Éberlué par une question aussi inattendue, Jev écarquille les yeux et ouvre la bouche sans émettre le moindre son. Je n'en finis pas de le surprendre. Après un temps de sidération, il me répond, hésitant :
— Honnêtement, je ne pense pas. Je ne parle pas d'un point de vue physique, car tu es une très jolie fille...
Ses joues virent au rouge pivoine et il esquive mon regard. Je ne me laisse pas distraire par son compliment, l'incitant à développer sa réponse :
— Merci, c'est très gentil. Mais, pourquoi je n'ai aucune chance ?
Il se balance sur ses jambes et triture la gourmette qu'il porte à son poignet. Visiblement mal à l'aise, sa voix vacille légèrement.
— Heu... je pense que c'est ta personnalité qui n'est pas compatible avec la sienne. T'es trop franche et t'as trop de caractère. Ce qui lui plaît, ce sont plutôt les filles extravagantes en apparence, mais qui ne lui tiennent pas tête. Un peu comme Molly.
Je note ces précieuses informations dans un coin de mon cerveau. Si je veux intégrer la bande, il va falloir que je pèse mes mots.
— Enfin, quand je dis extravagante, je parle au niveau de l'allure. Parce que vu comment t'es venue nous aborder, je pense pas que tu sois une fille très introvertie, me taquine-t-il.
Je me retiens d'esquisser un sourire. Il a raison, je me suis trop emballée. Si Flynn n'aime pas les personnes avec du caractère, il va falloir que je fasse profil bas pour la suite.
— C'est marrant, vous semblez être comme le jour et la nuit avec Flynn.
— Je te l'accorde, on est très différents. Mais c'est vraiment une bonne personne, avec de nombreuses qualités.
Il semble très fidèle en amitié. Je sais que les opposés s'attirent, mais tout de même. Jev a l'air d'être un petit chaton inoffensif, alors que Flynn est plutôt un lion prêt à bondir sur sa proie.
— Tu as l'air d'être très proche de lui.
— Oui, c'est mon meilleur ami !
J'acquiesce d'un signe de tête et j'en profite pour le détailler. Il a de longs cils et un visage fin qui lui donne un air juvénile. Contrairement à Flynn, il n'est pas très grand. Il semble patient, calme et parle avec douceur. Je ne m'attendais pas à ce qu'une personne de l'entourage proche de Flynn soit comme ça.
— Bon, il faut que j'y aille, annoncé-je.
— Attends !
Je le fixe, intriguée qu'il me retienne.
— Je voulais te dire que tu m'as vraiment épatée quand t'es venue nous voir tout à l'heure. D'habitude, les autres étudiants nous évitent, mais pas toi. Tu avais un pas tellement décidé. Et tu t'es pas laissée faire par Molly, alors que même moi, elle me fait carrément flipper, s'esclaffe-t-il. J'espère qu'on aura l'occasion de discuter à nouveau ensemble !
Cette fois, c'est moi qui reste surprise par ses propos. Contre toute attente, Jev a semblé apprécier mon comportement.
— Bien sûr qu'on se reverra, dis-je, en souriant.
— J'espère qu'à ce moment-là, tu t'attaqueras pas à moi aussi, hein ? répond-il ironiquement.
— Je vais essayer de faire des efforts !
Je plaisante à sa remarque et me détourne en lui faisant un signe de la main. Finalement, la journée ne se termine pas si mal car j'ai réussi à sympathiser avec un ami proche de Flynn. Je vais adapter mon plan : à partir de cet instant, mon objectif sera de me rapprocher de Jev car il connaît bien ma cible et me sera très utile.
Dans la voiture, j'appelle Élodie qui décroche dès la deuxième sonnerie :
— Alors, c'est bon ? T'as réussi ton rapprochement ?
— Hum... c'est un peu plus compliqué. Disons que les choses se sont déroulées d'une manière différente. Tu te souviens de la fille aux cheveux violets, celle qui se collait à Flynn ? Entre nous deux ça a dégénéré, elle m'a giflée et j'ai riposté.
— Sérieusement ? Tu ne recules vraiment devant rien quand t'es déterminée !
Elle rit de façon incontrôlable et je ne peux m'empêcher de faire de même. J'adore Élodie, nous sommes vraiment sur la même longueur d'onde.
— J'espère juste que tu vas pas avoir de problèmes avec la direction de la fac, s'inquiète-t-elle.
— Aucun risque, ça n'a pas assez dégénéré. Et le groupe a tellement mauvaise réputation que ça n'étonnera personne qu'une dispute ait éclaté.
— Ton assurance légendaire te perdra !
— Bon, je te laisse, je viens d'arriver chez moi. N'oublie pas qu'on ne commence les cours que l'aprèm, demain.
— Compte sur moi pour faire la grasse mat ! répond-elle, enjouée. Bonne soirée.
J'arrive en bas de l'immeuble où j'habite toute seule depuis un peu plus d'un an. Quand j'ai intégré la fac de droit, mes parents m'ont pris un logement non loin de l'école. Bien qu'il ne soit pas très grand, je trouve mon appartement douillet et je m'y sens bien. Dans mon salon, une table en acier gris et deux chaises assorties se partagent l'espace avec la cuisine américaine. De nombreuses plantes grasses, ne nécessitant pas beaucoup d'entretien, décorent l'endroit. N'ayant pas la main verte, j'évite à tout prix les fleurs qui ne résistent que peu de temps avant de succomber à mes mauvais traitements.
Je pose mon sac dans l'entrée et me précipite dans ma chambre. C'est une pièce lumineuse avec une grande fenêtre donnant sur la cour. En ce moment, des enfants jouent au ballon et des éclats de rires résonnent. Je m'assieds sur la couette aux motifs floraux, afin d'ôter mes chaussures. Au-dessus de mon lit, une étagère en osier est chargée de livres de cours et d'enquêtes policières. En face, de nombreuses photos ornent le mur blanc fraîchement repeint.
Sur la plupart, Élodie et moi rivalisons de grimaces, tantôt en tirant la langue, tantôt en contorsionnant nos visages avec des mimiques. Il y a aussi de nombreux clichés de mon enfance. Sur l'un d'eux, je dois avoir environ trois ans, et je suis assise dans la douche, en train de jouer avec des petits objets gonflables. J'étais mignonne avec ma petite bouille souriante et joufflue. D'autres clichés, avec mes parents, ne datent que de quelques années. Mon père tient ma mère par la main en la regardant d'un air amoureux. C'est une très belle femme avec beaucoup de charme. La robe bleue qu'elle porte met en valeur sa silhouette gracieuse. On peut distinguer quelques mèches de ses cheveux châtains courts, qui dépassent du chapeau de paille. Elle est souriante et respire la joie de vivre.
Mes yeux s'attardent sur l'un de mes souvenirs préférés : un jeune homme aux cheveux bruns qui me porte sur son dos. C'est l'été, nous sommes tous les deux en maillots de bain, face à la mer. Il a le regard malicieux, un sourire irrésistible, et nous rions aux éclats. J'aime cet instantané, car il reflète l'amour et la complicité. Juste après la prise de vue, j'étais tombée au sol, me foulant la cheville au passage. J'avais ainsi passé le reste des vacances avec un bandage. Toutes ces preuves de bonheur, à la fois si proches et si lointaines, me rendent nostalgique.
Pour ne pas me laisser happer par ce sentiment je détourne le regard et me dirige vers l'angle de la pièce pour ouvrir la penderie en grand. De nombreux vêtements tombent au sol, signe que je ne suis pas très ordonnée. J'en profite pour ranger mes chaussures blanches en toile.
Je repense au comportement de Molly et je suis toujours agacée. Il est hors de question que je perde face à cette fille. Soudain, j'ai une idée. Je récupère mon téléphone et appelle à nouveau Élodie :
— Finalement, demain pas de grasse mat, on va faire du shopping !
Elle fait semblant de râler, mais je sais bien qu'elle ne refuse jamais une sortie entre filles. On se met d'accord sur l'heure à laquelle je passe chez elle et je raccroche. Rien de tel qu'une session shopping pour se changer les idées.
Je suis motivée plus que jamais à m'immiscer dans la vie de Flynn et à affronter l'obstacle Molly.
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Promis, cette fois je t'envoie en prison !
Romance✨ Gagnant des Wattys 2023 ! 🏆 Lorsqu'un terrible drame se produit, une seule obsession subsiste : la vengeance. *** Emma, étudiante en faculté de droit, est une véritable détective dans l'âme. Depuis son enfance, elle est passionnée par les enquête...