Chapitre 10

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Le lendemain, j'arrive à dix-huit heures passées chez Élodie. Nul besoin d'être à l'heure, elle n'est jamais ponctuelle de toute manière. Je réussis à trouver une place, après un bon moment de recherche. Je m'attelle à une manœuvre fastidieuse à cause des personnes qui stationnent n'importe comment, en empiétant sur les lignes de délimitation.

Quelques gouttes de sueur plus tard, et les bras douloureux, je réussis enfin à me garer. J'essaie d'ouvrir ma portière, mais c'est tellement serré que je n'arrive pas à sortir, sans heurter la berline flambante neuve. J'estime que ce chauffeur n'a qu'à apprendre à être correct et j'ouvre ma portière sans ménagement. Je sors fière de moi, en constatant la rayure sur la carrosserie de la berline. Je ne supporte pas les gens qui ne pensent qu'à eux.

— La prochaine fois, peut-être que tu ne feras pas ton égoïste, en prenant deux places pour toi tout seul.

Ma mini-crise de colère passée, je range mes clefs pour me diriger en bas de l'immeuble. Je sonne à l'interphone et Élodie m'ouvre dans la demi-seconde qui suit. Elle m'accueille sur le pas de la porte, une serviette de bain sur la tête, et je la questionne, l'air faussement étonné :

— T'es pas encore prête ?

— Si, presque ! Faut que je me dépêche, David devrait arriver d'une minute à l'autre !

Mon amie repart s'enfermer dans la salle de bain, à la vitesse de l'éclair. En l'attendant, je m'assieds sur le canapé pour détailler la décoration à la fois simple et moderne. De nombreuses photos de nous deux sont affichées dans le salon. La douce voix d'Élodie, qui chante en se maquillant, parvient à mes oreilles, lorsque la sonnette retentit.

— Purée, c'est David ! s'exclame-t-elle, en sortant en trombe, paniquée. Tu peux lui ouvrir s'il te plaît ? Je suis pas du tout prête, je peux pas le recevoir comme ça !

En voyant ses yeux à moitié maquillés, je suis prise d'un fou-rire. Effectivement, le pauvre David risquerait de fuir s'il voyait le désastre. N'ayant pas vraiment le choix, je l'accueille.

— Hey ! Ça va ? me demande-t-il en m'embrassant.

— Super et toi ? Monte. Élodie n'est pas encore prête.

Il me suit en acquiesçant et je l'invite à entrer.

— Comme c'est beau ! s'extasie-t-il.

— Coucou, dit mon amie, en sortant la tête de la salle de bain. Contente que tu sois là ! Encore cinq minutes et c'est bon !

Tout en tirant une chaise pour l'inviter à s'asseoir, je m'adresse au garçon :

— Fais comme chez toi. Tu veux boire quelque chose ? Quand l'hôte des lieux n'est pas disponible, je prends le relais !

— Je vois ça, mais merci, je n'ai pas soif. Vous devez être très proches Élodie et toi, il y a plein de photos de vous.

— Oui, c'est le cas de le dire. Heureusement que je suis là, sinon les murs seraient bien vides.

— Tu sauves sa déco ! Vous vous êtes rencontrées comment ? questionne-t-il curieux.

J'hésite à lui répondre. Bien qu'Élodie et lui se soient rapprochés, je ne sais pas si elle lui a parlé de son passé et elle n'apprécierait pas que je le fasse, sans son accord. En fait, notre rencontre a été tumultueuse et compliquée, puisqu'elle est survenue dans le pire moment de la vie d'Élodie. À cette époque, elle était brisée, dévastée et anéantie. C'est une période qu'elle s'efforce d'oublier, même si les traumatismes ne disparaîtront jamais. Elle lui racontera son histoire quand elle le décidera, ce n'est pas à moi de le faire.

— Oh, c'est un peu long à expliquer. Et toi, David ? T'as un meilleur ami ?

— Ouais, mais je ne le vois pas trop. Tous mes amis habitent près de mon ancienne fac. Je ne connais pas grand monde ici.

Élodie choisit ce moment pour nous rejoindre.

— C'est bon, je suis prête ! Je vous ai pas trop fait attendre ?

— Bien sûr que si, mais j'ai l'habitude ! la taquiné-je d'un air moqueur.

Elle est vraiment rayonnante. Sa robe rouge fleurie épouse parfaitement ses formes et visiblement, David n'est pas insensible.

— On prend ta voiture ou la mienne ? me questionne-t-il.

— Ça m'arrangerait qu'on monte dans la tienne. Disons que j'ai eu quelques difficultés à me garer.

— Me dis pas que t'as encore défoncé une carrosserie ? intervient Élodie, hilare.

— Pas à ce point ! Je l'ai juste rayée. C'était soit ça, soit je restais bloquée à l'intérieur jusqu'à la fin de mes jours.

— Tu changeras jamais ! 

Je lui souris et nous rejoignons la voiture de David. Je laisse mon amie monter devant et m'installe sur la banquette arrière. Afin d'animer le trajet, nous faisons un blind test sur les musiques Disney et la bonne humeur nous gagne très vite. David tourne quelques minutes pour trouver une place et une fois descendus, la magie du lieu opère.

Le port est bondé de monde venu profiter de la fête foraine. De nombreux stands de jeux ont été mis en place et les enfants s'amusent à la pêche aux canards. Des attractions ont été installées, comme le manège à tasses, des auto-tamponneuses ou encore une grande roue. Les sièges des passagers virevoltent dans tous les sens et le public crie, empli d'adrénaline. Des jeux de lumières et flashs de couleurs nous emportent instantanément dans l'ambiance. Bonbons et barbes à papa déversent leurs odeurs sucrées qui viennent titiller instantanément mes narines. Les sonorisations et musiques de fêtes ne manquent pas d'attirer les visiteurs, à la fois curieux et émerveillés.

Nous prenons la file d'attente pour accéder aux montagnes russes et Élodie, excitée, ne peut cacher sa joie.

— Je vous laisse vous mettre ensemble pour cette première attraction. Je me mets juste derrière vous, nous informe David.

— D'accord, on échangera après pour pas que tu fasses toujours les manèges seul. C'est dommage qu'on soit venu en nombre impair ! crié-je pour me faire entendre par-dessus l'agitation de la foule.

Nous montons dans le wagon et Élodie s'assied à côté de moi. Elle se retourne pour voir David, juste derrière nous, et lui fait un immense sourire. Le manège monte doucement, accompagné de grincements douteux, et Élodie m'agrippe le bras. Je me tiens fermement de l'autre main, légèrement inquiète quant à la sécurité de cet engin. Nous arrivons au point culminant, avec une vue panoramique sur le port. Une brise légère caresse mes cheveux et je suis émerveillée par tant de beauté. La ville est en effervescence alors que la mer est calme et s'étend par-delà l'horizon. Le wagon entame sa descente à une allure folle et mon cœur bat la chamade lorsque nous enchaînons les loopings. Tous les passagers du manège crient à gorge déployée, moi y compris. Les sensations sont extraordinaires et nous quittons nos sièges, chamboulés, mais heureux.

— J'adore ! Allez, dépêchez-vous, qu'on en fasse d'autres ! hurle Élodie, euphorique.

Elle ne tient plus en place et elle court déjà, en direction d'une autre attraction. Nous nous regardons avec David, avant d'éclater de rire.

— Le dernier qui rejoint Élodie doit payer à boire à l'autre ! crié-je au garçon, en détalant comme un lapin.

Pris de court, il tente de me rattraper, en vain. Je lui lance ironiquement, en haletant :

— Perdu !

Nous reprenons notre souffle en riant et profitons d'un maximum de manèges, tous les trois. C'est vraiment un bon moment partagé et le temps passe à la rapidité de l'éclair.

— Faites le prochain sans moi, j'ai envie d'une barbe à papa, les informé-je, après une énième descente. Vous en voulez ?

Ils répondent négativement et je les laisse, en espérant que les deux vont profiter de l'occasion pour se rapprocher. Partager une attraction à deux est tellement romantique. La bonne odeur sucrée m'a amenée jusqu'au stand. D'autres personnes attendent devant moi, ce qui n'est pas étonnant, c'est la gourmandise vedette. Une main touche mon épaule et je me retourne brusquement.

Promis, cette fois je t'envoie en prison !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant