Chapitre 23

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Après avoir quitté Jev, je n'ai cessé de penser à lui, au point de rencontrer des difficultés pour m'endormir. Aussi, ce matin, des cercles bleuâtres se sont formés sous mes yeux, dû à un manque de sommeil, et je tente tant bien que mal de les dissimuler à l'aide de mon anticerne. J'avais oublié la sensation d'être attirée par quelqu'un. Bien que j'aie déjà eu des relations amoureuses, je ne me suis plus rapprochée d'un garçon, depuis le décès de mon frère. Maintenant, les flashback d'hier refont surface dans ma tête, rosissant mes joues. J'espère réussir à me comporter de manière naturelle quand je retrouverai Jev.

Ne sachant pas quelle heure il est, j'attrape mon ancien téléphone et constate qu'il me reste à peine dix minutes pour terminer de me préparer. Hier, j'ai appelé le contact que Jev m'a donné, mais face au coût exorbitant de la réparation, il vaut mieux en acheter un neuf. Pour l'instant, j'attends que mes parents me virent l'argent. Je suppose que mon père est déjà très occupé avec ma mère et je ne veux pas lui mettre davantage de pression. En dépannage, j'ai retrouvé un vieux téléphone que j'utilisais il y a quelques années et que j'ai gardé comme roue de secours. Même s'il ne fonctionne plus très bien et que parfois l'écran devient noir sans crier gare, il fera l'affaire le temps que j'en achète un nouveau. J'ai déjà enregistré le numéro de Jev, sans toutefois lui envoyer un message. Je déteste perdre mes moyens et j'ai, pour l'heure, la sensation de ne pas arriver à maîtriser mes gestes et mes paroles.

Hier soir, j'ai aussi beaucoup pensé à Flynn. Je regrette mon comportement, j'ai complètement perdu mon sang-froid. J'ai retourné ma conversation avec Jev dans ma tête, sans réussir à comprendre qui Flynn recherchait. À défaut d'avoir des réponses, j'ai noté mes questions sur mon journal d'enquête. Peut-être que cette personne est liée de très près au meurtre de mon frère et à mes yeux, elle constitue un suspect potentiel. Sur l'immédiat, réfléchir davantage ne me mènera à rien. Si je veux glaner de nouvelles informations, je dois retourner à la fac.

***

Arrivée dans l'amphithéâtre, je rejoins directement Élodie et David, assis côte à côte. En pleine discussion, ils ont l'air de bien s'entendre et s'interrompent dès qu'ils me voient. À peine je m'assieds à côté d'elle, qu'Élodie me reproche :

— Eh, tu m'as pas répondu, hier !

— Désolée, j'ai cassé mon tel et j'ai perdu les anciens messages. Je l'ai fait tomber et il marche plus du tout. En attendant, j'ai récupéré celui-là, dis-je, en lui montrant mon portable à clapet.

— Il t'arrive toujours de ces galères !

Je m'apprête à lui répondre, quand un fracas se fait entendre et la porte de l'amphithéâtre s'abat contre le mur. Tout le monde s'arrête net de parler et la bande habituelle apparaît, puis va s'asseoir comme toujours au fond. Flynn ne me lance pas un regard, à la différence de Molly qui, toujours collée à ses basques, me dévisage froidement. Maintenant que je connais une partie de son passé, je n'arrive plus à la détester comme auparavant, même si je suis loin de la porter dans mon cœur. Jev apparaît à son tour et se dirige dans ma direction, ce qui me rend perplexe. Il s'assied à côté de moi, un large sourire sur le visage.

— Qu'est-ce que tu fais ? Flynn va pas mal le prendre si tu restes avec moi, plutôt qu'avec lui ?

— Je m'en fiche pas mal, j'ai envie de passer plus de temps avec toi.

À cette phrase, je sens mon cœur fondre et le regard qu'il pose sur moi est empreint d'une grande douceur. Sa chemise en jean et son pantalon ceinturé d'une grosse boucle lui vont parfaitement. Je le trouve vraiment attirant.

— J'espère que ça va s'arranger entre vous deux.

