Shadow Lover I

Chapitre 39

Race

Je la regarde partir, totalement impuissant et je la laisse filer entre mes doigts sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour la rattraper. Voilà, je viens de faire fuir la seule personne qui savait me rendre heureux et épanoui.

La seule personne qui me donnait l'illusion d'un avenir meilleur à ses côtés. . .

La seule personne qui a réussi à briser mes barrières pour me faire ouvrir mon coeur. . .

La seule personne qui ne méritait pas de souffrir. . .

Sa haine envers moi me tue et me fait sentir au plus mal. Jamais je n'aurai pu imaginer être accro à une fille au point d'en souffrir autant lorsqu'elle me quitte. Je fais mon possible pour que mes larmes restent cachées encore quelque temps. Je ne veux pas craquer. Pas alors que tout le monde peut me voir.

- Attends, tu l'as menacés avec ton flingue, demande Lexy incrédule.

À l'entente du jugement dans sa voix, je meurs d'envie de creuser ma tombe. Elle ne pourra jamais comprendre ce qui m'a poussé à agir de la sorte. D'ailleurs, je pense que personne ne pourra comprendre.

- Je n'avais pas le choix. C'était le seul moyen pour la mettre à l'abri et la sauver. Il fallait que je la protège. . . c'est ce que j'ai toujours fait et je ne regrette pas mon geste. Je préfère qu'elle me déteste plutôt qu'elle perde la vie parce que ça. . . je ne m'en remettrai pas.

Personne ne peut comprendre pourquoi j'ai fait une chose aussi horrible que de la menacer avec mon putain de flingue, mais il fallait que je la sorte de là. Il fallait que je fasse en sorte qu'elle me suive. Je me suis promis de la protéger et c'est ce que j'ai fait aujourd'hui. Jamais elle ne m'aurait suivi si je n'avais pas sorti mon arme. Ça peut paraître cruel, mais c'était nécessaire.

Je revois encore son visage bouleversé lorsqu'elle a compris ce qu'il se passait. Ce n'était pas de la déception qui émanait d'elle, mais du dégoût. Il faut dire que moi-même à sa place, je me serai détesté. Mais jamais je ne m'en serai remis si ce soir, elle se serait prise une balle perdue ou s'ils avaient finis par l'attraper. Quitte à la perdre, je préfère que ça soit parce que j'ai fait le con plutôt que parce que la vie me l'a emmené.

- Vous ne pouvez pas comprendre. . . Personne ne peut comprendre, mais je devais le faire, dis-je à l'intention des deux filles.

Je ne leur laisse même pas le temps de répondre que je me casse de là pour rejoindre le bar bondé de monde. Je ne cherche même pas à rejoindre ma rouquine parce que je sais très bien que quoi que j'essaie de faire. Elle m'en voudra jusqu'à la mort et jamais je ne pourrai revivre un semblant de ce que j'étais en train de vivre avec elle.

Alors que je n'étais plus qu'à quelques mètres de la porte de sortie, une main me retient et alors que j'espérai désespérément que ça soit Eloïse, je me retourne vers une Salomé toute joyeuse qui contraste avec mon humeur dévastée.

- Ce n'est pas le moment ! dis-je durement.

D'ailleurs, je me retiens de dire que ça ne sera jamais le bon moment. Je n'ai aucune envie de la voir que ce soit aujourd'hui, dans une semaine ou l'année prochaine. Ce n'est pas elle que je veux et maintenant que je me suis rendus compte de ce que c'était de ressentir énormément de sentiments pour quelqu'un, cette fille ne m'apporte que du dégoût. Quand je pense que le premier soir où j'ai rencontré Eloïse, j'ai préféré arriver en retard chez elle pour passer un "bon moment" avec Salomé. Je ne savais pas ce que je perdais.

- J'ai vu ta copine partir en pleurant. Alors, tu t'es enfin rendu compte que cette fille est trop ennuyeuse pour toi, dit-elle en posant sa main manucurée sur mon torse me donnant envie de vomir.

Justement, ce n'est pas elle qui est trop ennuyeuse pour moi, mais moi qui suis trop mauvais pour elle. J'avais raison depuis le début, j'allais finir par lui faire du mal parce que nous ne venons pas du même monde. Alors que cette fille n'est que douceur et gentillesse, je me suis permis de lui coller un flingue sur la tempe. Je savais que tôt ou tard, j'allais la faire souffrir, mais égoïstement, j'ai préféré vivre cette histoire et ressentir toutes ces émotions plutôt que m'éloigner d'elle avant qu'il soit trop tard. Résultat, elle me déteste plus que tout au monde et moi, je m'en veux plus que jamais.

- Mêle-toi de tes fesses Salomé. Ma vie ne te regarde en rien. Maintenant, dégage de là.

Ne voulant pas continuer cette discussion totalement inutile qui ne mènera à rien parce que cette fille est juste trop conne pour comprendre qu'elle ne m'intéresse pas et que jamais je ne recoucherai avec elle, je dégage sa main de mon torse puis m'éloigne avant de quitter une bonne fois pour toute le bar.

Je monte sur ma moto et l'allume d'un geste rageur avant de prendre la route vers le lieu de rendez-vous qu'on avait convenu avec les autres gars. J'espère que le plan s'est déroulé mieux pour eux que ça ne l'a été avec moi parce que s'ils n'ont pas récupéré Charlotte, jamais ma rouquine ne me pardonnera.

Je n'arrive pas à effacer l'image de Eloïse, totalement dévastée lorsque je l'ai menacé, les larmes couler sur ses joues lorsqu'elle a compris mon geste. Ces mêmes larmes que je m'étais juré de ne jamais faire tomber.

Ma mission était de la protéger et au lieu de la protéger du monde, j'aurai principalement dû protéger son coeur de moi. Dans ce cas-là j'aurai pus agir ce soir sans qu'elle ressente toute cette douleur.