Promis, cette fois je t'envoie en prison !

Chapitre 03

Déclencher une bagarre est tout ce que je voulais éviter. Je cherchais à faire une forte impression, mais là, j'y suis allée trop radicalement. Ne voulant pas me mettre tout le monde à dos, je tente de calmer la situation :

— Excuse-moi, j'ai manqué de délicatesse ! On peut reprendre sur de bonnes bases, d'accord ? m'adressé-je à la fille.

Je lui tends la main en faisant un sourire qui, je l'espère, paraît sincère. Elle aussi me la tend, mais pas pour la même raison.

Le coup est parti très vite.

Je reste sous le choc face à la claque que je viens de recevoir. Bien que mes propos soient déplacés, cela ne justifie pas une telle violence. Ma joue est douloureuse et je la masse, stupéfaite. Le ricanement de Flynn qui retentit dans mes oreilles confirme que la situation l'amuse.

La fille me regarde d'un air narquois et semble vouloir se déchaîner. Elle se rue sur moi et cette fois, je lui donne un coup dans le tibia, la faisant chuter au sol. Elle a beau être féroce, elle ne sait pas se battre et encore moins se défendre. Mon adversaire agite ses bras dans tous les sens et je me mets au-dessus d'elle pour la maîtriser. Me traitant de tous les noms, elle n'arrive pas à se dégager. En position de force, je ne peux m'empêcher d'esquisser un petit rictus moqueur.

Brutalement, je sens des bras solides qui m'attrapent. Flynn s'est interposé et je croise son regard glacial. Je tente de me débattre, mais il a trop de force et, visiblement énervé, il me pousse sur le côté.

— C'est quoi ton problème ? Tu te permets de nous interrompre et tu te bats avec Molly ? Virez-la d'ici, sinon c'est moi qui m'en charge.

La fille aux cheveux violets s'appelle donc Molly. Finalement, je trouve que son prénom lui va plutôt bien. Flynn s'adresse à l'un des garçons sur un ton autoritaire :

— Jev, dégage-la illico !

J'hallucine, est-ce que Flynn a réellement besoin d'un garde du corps ? Comme s'il ne pouvait pas se défendre seul. Ce type est odieux, il considère ses amis comme des larbins. Le garçon en question a l'air de ne rien comprendre à la scène et ne sait pas ce qu'il est censé faire. Si Flynn a une carrure imposante, Jev est beaucoup plus élancé. Physiquement il m'effraie moins, même si je ne fais pas non plus le poids contre lui. Voyant que je ne bouge pas, il me prend par le bras pour me tirer vers la sortie.

— Me touche pas, je suis capable de marcher toute seule, m'énervé-je, en me dégageant.

Je descends les escaliers, furieuse, sans porter d'attention aux autres. Non seulement mon plan est tombé à l'eau à cause de cette Molly, mais en plus, Flynn a pris sa défense. Je ne sais pas si j'arriverai à recoller les morceaux. En regardant par-dessus mon épaule, je vois Jev derrière moi. Je lui lance sans une once de gentillesse :

— Tu comptes me suivre jusqu'à quand ?

Mal à l'aise, il passe une main dans ses cheveux.

— Flynn m'a demandé de te faire sortir, alors je m'assure que tu ne vas pas revenir sur tes pas.

Ne souhaitant pas une nouvelle confrontation, je respire un bon coup pour faire redescendre la pression. La porte de l'amphithéâtre se trouve à côté de la sortie du bâtiment. Je m'approche pour l'ouvrir, en l'interrogeant :

— Alors, est-ce que tu préfères rester ici ou me suivre pour vérifier que je ne reviens pas ?

Il hausse les sourcils, surpris par ma question. Je descends les marches pour m'asseoir sur un muret et il me rejoint. Il reste debout, face à moi, sans dire un mot. J'ouvre mon sac en toile et fouille à la recherche de mon paquet de cigarettes. J'en prends une, l'allume et tire une bouffée rapide. Jev ne me quitte pas du regard, l'air éberlué. La tension descend et je commence à me calmer. La brise légère m'effleure le visage et les rayons du soleil m'apportent une douce chaleur. Je ferme les yeux pour profiter de cette bulle de tranquillité en écoutant les chants d'oiseaux mêlés au bruissement des arbres. Jev, quant à lui, est toujours debout. Il n'a pas décroché un seul mot, me laissant profiter du calme ambiant.

— C'est bon, tu peux te détendre, j'ai pas l'intention d'y retourner.

Après quelques secondes d'hésitation, il fait la remarque :

— C'est bizarre, je pensais pas que t'étais le genre de fille qui fume.

Je ne peux pas m'empêcher de ricaner.

— Parfois les apparences sont trompeuses. Je fume pas tout le temps, si tu veux savoir, juste dans les situations extrêmes. Et là, on peut clairement dire que c'est le cas.

— En même temps, tu l'as bien cherché ! Molly est la pire personne à provoquer, rétorque-t-il.

— C'est vrai que je n'aurais pas dû. Mais tu penses que sa gifle était méritée ?

— Heu... non... Sa réaction était disproportionnée. Mais quand on l'énerve, elle devient une furie, donc personne n'ose la contrarier. Elle est conciliante seulement avec Flynn.

Molly représente un obstacle dans mon plan et Flynn ne semble pas non plus très chaleureux. Pourtant, il faudra bien que j'essaie à nouveau une approche, si je veux parvenir à mes fins. À l'inverse, Jev semble sympa, quoiqu'un peu naïf. Je le détaille attentivement : il a une belle carrure, des yeux sombres, des cheveux mi-longs châtain clair, aux épis visiblement indomptables, et une fine barbe naissante. Mon regard le met mal à l'aise et il baisse les yeux en jouant avec ses doigts. Il paraît assez timide et jette sans cesse des coups d'œil à droite et à gauche, pour tenter de dissimuler sa gêne. Je profite de cette situation inattendue, pour glaner des informations utiles à mon enquête. Je plante mes yeux dans les siens pour capter son attention et lui demande :

— Et moi ? Tu penses que je suis une fille qui pourrait plaire à Flynn ?