Je dis ça par politesse. Évidemment, c'est de ma faute s'ils sont dans cette situation, mais Jev est trop bien pour Flynn, qui exerce une influence négative sur son entourage. Je suis persuadée que Jev n'est pas au courant que son meilleur ami est mêlé à une affaire de meurtre. Mais une fois les preuves suffisantes, je lui dévoilerai la vérité : Flynn n'est pas celui qu'il croit !

Le cours terminé, je vais à la cafétéria avec Élodie. David est rentré plus tôt, pour se rendre à un rendez-vous médical et Jev est parti rejoindre Flynn. Bien qu'il ne le laisse pas transparaître, cette situation le perturbe et il veut tout faire pour recoller les morceaux avec son ami. Avec Élodie, nous nous asseyons face à face, notre plateau repas devant nous. Je commence à prendre une bouchée de riz aux légumes que j'avale difficilement. Je n'ai jamais compris pourquoi la nourriture est aussi peu ragoûtante dans les cantines. Au bout d'un moment, mon amie me déclare, les yeux remplis de paillettes :

— Je crois que David me plaît !

— Vraiment ? Je ne l'avais pas soupçonné.

— Oh, ça va ! Tu penses que c'est réciproque ?

— Évidemment ! En tout cas, ça en a tout l'air. Je suis trop contente que tu te rapproches d'un gars tel que lui !

J'ajoute, en lui prenant la main :

— Que tu te rapproches d'un mec bien, qui te mérite vraiment.

Soudain, son visage s'assombrit et un voile de tristesse passe dans son regard.

— J'ai vraiment une appréhension, chuchote-t-elle, en baissant les yeux.

— Mais non, il ne faut pas, tenté-je de la rassurer. Je suis sûre que tout va bien se passer avec lui !

— Je sais, mais je peux pas m'empêcher de ressasser le passé. Et si je commets les mêmes erreurs ?

— Arrête, Élodie, je t'interdis de culpabiliser sur ce qui s'est passé. C'est pas de ta faute, d'accord ? Je te le dirai autant de fois qu'il le faudra. T'es juste tombée sur un connard. Toi, t'as rien à te reprocher.

— Qu'est-ce que je suis heureuse de t'avoir, tu peux même pas l'imaginer. C'est grâce à toi, si j'ai pu reprendre ma vie en main.

Ses paroles me touchent et je suis extrêmement émue. Même si mon amie semble pétillante et pleine de vie, ça n'a pas toujours été le cas. Quand je l'ai connue, c'était une femme brisée.

— Moi aussi, je t'adore. Aie confiance en toi, David est un gars vraiment bien.

— Quand il m'a ramenée en voiture, on a beaucoup discuté et ça nous a rapprochés. Il est tellement attentionné ! Par exemple, quand il voit que mon sac est lourd, il me le porte. Et quand il met la clim dans la voiture, il s'assure que l'air ne me vienne pas dessus. Ça paraît futile de s'attarder sur ce genre de détails, mais c'est la première fois qu'un garçon est aussi gentil envers moi.

— C'est pas futile du tout, c'est justement primordial dans une relation. Il faut que tu sois bien avec lui, que tu te sentes aimée, respectée et protégée.

— C'est exactement le cas ! Hier, quand il m'a déposé chez moi, je l'ai invité dans mon appart pour qu'on se voit plus longtemps. Et c'était génial, le feeling est super bien passé. Il ne m'a pas sautée dessus, ni forcée à avoir des relations intimes. On a juste bu un verre, en parlant de tout et de rien. Il a pris le temps de me découvrir. De fil en aiguille, je me suis ouverte à lui et j'étais tellement à l'aise que je lui ai même parlé de Robin !

En entendant ce prénom, je sens mes poils se hérisser. Il est la cause du sombre passé d'Élodie, celui qui lui a volé sa dignité.

Je ne connais pas Élodie depuis très longtemps. Nous nous sommes rencontrées l'été avant la première année de fac. Je venais d'emménager ici et je ne connaissais personne. Une fois les cartons déballés, j'étais allée à la bibliothèque pour passer le temps. Ma voiture garée sur un parking, j'ai continué à marcher car j'adore prendre l'air et sentir la brise me caresser délicatement les joues. C'est là que je l'ai rencontrée pour la première fois, ses cris m'ayant fait revenir à la réalité.

Promis, cette fois je t'envoie en prison !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant