Chapitre 30

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J'ai l'impression de flotter. Mon corps est si léger que je ne le sens quasiment plus. Je dérive dans le vide et l'obscurité. Mes paupières sont lourdes et je n'arrive plus à contrôler mes membres. Soudain, une étoile m'apparaît. Je contracte mes muscles difficilement et m'efforce d'aller à sa rencontre. La lumière grandit de plus en plus, à mesure que je m'approche. Une silhouette se tient de dos. Bien que je n'aperçoive pas son visage, je reconnais immédiatement sa stature.

— Aron... laissé-je échapper dans un sanglot.

Il se retourne, en souriant. Ses yeux verts me fixent intensément. J'embrasse du regard chaque partie de son visage : ses sourcils touffus et parfaitement dessinés, son petit nez retroussé, ses pommettes légèrement rosées. Il a les mains appuyées sur les hanches et ne tarde pas à ouvrir ses bras dans lesquels je viens me blottir. Je ne sais plus où je me trouve. Suis-je vivante ou bien morte ? J'élude mes questions pour profiter de l'instant présent. Je savoure la chaleur de son corps qui le rend si vivant. Je passe mes doigts dans ses boucles si semblables aux miennes.

— C'est bien toi ? Tu m'as tellement manqué ...

Mon frère me caresse la tête comme il avait l'habitude de le faire plus jeune, pour me calmer durant des cauchemars. Portée par l'émotion, j'effleure délicatement sa main du bout de mes doigts, terrifiée à l'idée qu'il puisse s'évaporer sous mes yeux.

— Oui, je suis là, Emmy.

Il était le seul à me surnommer ainsi. Entendre ce mot de sa bouche me fait vibrer de l'intérieur. Je souhaite que ce moment dure pour l'éternité. Je ne supporterai pas une nouvelle séparation.

Soudain, Aron m'écarte de son étreinte et pose ses mains sur mes épaules, pour mettre une distance entre nous. Je lève la tête, hébétée, la vision floue à cause de mes sanglots.

— Tu pleures ma mort, pourtant tu n'as aucune honte à te rapprocher de mon meurtrier. Te serais-tu entichée de lui ? Tu me déçois, Emmy.

Je suis comme paralysée d'entendre de tels propos venant de mon frère. Lui qui n'a jamais ressenti de haine pour personne. Choquée, je le regarde et lorsque mes yeux trouvent les siens, je ne ressens qu'un vent glacial. Son sourire a disparu pour laisser place à un visage de marbre. Ses traits se déforment et je ne le reconnais plus. Dans des râles agonisants, il se met à enfoncer ses doigts dans son torse, laissant s'écouler des jets de sang.

— C'est toi qui m'as fait ça ! C'est à cause de toi que je suis mort, Emmy ! hurle-t-il, à mesure que le liquide se déverse, le recouvrant entièrement d'un linceul écarlate.

Je recule horrifiée et cours le plus vite possible pour échapper à cette vague de sang qui me poursuit. La tête entre les mains, je me mets à hurler désespérément. Dans un cri démentiel, je laisse ma terreur prendre possession de tout mon être. Soudain, je me sens aspirée et j'ouvre les yeux dans un sursaut.

— Tout va bien, Emma. Tout va bien, je suis là.

En sueur, les rayons de soleil m'aveuglent et je n'arrive pas à définir les contours du visage penché au-dessus de moi.

— Tu as fait un cauchemar, tout va bien.

— Jev ? murmuré-je, dans un sanglot.

— Oui, je suis là, ne t'en fais pas.

Il me caresse tendrement le visage, en essuyant mes larmes. Ayant besoin de réconfort, je me jette dans ses bras, avant de me rendormir.

***

Je me réveille en sentant une respiration chaude me caresser la nuque. Des bras m'enveloppent tendrement et je sens une présence dans mon dos. La conscience encore floue, je ne me souviens plus très bien des évènements de la veille. En me retournant, je tombe nez à nez avec le visage endormi de Jev. Sa respiration est paisible et son corps se soulève dans un mouvement régulier. Les yeux clos, son visage est détendu et lui donne un air juvénile.

Promis, cette fois je t'envoie en prison !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant