Chapitre 26

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Eloïse

Lorsque Race est venu me rechercher en cours tout à l'heure, il était encore plus de mauvaise humeur que ce matin. Il semblait à la fois énervé et perturbé par quelque chose. Je ne sais pas si ça a quelque chose à voir avec moi, mais ce que je sais, c'est qu'il se taire dans le silence et m'ignore royalement. J'ai un peu l'impression d'être revenu quelque temps plus tôt, lorsqu'il venait juste de commencer sa mission de garde du corps. Il était froid, distant et silencieux. Je pensais que notre relation avait évolué vers de bonnes bases depuis, mais visiblement, ce n'est pas le cas.

Maintenant, j'ai l'impression de ne plus avoir aucun soutient dans mes idées et choix. Je commence à douter de plus en plus sur cet échange qui devrait avoir lieu dans quelques jours (enfin, si N se décide à rappeler), et je me demande de plus en plus si c'est une bonne idée. Certes, je veux retrouver ma meilleure amie, mais au prix de ma liberté ? Parce que dans l'histoire, je ne sais toujours pas qui est N et ce qu'il veut de moi.

Est-ce que ça fait de moi la pire des égoïstes d'hésiter ? Bien sûr. La seule personne capable de m'aider et de me rassurer m'évite comme la peste alors je vais devoir me rassurer seule. De toute façon je n'ai pas le choix. Je dois sortir Charlotte de cet enfer. Ça fait déjà des jours et des jours qu'il la retient alors je dois tout faire pour lui venir en aide même si au final, je me retrouve à sa place. De toute façon, je savais que tôt ou tard ça allait arriver et que N réussirait à me mettre la main dessus. Peut-être que Race l'a tenu éloigné par sa présence assez longtemps, mais il n'en restera pas ainsi éternellement. Au lieu de continuer de vivre dans la peur qu'un jour il m'attrape, autant me rendre tout de suite. Suis-je défaitiste ? Non, je suis juste réaliste.

Toute l'après-midi, tandis que je faisais mes devoirs et révisions pour mes cours, Race n'a cessé de regarder la série que nous avions commencé à deux (sauf que maintenant, il la regarde sans moi). Lorsque je relève le nez de mon ordinateur ayant fini tous les objectifs que je m'étais fixée, la télé est toujours allumée, mais cette fois-ci, Race n'est plus devant. D'après les bruits d'eau que j'entends, il devrait être sous la douche. Je me demande bien quelle heure il peut être et je remarque qu'il est passé dix-neuf heures. J'ai donc passé toute l'après-midi dans mes cours et je dois dire que ça m'a tellement fait du bien que je n'en n'ai pas vu le temps passer. Le fait de devoir rester concentré sur un objectif ou sur une unique chose, m'aide à ne pas trop divaguer et à oublier tout ce qu'il se passe autour. Traduction : mes problèmes.

J'éteins mon ordinateur, me lève du lit puis m'étire. Il faudrait peut-être que j'achète un bureau et une chaise le temps que je sois là parce que devoir travailler sur le lit de Race n'est pas la meilleure de positions. Je me dirige vers la cuisine et ouvre le frigo voir ce que je peux nous concocter comme plat ce soir. Ce qui est bien, c'est que Race ne sait pas cuisiner donc le fait que je m'en charge me laisse une excuse pour échapper aux situations gênantes comme l'énorme silence qui plane entre nous. Je décide donc de faire simple et de faire une omelette dans laquelle je mets des petits bouts de chorizo puis je fais à côté de la julienne de légumes histoire d'avoir un repas équilibré. Le soupé est près pile-poil lorsque Race sort de la salle de bain. Il m'aide à mettre la table encore une fois sans un mot, puis s'assoit sur sa chaise.

Nous commençons à manger en silence, mais je vois bien que de nous deux, lui seul a envie de ce silence. Moi, j'ai envie qu'il explique la raison de cette froideur soudaine entre nous. Le baiser ? En est-il la cause ou monsieur est-il juste de mauvaise humeur ? Je pense qu'il y en a un peu des deux.

N'en pouvant plus, je décide d'essayer de briser le silence une bonne fois pour toutes.

- Ce week-end, je vais chez Ian ou je reste ici ?

Même si je demande ça surtout pour le faire parler, j'ai quand même envie de savoir parce que je dois avouer que ce n'est pas le fun de se faire trimballer d'une maison à l'autre sans jamais savoir quand ni avec qui tu pars. Encore heureux, depuis le début, je reste avec Race, mais j'aimerais bien qu'on me prévienne à l'avance si je dois aller vivre chez Ian et Ava.

- Chez Ian. Je te récupère lundi après tes cours.

Sa voix n'a rien d'agréable. Elle est froide mais pas énervée. Donc, d'une certaine manière, je ne pense pas qu'il m'en veuille de quelque chose, mais plus qu'il essaie de restaurer son masque d'homme froid est distant.

Commençant vraiment à ne plus en pouvoir de toute cette histoire, je commence à hausser le ton.

- Sérieux Race, quel âge as-tu ? Vingt-cinq ans ? Tu n'es plus un enfant alors est-ce que tu pourrais arrêter trente secondes de faire le gamin et me dire clairement ce qui ne va pas ?

Je sais que ce n'est pas mon genre de perdre patience ni même de m'énerver, mais je commence vraiment à en avoir ras le bol de ses changements d'humeur et j'en ai marre qu'à chaque fois que quelque chose ne va pas, je me retrouve face à un mur. En plus, je sais très bien qu'il n'a pas vingt-cinq ans, mais vingt-huit. Noah me l'a confié la dernière fois. Lui et moi avons presque dix ans d'écart (huit pour être exacte).

- Ça va, j'ai juste passé une journée de merde, répond-il d'un air las.

- Une journée de merde ? Non, ce n'est pas parce que tu as passé une journée de merde puisque tu t'enfonces dans ton mutisme depuis hier soir. C'est à cause du baiser ?

Je vois ses poings se serrer autour de son verre, montrant que sa patience à lui aussi vient de prendre fin. Donc j'avais bien raison. Ce qui s'est passé entre nous hier est bien la cause de sa soudaine froideur.

- Non, ce n'est pas à cause de ce putain de baiser. Je t'ai déjà dit que c'était une erreur sans importance alors j'en ai rien à foutre, dit-il énervé.

Il ne s'en rend peut-être pas compte, mais ses paroles me blessent et d'une certaine manière, je sais que c'est faux et qu'il n'en a pas rien à foutre. Malheureusement, j'ai perdu toute envie de discuter et ses phrases blessantes me font tomber à mon tour dans un mutisme. Dans la manière dont il relâche son verre d'un coup puis relève les yeux vers mon visage, je capte alors qu'il vient de comprendre qu'il est allé un peu loin et qu'il m'a blessé, mais je ne veux plus rien entendre venant de lui. J'aurai dû savoir à quoi m'attendre en m'engageant dans une conversation avec lui. C'est toujours la même chose alors je ne m'en étonne même plus.

- Désolé, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, s'excuse-t-il.

Je me lève de la table n'ayant soudainement plus faim puis lui dis calmement en le regardant bien droit dans les yeux. Je ne veux pas lui montrer à quel point je suis blessée. 

- C'est bon, j'ai compris, pas besoin de t'excuser.

Suite à ça, je me dirige vers la cuisine, dépose mes affaires dans l'évier puis pars m'engouffrer dans la salle de bain histoire de pouvoir souffler un peu et laisser tomber une seule et unique larme.

Shadow Lover IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant