans sa poitrine, mais elle ignora sa douleur. Sa curiosité n’était toujours pas comblée.

      — C’est tout?
Bon sang, allait-elle insister encore longtemps ? pesta Ben intérieurement. Il avait bien envie de lui dire de se mêler de ce qui la regardait, ou alors de la faire taire en l’embrassant, mais…

      Non, il n’en était pas capable. Le souvenir des mots prononcés par Henry et du sourire de Nick venait d’ouvrir en lui des vannes qu’il gardait fermées depuis trop longtemps, bien trop longtemps, et il ne parvenait plus à maîtriser le flot de ses émotions.

      Il lâcha un rire las, puis retira sa cravate, qu’il lança d’un geste rageur dans le fauteuil.

      — Tu veux vraiment connaître la vérité de ma relation avec elle ?

      — Oui. Oui, je veux savoir.

      Ben voyait bien que Sophia était inquiète, malgré son air bravache Elle s’installa dans un des fauteuils devant la cheminée dans laquelle brûlait un feu, puis le regarda droit dans les yeux. Se confier, livrer ses secrets, tout cela était nouveau pour lui. Néanmoins, il pouvait faire confiance à Sophia. Il devinait que son éducation princière lui avait appris à être discrète, à ne pas colporter de ragots.

      Mais il y avait plus.

      Une lueur de force et de compréhension dans son beau regard azur était parvenue à briser le mur de défense que Ben avait érigé autour de lui. Au fur et à mesure que ce mur se fissurait, il percevait les battements de son cœur, ainsi qu’une douleur si vive qu’il avait soudain du mal à respirer. Et lui qui avait cru que les années finiraient par apaiser sa douleur… Il s’était bien trompé. Peut-être était-il temps d’aborder le problème, d’en parler au lieu de le ruminer et de l’enfouir en lui comme s’il s’agissait d’un cancer.

      — Mon frère Sébastien est sorti avec Phoebe pendant des années avant de l’épouser. J’ai rencontré Roselia par son intermédiaire, lors d’une fête. Nous avions une vingtaine d’années. Je venais de créer mon entreprise de télécommunications. Elle avait déjà fait la couverture de plusieurs magazines. Ma carrière était en train de décoller, la sienne aussi, et notre relation était satisfaisante.

      — Voilà un adjectif surprenant pour qualifier une relation amoureuse — Je n’en vois pourtant pas de meilleur. J’étais jeune, un peu obsédé, et elle était très belle. Notre relation était donc satisfaisante pour tous les deux.

      — Tu parles de sexe ?

      — Exactement. Je suis désolé si cela te choque, Sophia, c’est pourtant la vérité.

      La jeune femme se mordit la lèvre. Regrettait-elle de lui avoir posé la question ? Peut-être pouvait-il profiter de ses remords pour clore la conversation et parler d’autre chose. Mais à présent qu’il était lancé, les mots semblaient vouloir sortir de sa bouche sans qu’il ne puisse les contrôler.

      — Dès le départ, j’ai été honnête avec elle. Je lui ai dit que si elle cherchait l’homme de sa vie, son futur mari, le futur père de ses enfants, alors elle se trompait. Nous avions tous les deux le monde à conquérir. Je me souviens qu’elle a éclaté de rire lorsque je lui ai dit que la porte était ouverte si jamais elle préférait partir. Elle est restée.

      Sophia ne réagit pas. Elle continuait à le fixer de ses grands yeux bleus innocents. Désormais, il ne pouvait plus repousser la tornade de souvenirs sombres en train de déferler en lui.

      — Un jour, elle est venue me voir et m’a demandé si je serais prêt à changer d’avis, si je pensais pouvoir l’aimer et l’épouser. Pour être honnête, je n’ai pas compris. Je croyais que nous étions sur la même longueur d’onde. « Les femmes ont besoin de savoir ce genre de choses », a-t-elle ajouté. Comme je pensais qu’elle me posait la question parce qu’une star du rock la poursuivait de ses assiduités, je lui ai répondu que si elle attendait un engagement de ma part, elle était libre de partir et de trouver quelqu’un d’autre. Ensuite…

      Sa voix vacilla. Lui qui avait toujours fait son possible pour garder ses distances avec les sentiments, voilà qu’il était aujourd’hui consumé par la culpabilité et les regrets.

      — Que s’est-il passé, Ben ? insista Sophia d’une voix douce.

      Il tenta d’avaler sa salive. Il avait du mal, sa gorge était nouée, c’était comme s’il tentait d’avaler une boule de fils barbelés
— Elle portait mon bébé. Elle ne me l’a jamais dit, elle ne m’a pas offert la possibilité de changer d’avis ou d’essayer de trouver un accord acceptable pour tous les deux. Elle m’a laissé dans l’ignorance. Je n’ai appris la vérité que plusieurs mois plus tard.

      — Mon Dieu !

      — Elle a tué mon bébé...
  
           ***

UN Millionnaire Pas Comme Les AutresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant