Promis, cette fois je t'envoie en prison !

Chapitre 47

J'ai envie de hurler, de lui sauter dessus, mais rien ne se passe. Molly me regarde horrifiée, les yeux écarquillés. Trop en état de choc, je ne réagis plus. Mon corps ressemble à une poupée désarticulée. Respirer est la seule chose que je suis encore en état de faire. J'entends l'air rentrer dans mes narines et je sens mon ventre se gonfler, puis se dégonfler à l'expiration, et c'est tout.

— Je suis déçu que tu ne me demandes aucune explication. Je vais donc terminer le récit, avant d'en finir définitivement avec vous deux et d'être libéré de tout ça. Je ne pourrais pas mener une existence tranquille, en sachant que la sœur d'Aron est toujours vivante.

Je vais mourir.

Tuée par la personne qui a lâchement assassiné mon frère.

La vie peut parfois être ironique. Je suis secouée d'un rire convulsif. Mon cerveau est comme détraqué et plus je ris, plus le rire se transforme en un hoquet, pour laisser place à des larmes. Mon ami m'a trahie. J'ai offert mon corps au meurtrier de la personne que je chérissais tant. À cette pensée, je me couvre le visage, honteuse. Je ferme les paupières et les serre aussi fort que je peux, espérant me réveiller chez moi. Je veux que cette personne s'arrête de parler, qu'il se taise à jamais. Mais il continue :

— Je n'ai jamais aimé Aron. Dès son arrivée dans le groupe, il m'a volé ma place auprès de Flynn en créant un lien fort avec mon meilleur ami. Plus le temps passait, plus cette jalousie s'installait. Ce crétin ne l'a jamais remarqué et essayait de se montrer gentil avec moi, alors même que je le repoussais. Tu m'entends, Emma ? Ton frère était un abruti.

Je voudrais agir, empêcher Jev d'insulter mon frère. J'aimerais défendre son honneur, mais j'en suis incapable. Molly me prend dans ses bras, en couvrant mes oreilles de ses mains, dans l'espoir de m'éviter d'entendre les calomnies de Jev. Malheureusement, ses paroles, telles des flèches empoisonnées, me criblent le corps, entraînant une douleur atroce.

— Arrête, ça suffit ! on ne veut pas entendre la suite. S'il te plait... supplie Molly.

— On arrive pourtant à la meilleure partie ! Le jour où mon couteau a transpercé sa chair et fait gicler son sang. L'ambiance était parfaite : un soir de tempête, les éléments déchaînés et ton frère gisant à mes pieds. Ce moment où je l'ai envoyé dans l'autre monde, était une apothéose.

Mes poings sont tellement serrés que je n'arrive pas à ouvrir mes mains. Mon corps est tant crispé, que toutes mes articulations sont douloureuses. J'ai la sensation de m'écrouler comme un château de cartes. Notre ravisseur marque une pause de quelques secondes, avant de reprendre :

— Est-ce que tu savais qu'on avait un credo dans notre bande ? Celui de ne s'en prendre qu'à des personnes malhonnêtes. Je n'ai jamais compris ce principe. L'argent reste le même, quelque soit la manière dont on l'a gagné. C'est Flynn qui avait mis ça en place et comme je ne voulais pas le contrarier, j'ai accepté. Mais dans son dos, je piratais les données de tout le monde. Je m'en fous des autres. Tout ce que je voulais, c'était de l'argent facile et peu m'importait à qui je m'attaquais.

Je n'en peux plus. Je veux qu'il arrête de parler, qu'il se taise à jamais, qu'il disparaisse de ce monde. Je veux qu'il paie pour tout le mal qu'il a causé. Je hurle, le cœur en miette et Molly me serre davantage dans ses bras. Mais Jev continue son récit, savourant ses propres paroles.

— Un jour, Aron a tout découvert. J'avais mal effacé mes traces et il est remonté jusqu'à moi. Il m'a menacé de tout révéler et l'a très vite regretté quand il a compris que j'étais plus dangereux qu'il ne le pensait. Le ton est vite monté entre nous et toute la colère que j'avais à son égard est remontée à la surface. Il a bien tenté de s'enfuir, mais je l'ai retrouvé et je l'ai fait taire à jamais. C'était une scène magnifique. Tout ce sang était d'une beauté à couper le souffle. Un véritable carnage exquis ! Ma seule erreur a été de ne pas penser aux conséquences. Je savais que la police n'aurait pas assez de preuves donc j'ai tenté de déguiser le meurtre en simple vol. J'ai aussi sous-estimé le lien qui unissait ton frère à Flynn. Ce dernier s'est acharné à reconstituer les faits et je l'ai accompagné, en brouillant bien évidemment les pistes. J'ai toujours pris mes précautions quand je piratais des données. C'est aussi pour ça que j'ai intégré une fac de droit, afin d'apprendre à maîtriser la loi pour mieux la fuir. Mais un meurtre, c'est plus dur à cacher. J'avais sans cesse peur qu'on retrouve ma trace. Alors, quand j'ai compris que tu soupçonnais Flynn, je n'ai pas hésité une seule seconde à lui faire porter le chapeau. Fin de l'histoire ! C'est très palpitant tout ça, ne trouvez-vous pas ? Maintenant que vous savez tout, il est temps d'en finir. Une dernière parole ?