Chapitre 5º

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Pourquoi insistait-il à ce point ? se demanda Sophia. Elle n’était pas habituée à devoir répondre à tant de questions. D’habitude, personne n’osait l’interroger. Même Brady ne lui avait pas posé autant de questions lorsqu’il l’avait embauchée !

      Mal à l’aise, elle baissa les yeux vers la théière. Elle était peut-être naïve, mais elle n’était pas idiote. Elle avait bien vu le regard que Ben lui avait lancé lorsqu’il était entré dans la cuisine. Elle avait lu de la surprise dans son regard bleu acier, mais aussi de l’intérêt lorsqu’il l’avait étudiée de la tête aux pieds. Il n’aurait sans doute pas agi de la sorte s’il avait su qui elle était. Heureusement, il l’ignorait et ne le découvrirait jamais.

      Elle avait ressenti de la crainte lorsqu’elle l’avait aperçu pour la première fois, sortant de son hélicoptère.
Elle n’avait pas compris pourquoi. Désormais, elle comprenait : quand il la regardait de cette façon, elle avait l’impression qu’il était capable de lire en elle.

      Ses seins se tendirent soudain, son ventre se serra, son sexe se mit à palpiter. Elle avait l’impression que sa peau brûlait. Pour la première fois. Seigneur… Ressentait-elle du désir pour Ben Parker ? Un véritable désir, qui faisait battre son cœur à toute allure, lui donnait chaud et la faisait frissonner de tout son long ? Alors que ressentirait-elle s’il la touchait, s’il laissait ses doigts aller et venir sur sa peau ? Elle n’en avait pas la moindre idée. Jamais elle n’avait ressenti de telles sensations face à un homme. Pas même avec Lucien.

      Elle leva les yeux et sortit brusquement de son songe. Elle comprit que Ben espérait toujours une réponse.

      — J’ai un frère et une petite sœur.

      — Ils ne vous attendent pas pour Noël ?

      Elle secoua la tête. Non, ils ne l’attendaient pas.

      Après avoir quitté Brestania, elle avait appelé Philippe pour lui faire savoir qu’elle allait bien, et surtout le supplier de ne pas lancer de détectives à ses trousses. Elle avait expliqué à son frère avoir besoin d’échapper à la pression après les événements. Jusqu’à présent, il avait respecté sa promesse, il l’avait laissée tranquille. À quelques rares occasions, elle avait eu accès à Internet et avait jeté un coup d’œil aux nouvelles. Aucun article concernant sa disparition. Tant mieux. Apparemment, sa petite sœur Marie l’avait remplacée pour tous les engagements officiels et cela avait suffi à faire taire les rumeurs.

      Peut-être Phillipe avait-il compris qu’elle avait été humiliée, et qu’elle avait besoin de rester seule un moment pour se remettre de ses blessures après avoir été rejetée en public par l’homme qu’elle était censée épouser. Ou alors son frère était trop occupé à gouverner leur petit royaume européen pour penser à elle. Ce n’était pas impossible. Après tout, il prenait son rôle de roi d’Isolaverde très au sérieux.

      — Je te laisse six mois pour vivre ta petite rébellion, lui avait intimé Philippe lorsqu’elle l’avait appelé. Si tu n’es pas de retour d’ici fin février, alors j’enverrai mes détectives à ta recherche pour te ramener à la maison. Ne prends pas ma menace à la légère, Sophia !

      Son frère avait toujours contrôlé sa vie — il n’avait d’ailleurs pas été le seul…

      Elle se tourna et riva son regard à celui de Ben Parker. Bon sang, qu’il arrête de la fixer de la sorte !

      Elle serra les poings. Il fallait qu’elle soit forte. Et si elle lui posait une question et renversait les rôles ?

      — Et vous, que faites-vous pour Noël ? Allez-vous célébrer les fêtes avec votre famille ? Allez-vous vous réunir autour d’un gigantesque sapin pour chanter des chants de Noël ?

      Son beau visage se ferma. En même temps, elle aperçut une lueur sombre traverser son regard. De la douleur ? Non, elle avait dû se tromper. Un homme aussi puissant que lui ne pouvait pas souffrir, n’est-ce pas ?

      — Ce genre de scène parfaite n’existe que dans les contes de fées, lâcha-t-il d’une voix dure, cynique. Et je n’ai jamais cru aux contes de fées.

      Il se leva d’un bond, s’éloigna de la fenêtre et s’approcha d’elle. Il était si proche tout à coup qu’elle aurait presque pu le toucher. Une nouvelle vague de désir l’envahit.

      — Vos mains tremblent, constata-t-il en baissant les yeux. Que se passe-t-il, Sophia ? Quelque chose vous dérange ?

      Il savait forcément ce qui la dérangeait. Hors de question cependant de l’avouer — En fait, oui. Je deviens nerveuse lorsque quelqu’un me regarde travailler de trop près, surtout si la personne qui me regarde est mon patron. Il faut que je prépare le déjeuner des ouvriers. Alors si vous voulez bien m’excuser…

      Elle esquissa un sourire. Avec un peu de chance, Ben ne verrait pas que les bouts de ses seins avaient durci et que ses joues s’étaient empourprées.

      — J’ai l’impression que vous me renvoyez, rétorqua-t-il, moqueur. C’est une première. J’apprécie néanmoins le sérieux au travail, je ne vous ferai donc aucune objection.

      Il se dirigea vers la porte mais s’arrêta net avant de la pousser. Il ne se conduisait plus comme un patron curieux lui posant des questions sur son passé. À présent, il la regardait comme le millionnaire propriétaire de la ferme, d’un hélicoptère, et comme si elle lui appartenait.

      — Cela ne me dérange pas de partager la maison avec vous, du moment que vous comprenez que j’aime être seul, assena-t-il, péremptoire. Alors ne vous forcez pas pour me faire la conversation, surtout si je travaille. Compris ? Je n’ai aucune envie de discuter de la pluie et du beau temps avec vous, ou de vous entendre me demander comment s’est passée ma journée.

      Sophia resta bouche bée. Jamais elle n’avait rencontré un homme aussi impoli. Lui faire la conversation ? Hors de question ! Pourquoi lui ferait-elle la conversation, de toute façon ?

      Elle se força à parler d’un ton aussi neutre que possible :

      — Bien sûr.

      Pour toute réponse, il claqua la porte derrière lui. Tant mieux ! Jamais elle n’avait rencontré un homme aussi arrogant. Même son propre frère, pourtant roi d’Isolaverde, n’était pas arrogant à ce point. Mais, pour être vraiment honnête avec elle-même, jamais elle n’avait rencontré non plus un homme aussi beau…

      Elle ferma les yeux et repensa à l’effet qu’il lui avait fait. Dès qu’elle l’avait aperçu, elle avait perdu ses moyens. Cela ne lui ressemblait pourtant pas. Jamais ses seins ne s’étaient tendus ainsi, jamais ses doigts ne s’étaient mis à trembler devant un homme. Cela ne se reproduirait plus, se promit-elle. Jamais plus. Il était son patron, rien que son patron. En plus, il ne faisait que passer.

      Malgré sa détermination, comme mue par une force incontrôlable, Sophie se dirigea vers la fenêtre pour regarder Ben Parker traverser la cour. Son pouls accéléra une nouvelle fois, sa gorge s’assécha. Le vertige la saisit et elle posa une main sur la poignée de la fenêtre pour ne pas vaciller. À cet instant, Ben se retourna. Il lui sourit.

      Zut ! Il venait de la prendre la main dans le sac

UN Millionnaire Pas Comme Les AutresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant